À la recherche de solitude…sans être tenté !

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St. George, Utah, je me lève. Ipad en main, je clique sur l’icône de l’app appartenant à MétéoMédia. À Québec, il fait -17 avec avertissement de vent fort. Je change de ville. Ici, il fait +7 dans le moment. En après-midi +17. Trente-quatre degrés de différence, c’est appréciable !

En fin de semaine, nous avons cousiné. C’est extrêmement rare ! Mes deux nièces et leurs conjoints avaient voyagé cinq heures pour se joindre à nous. Déjeuner au Jardin Xetava à Kayenta, pique-nique dans le canyon Snow et souper chez Ka’ili, restaurant à saveur hawaïenne à Santa Clara, tous ces endroits à moins d’un quart d’heure du petit condo que nous occuperons jusqu’au 16 février. Au festin du soir, un cousin germain, Myrl, que j’avais peut-être vu trois fois en 50 ans, et son épouse, Vera, qui habitent St. George nous tenaient aussi compagnie.

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Café Xetava

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Pique-nique

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Chez Ka’ili

De toute évidence, nous nous sommes gâtés et gavés. Au pique-nique, par exemple, le dessert fut particulièrement succulent, trois tartes achetées à Veyo, petit hameau (483 habitants) dont la renommée de sa boulangerie attire des clients de 50 kilomètres à la ronde.

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Tarte aux bleuets, tarte chocolat crème, tarte framboise « zinger »

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Pas habitué à tant de cousinage et peu accoutumé à manger de la sorte, le soleil aidant, une randonnée dans la montagne à la recherche de solitude s’imposait. En moins d’une heure, j’étais rendu au sommet d’une crête rocailleuse qui domine la vallée désertique autour (attention aux petits cactus) et à travers laquelle un ravin massif offre un défi de taille aux amateurs de l’escalade.

 

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Au loin, j’entendais à peine le ronron des VTT qui pourchassaient des « road runner ». Compte tenu de la tranquillité du lieu et de l’immense espace vide tout autour de moi, je me rappelais  l’enseignement évangélique de la veille portant sur les tentations du Christ dans le désert !

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Déception chez Landry et filles

Depuis 15 jours, je l’attendais. Ô que j’avais hâte de manger chez Landry et filles, au coin de Guilford et Papineau, à Montréal. Au surlendemain du Jour de l’an, en écoutant à Québec la première chaîne de Radio-Canada en provenance de Moncton, j’en avais entendu parler. Anne Godin, à son émission Tout un samedi, a passé en entrevue, Marc Landry, propriétaire de cet agréable petit restaurant.

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Quel intérêt cette vedette de la radio acadienne avait-elle à présenter à ses auditeurs cet entrepreneur montréalais et à faire la promotion de son restaurant ? Poser la question, c’est y répondre ! Marc Landry est originaire de l’Acadie des terres et forêts, cette région située à cheval sur les frontières séparant le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, le nord du Maine et le Témiscouata québécois (le fameux république du Madawaska), région qui a accueilli en août dernier le Congrès mondial acadien. Bien qu’il soit originaire de Saint-Hilaire, village situé à mi-chemin entre Edmundston et Clair, du côté canadien, et en face de Frenchville, du côté états-unien, le jeune Marc, avant de se fixer à Montréal, a roulé sa bosse pas mal en France et en Angleterre tout en apprenant les secrets de la cuisine gastronomique.

« Fixer » n’est pas le bon mot, car Landry et filles était à l’origine, comme il le dit, un « food truck », l’un de ces camions sillonnant la ville offrant la bouffe de qualité à prix modique. Or, Montréal n’est ni Los Angeles ni Miami. L’hiver il faut faire autre chose, d’où l’idée d’ouvrir boutique sur Papineau entre Mont-Royal et Saint-Joseph. Au centre du menu chez Landry et filles est la humble ploye, cette crêpe faite de la farine de sarrasin qui « est un bon canevas pour mettre n’importe quoi dessus » (parole du chef). Dans sa cuisine, la simplicité se transforme en gastronomie : Ploye au graviax de saumon, salade de fenouil et câpres, fromage à la crème, œuf cuit dur et caviar. Prix : 12$

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En reconnaissance de son entrepreneuriat, Marc Landry, fut primé par le Mouvement des caisses Desjardins.

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Afin d’assurer la qualité et l’authenticité de la ploye servie chez Landry et filles, la farine provient de la famille Corriveau, habitants de Clair, qui cultive le sarrasin sur plus de 175 âcres de terre dans la région du Madawaska.

« Cuisine raisonnable et raisonnée » est donc le mantra ici. Pourquoi donc, ma déception ? Landry et filles n’ouvre qu’à 17h et je suis passé à 13h30, ce qui m’a permis de faire la connaissance du proprio, mais pour goûter à la gastronomie madawaskiënne, il faudra attendre mon prochain passage à Montréal. Oui, j’ai encore hâte.


Les abat-jour de l’avenue Cartier

Pour souligner les 72 ans de l’un des meilleurs clients du café-boulangerie Picardie et des Provisions Inc. situés sur l’avenue Cartier à Québec, moi en l’occurrence, la ville a choisi d’allumer le 15 janvier, de nombreux (j’aurais dû les compter !) nouveaux réverbères qui ressemblent à des abat-jour géants.

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Il est encore trop tôt pour apporter un avis définitif sur ces « objets » qui sont censés contribuer à faire du secteur un quartier à vocation culturelle ou artistique. Le jour, en raison des structures tubulaires, grosses et lourdes, sur lesquelles les abat-jour se reposent, ces lampadaires nuisent à la beauté de la rue. Par contre, le soir, ne pouvant voir les « tuyaux » laids, j’ai plutôt aimé la nouvelle allure.

