Une mère en mer: Mme Laurette réalise son rêve

Pendant plus d’un demi-siècle, une paire de jumelles sur le rebord de sa fenêtre, la propriétaire de la petite maison jaune regardait passer les bateaux en face de Saint-André-de-Kamouraska…et rêvait. Kayak, chaloupe, goélette, grand voilier, vraquier, pétrolier, porte-conteneur…elle en prenait note dans son petit carnet. À l’arrivée de l’automne, elle faisait venir de la garde côtière à Québec l’horaire des paquebots tels Queen Mary II, Queen Elizabeth II, Explorer of the Sea, Grand Princesse… Et elle les attendait à sa fenêtre se disant, « un jour, je ferai une croisière ».

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Ce jour est enfin arrivé en juillet 2006 quand Laurette, à l’âge de 77 ans, prit le bateau à Rivière-Ouelle pour réaliser une mini croisière de 2 jours qui l’emmènerait à Chicoutimi. Or, ce n’était que l’apéritif. Le plat principal lui serait servi l’année de ses 80 ans. Le 15 février 2009, Laurette, accompagnée de sa fille, Dorothée, eut son baptême de l’air. De l’aéroport Jean-Lesage à Québec, elles se sont envolées vers Miami. À Fort Lauderdale, elles se joignirent aux 2 970 autres passagers pour entreprendre à bord du Carnival Valor une tournée autour de la Caraïbe. Quatre escales prévues avant d’accoster de nouveau à Fort Lauderdale une semaine plus tard.  D’abord, les Iles Caïman, suivi de Roaton (Honduras), du Bélize et de Cozumel (Mexique).

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Le Carnival Valor

En haute mer, comme à la plage, assise par terre ou en VW Coccinelle, Laurette jouit de la plus belle semaine de sa vie. Elle écrivait dans son journal qu’elle conservait religieusement :

Un voyage pour moi, ce n’est pas arriver, c’est partir. C’est la saveur de la journée qui s’ouvre. C’est l’imprévu de la prochaine escale. C’est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose. C’est la curiosité de confronter ses rêves avec le monde. Repos, songeries, bonheurs, on ne vous goûte vraiment qu’en mer, sur un magnifique bateau. Vive l’eau, les bateaux et les capitaines.

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C’est la petite maison jaune qui fit de Laurette Morin et moi des amis. Au moment où elle cherchait à contre cœur à la vendre, je suis passé devant sa porte. N’eut été mon empressement de me rendre au Nouveau-Brunswick ce samedi après-midi-là, je l’aurais achetée sur le champ ! Le mardi, au retour, j’avais envie de visiter ce qui aurait pu être pour moi une maison de retraite formidable. À mon arrivée, la propriétaire, Laurette, arrosait ses fleurs. Ne voyant plus de pancarte, j’exclamai : « Madame, votre belle maison est-elle encore à vendre? » Ce à quoi, elle me répondit, la gorge resserrée d’émotion : « mon cher monsieur, vous arrivez trop tard, je l’ai vendue hier ».

Contrairement au beau rêve de Laurette qui s’est réalisé, le mien d’avoir un pied à terre au bord du Saint-Laurent, dans la douce région de Kamouraska. se fait encore attendre. Cependant, de cette rencontre fortuite, je garde quelque chose de plus précieux, une amitié sûre et durable avec la maîtresse de la petite maison jaune.