imagiNation: l’autre Salon du livre ou Salon du livre de l’Autre

Du 11 au 15 avril, au Centre Morrin dans le Vieux-Québec, en même temps que le Salon international du livre de Québec, s’est tenu un autre événement littéraire : « imagiNation : Writers’ Festival/Festival d’écrivains ».

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Pendant quatre jours, le public anglophone et anglophile de Québec a eu l’occasion de rencontrer et d’écouter, dans un lieu chargé d’histoire et dans un milieu convivial et détendu, une douzaine d’auteurs de langue anglaise, tous ayant des liens avec le Québec.

D’abord, il y a eu Paul Almond qui a prêté son nom et sa réputation au Festival en acceptant de servir comme président d’honneur. L’octogénaire d’origine gaspésienne (Shigawake) dont la carrière au Canada (CBC-Toronto), en Angleterre (BBC) et aux États-Unis (Hollywood) a connu un franc succès a épaté la galerie avec ces petites histoires glanées à travers le temps et l’espace.

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Reçu à l’Ordre du Canada en 2001, Almond travaille depuis à la rédaction de ce qu’il appelle la Saga des Alford (Alford Saga), huit livres de « faction »–comme il dit, mélange de fiction et de fact (faits)—basés sur l’histoire de ses ancêtres. Pour l’instant, il en a trois de publiés : The Survivor, The Deserter et The Pioneer. À venir cinq autres ouvrages situés géographiquement en Gaspésie, sur la Basse-Côte-Nord, en Afrique du Sud (la guerre des Boers), en Europe (Première Guerre mondiale) et au Canada (crise économique des années 30, premières années de la CBC, développement de l’industrie du cinéma et du ballet canadien).

Almond espère vivre assez longtemps pour assister à la publication du huitième volume en 2015! Faisant sourire l’assistance composée largement de jeunes cégépiens que le vieil Almond a traité de « doodles », il remémorait son mariage tempétueux avec la comédienne québécoise (canadienne-française aux dires de Paul Almond), Geneviève Bujold, et celui, plus calme, des 36 dernières années avec une femme à laquelle il doit la Saga des Alford—parce que celle-ci l’avait encouragé, en raison d’une santé chancelante, de quitter le milieu très exigeant du cinéma pour reprendre la plume qu’il avait abandonnée un demi-siècle plus tôt. Aujourd’hui, Paul Almond partage son temps entre Malibu, en Californie, et Shigawake, en Gaspésie, où le cimetière l’attend, … mais le plus tard possible.

Deux autres gros canons de la parole écrite, Rick Salutin, actuel chroniqueur au Star de Toronto, congédié en 2010 par le Globe & Mail, et le romancier Neil Bissoondath.

Il y a 40 ans, Salutin rêvait de devenir écrivain et pour le faire, a choisi de s’installer dans le Vieux- Québec (rue Sainte-Ursule), l’idée étant d’y trouver de l’inspiration. Peut-être en a-t-il trouvé, car il est devenu un important porte-parole de la Gauche au Canada anglais, se combattant fort à la fin des années 80 contre le projet de libre échange du gouvernement Mulroney. Dans le cadre du Festival, Salutin faisait connaître son plus récent ouvrage Keeping the Public in Public Education. Pour l’écrire, l’auteur avait passé un temps considérable en Finlande où le système d’éducation, basé sur la gratuité, du début jusqu’à la fin, est vraisemblablement le meilleur au monde. Dans un contexte québécois où une partie importante de la population estudiantine est en grève depuis dix semaines, son discours tombait pile.

De plus en plus connu à Québec où il réside depuis plus de 15 ans, Neil Bissoondath est l’auteur de six romans : A Casual Brutality, The Innocence of Age, The Worlds Within Her, Doing the Heart Good, The Unyielding Clamour of the Night et The Soul of All Great Designs dont la plupart sont disponibles en traduction française. En 1994, avec Selling Illusions, qui se veut une critique sévère à l’endroit du multiculturalisme canadien, Bissoondath a secoué les fondements de cette vache sacrée canadienne. Dans le cadre d’un cours de géographie sociale et culturelle à l’université Laval, je me suis déjà servi de la version traduite de ce livre (Le Marché aux illusions) comme document de base.

À l’occasion de sa prestation au Festival, Bissoondath a fait une première lecture publique d’une nouvelle qui, lors de sa parution, va en surprendre plus d’un—surtout des Français et Juifs.

Le Montréalais d’origine américaine (Chicago), David Homel, au Québec depuis 1980, a fait un clin d’œil à son nouveau livre, Midway, mais a discuté surtout des différents défis rencontrés lors de la transformation des écrits et des idées en films documentaires. Il a porté un regard surprenant sur la situation des groupes linguistiques et culturels de la métropole soulignant l’absence de conflits…du moins comparée à d’autres régions du globe comme la Bosnie qu’il connaît bien.

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Un moment fort du Festival s’est produit quand deux jeunes écrivains montréalais, Dimitri Nasrallah et Glen Rotchin ont partagé le micro en présence de la tout aussi jeune journaliste de la CBC à Québec, Angelica Montgomery qui s’était donné la peine de bien lire le nouveau roman de chacun des auteurs avant d’animer la séance. Par conséquent, elle a su poser des questions qui ont fait ressortir les points de vue divergents sur Montréal comme lieu d’appartenance qu’apportent Niko et Halbman Steals Home. Dans le premier cas, Nasrallah explore l’expérience d’un jeune Libanais qui arrive au Canada à l’âge de 11 ans et qui doit composer avec cette ville étrange et étrangère. Par contre, Mort Halbman, sexagénaire juif, personnage créé par Rotchin, est né à Montréal et s’y sent bien. Il n’est pas issu des quartiers rendus célèbres par Mordecai Richler, mais plutôt de ceux de la nouvelle génération de Juifs, Côte-Saint-Luc, Notre-Dame-de-Grâce et Hampstead. La lecture en parallèle de ces deux romans permet de tester l’hypothèse selon laquelle « there is no place like home/il n’y a rien comme chez soi », thème de la table ronde.  

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La blogueuse littéraire Julie Wilson, autrement connue sous le nom de BookMadam, profitait de la tribune pour faire la promotion du voyeurisme littéraire tel qu’élaboré dans son nouveau livre, Seen Reading. Accompagnée de Miguel Syjuco, Montréalais d’adoption depuis 2009, dont le premier roman, Illustrado, dresse une impressionnante fresque politique et familiale de son pays d’origine, les Philippines, ils ont fait part à l’auditoire des écueils et des défis auxquels font face les jeunes auteurs.

Pour clore le Festival sur un ton festif, la chanteuse folk, Mary Beth Carty, celle qui avait pendant cinq ans fait partie à Québec du groupe Bette et Wallet, était arrivée la veille par train d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, afin d’interpréter en scots et en anglais quelques-unes des 400 chansons écrites par le barde écossais tant aimé, Robert Burns.

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Fréquenter les auteurs au Salon international du livre de Québec n’est pas de tout repos. L’événement est devenu tellement gros ! En revanche, participer à l’autre Salon du livre ou au Salon du livre de l’Autre fournit l’occasion non seulement de baisser de régime , mais de découvrir l’Autre sous un angle nouveau et agréable.

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