Secretariat et la « French Connection »

Aimez-vous le cinema? Aimez-vous les animaux? Aimez-vous les courses? Aimez-vous les belles histoires et les intrigues? Aimez-vous la Franco-Amérique? Si oui, vous vous devez de voir le nouveau film, Secretariat, à l’affiche depuis le 8 octobre, partout en Amérique. Lundi dernier (11 octobre) à Calgary, accompagné de huit de mes petits-enfants…et certains de leurs parents, j’ai eu l’occasion de visionner ce long métrage produit par les studios Walt Disney!

Il s’agit d’une dramatisation des événements qui se déroulent entre 1969 et 1973 chez les Chenery, éleveurs de chevaux de course en Virginie dont la fortune est chancelante. Devant des obstacles financiers majeurs, Penny Chenery Tweedie, prend les opérations en mains et risque tout sur un poulain que les uns appelleront « Big Red » et les autres appelleront Secretariat. Celui-ci deviendra probablement le plus grand et sûrement le plus célèbre cheval de course de tous les temps. Avec Sir Barton (1919), Gallant Fox (1930), Omaha (1935), War Admiral (1937), Whirlaway (1941), Citation (1948), Seattle Slew (1977) et Affirmed (1978), Secretariat (1973) se distingue comme vainqueur de la Triple Couronne, joyau de la course de chevaux en Amérique. Pour accéder aux grands honneurs, il faut qu’en cinq semaines le cheval combine vitesse et endurance en gagnant le Kentucky Derby (sur une distance un mille et un quart) à Louisville, le Preakness (sur une distance d’un mille et trois seizièmes à Baltimore) et les Belmont Stakes (sur une distance d’un mille et demi) à New York. Les résultats obtenus par Secrétariat aux trois courses dépassent de plusieurs seconds ceux des huit autres champions. À sa victoire au Belmont, « Big Red » a gagné par 31 longueurs!

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Évidemment, comme tout grand athlète, un cheval de course champion ne gagne pas tout seul, d’où l’importance ici de la « connexion canadienne-française ». Secretariat fut entrainé par Lucien Laurin, né en 1912, près de Joliette, et piloté par Ron Turcotte, né en 1941 à Drummond au Nouveau-Brunswick (voir billet de 15 juin 2005), tous deux francophones ayant fait leur place dans le domaine ultra compétitif et hyper exigeant de la course hippique professionnelle.

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Jusqu’à ce que son poids le trahisse, Laurin, joué par John Malkovich, visait une carrière de jockey. Il est monté en selle pour la première fois à Blue Bonnets (Montréal) en 1929. Après avoir remporté 161 courses, il se donne en 1942 au métier d’entraîneur où il laissera partout sa marque sur le circuit du horse racing aux États-Unis. C’est à lui que Mme Chenery-Tweedie se tournera pour faire du magnifique étalon un grand champion.

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Et c’est Laurin qui dira à Mme Tweedie de faire appel à son compatriote, Ron Turcotte, joué par Otto Thorworth, comme jockey – « un gars qui ne lâche jamais » (never backs down, dit Malkovich/Laurin)—pour conduire le jeune cheval au cercle de la victoire. Issu d’une famille très modeste dont il était le troisième de douze enfants, l’adolescent devait envisager une carrière de bûcheron dans les forêts du Nord-Ouest néo-brunswickois. En 1960, se sachant trop petit pour ce dur métier, Turcotte, prend la voie de Toronto où, par pur hasard, il se retrouvera à Woodbine comme apprenti auprès des chevaux de course. En juin 1961, on lui offre de piloter pour la première fois. Pendant 17 ans, Turcotte gagnera sa vie comme jockey, remportant plus de 3 000 courses un peu partout où le « Sport des Rois » est pratiqué. Connaissant succès sur succès à bord des chevaux de la trempe de Tom Rolfe, Riva Ridge et Secretariat, Ron Turcotte se plaça parmi les Arcaro, Shoemaker et Cauthen, au sommet de la fraternité des jockeys.

Fiers des exploits de leur héros, les édiles municipaux et les concitoyens de la région de Grand Sault (voir 4 mai 2004) prirent la décision à l’automne 1977, malgré une certaine opposition en provenance de la minorité anglophone, de baptiser le nouveau pont enjambant le Saint-Jean, le Pont-Ron-Turcotte.

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À peine six mois plus tard, le13 juillet 1978, à Belmont Race Track, à New-York, près de l’endroit où il avait élu domicile avec sa femme et leurs quatre filles, Ron monta sur Flag of Leyte Gulf. Ce sera sa dernière course. Victime d’une chute terrible, il subira de nombreuses interventions chirurgicales, mais restera tout de même cloué, sa vie durant, à son fauteuil roulant. La famille rentrerait au Canada, retrouvant famille et amis à Drummond.

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En octobre 1999, moi et une quinzaine d’étudiants de l’université Laval, avons eu l’occasion de casser la croûte avec l’ancien jockey, chez Noël à Grand Sault, à deux pas de « son pont », et d’en entendre parler du rançon de la gloire.

Le soir du 28 octobre 2010, grand événement à Grand Sault. Fraichement rentré d’une tournée de promotion aux États-Unis du film qui le porte au grand écran, Ron Turcotte, entouré de sa famille, de ses amis et des dignitaires de la place, aura droit à une projection spéciale de Secretariat, suivie d’un vin et fromage au cours duquel le principal intéressé aura l’occasion de partager ses souvenirs de « Big Red », mort en 1989, et d’invoquer sans doute le souvenir de son compatriote et ami, Lucien Laurin, porté en terre en l’an 2000. Ensemble, ces deux Canadiens français ont marqué indélébilement leur sport et, sont devenus, par le fait même, des figures sportives emblématiques de la Franco-Amérique.

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2 thoughts on “Secretariat et la « French Connection »


  1. Quelle belle histoire. Je n’ai vu que récemment le film, et ça fait toujours plaisir de voir la franco-Amérique sous différents angles.
    Merci pour le billet M. Louder, très intéressant, ça me rappelle mes cours avec vous dans les années ’90. Nous étions allés en stage à Sudbury dans le cadre du cours Géographie de l’Amérique française.
    Dominic


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