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À chacun de se rendre sur la rue possiblement la plus agréable de Québec pour se faire une idée.


Paris… le roman

L’œuvre de l’auteur britannique, Edward Rutherfurd, rappelle celle du regretté auteur américain, James Michener (1907-1997). Spécialiste chacun du « roman historique », ils choisissent un endroit—un lieu—et racontent sur 800 ou 900 pages son histoire à travers la vie de personnages, voire de familles, fictifs. On se souviendra, entre autres, des classiques de Michener : Pacific Sud, Hawaï, Chesapeake, Pologne, Texas, Alaska et, le plus important en ce qui concerne les francophones d’Amérique, Colorado Saga. Dans ce dernier roman, grâce au personnage de Pasquinel, Michener met en lumière les aventures héroïques et les mésaventures, à l’occasion débiles, des voyageurs et coureurs de bois qui ont tant marqué l’histoire du continent et l’imaginaire des Canadiens français.

Rutherfurd (nom de plume de Francis Edward Wintle), quant à lui, emploie la même recette. Ingrédients : un lieu, des familles, un cadre temporel. J’avais commencé à lire London, paru en 1997. Rendu au tiers du livre, page 325 environ, j’y ai renoncé. Trop long, trop lent, trop méconnu l’endroit ! J’aurais dû me reprendre avec New York, paru en 2009, mais l’épaisseur du livre et surtout la petite taille des caractères m’ont fait hésiter.

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À la fin de mon adolescence, j’ai passé deux ans à Paris, la sillonnant jour après jour en Lambretta. Mes amis m’appelaient « La Poche » parce que je connaissais la ville comme ma poche. J’habitais divers secteurs : Vincennes, Nanterre, le 14e, le 16e, le 18e, Châtillon, Colombes et Clichy. À partir de 1980, j’ai eu l’occasion de la visiter périodiquement, chaque fois renouant avec le connu et découvrant l’inconnu. J’adore Paris ! Par conséquent, en épiant Paris, the novel sur l’étagère chez Barnes & Noble, aux États-Unis, je ne pouvais ne pas l’acheter et le lire…malgré son épaisseur (809 pages) et ses petits caractères (font 10).

En 26 chapitres, Rutherfurd nous fait suivre six familles, du Moyen Âge (1275) jusqu’à la deuxième Guerre mondiale, avec, en plus, un épilogue que les situe au cœur des événements de 1968 : les de Cygne, membres de la noblesse, les Renard et Blanchard de la bourgeoisie, les Gascon de la classe ouvrière, les Le Sourd, prolétaires de gauche, et les Jacob, juifs. Avec eux, on vit l’époque des Lumières, la Guerre des religions, la Révolution française, la Terreur, la crise de la Commune, les deux Guerres mondiales, mais pas de manière chronologique. Rutherfurd nous fait de petits aller et retour entre les époques sans toutefois perdre le fil du récit global.

Deux cartes, l’une de « Paris ancienne » et l’autre de « Paris moderne », facilitent la poursuite de la saga et permettent de localiser l’action.

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Tout cela est bien intéressant ! L’auteur fait même un clin d’œil au Canada. Au XVIe siècle, un membre du clan de Cygne s’y serait installé. Son descendant fera irruption à la fin du récit.

Ce qui est moins intéressant pour qui cherche à comprendre la Paris d’aujourd’hui, c’est qu’aucune mention n’est faite de l’élaboration au cours du XIXe d’un vaste Empire français ni de la décolonisation de ces territoires qui s’en suit au cours des années 1950 et 1960. À vrai dire, malgré l’épilogue, l’histoire romancée de Paris racontée par Rutherfurd, s’arrête à la Libération. Le lecteur ou la lectrice reste sur sa faim, surtout à la suite des attentats de la semaine dernière dans les locaux de Charlie Hebdo et à la Porte de Vincennes.

Comment, en écrivant un roman historique sur la capitale de l’Hexagone, ne pas tenir compte de l’immigration des 70 dernières années et de l’arrivée massive en France, et à Paris en particulier, de dizaines de milliers de musulmans issus des anciennes colonies ? Pourquoi ne pas combler le trou béant du récit (1945-2010) en insérant dans la trame une famille ou deux supplémentaires, les Kouachi ou Coulibaly, venus respectivement du Maghreb et du Sahel. Celles-ci auraient permis au romancier de compléter le tableau d’une Paris, non pas « moderne », mais « contemporaine », une Paris absolument transformée depuis les cinquante dernières années, une Paris dont le 19e  arrondissement, par exemple, ressemble davantage à Alger, Bamako et Dakar qu’à la ville de Napoléon III, du Baron Hausmann et de Charles de Gaulle.

 


Guy Lefebvre (1936-2014)

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Lorsque j’ai appris le décès de mon ami, Guy Lefebvre, j’étais déjà rendu aux États-Unis, au tout  début de mon plus récent périple de 8 020 kilomètres. Par conséquent, je n’ai pu ni assister aux funérailles ni offrir mes condoléances à la famille.

(http://harmonia.ca/avis?id=1146)

Je profite de l’occasion de ce premier billet de l’an 2015 pour rendre hommage à cet homme à qui je dois l’existence de ce carnet. Sa notice nécrologique mentionne plusieurs réalisations d’« une personne très impliquée dans la collectivité » : président de la Société Saint-Jean-Baptiste, membre du conseil d’administration du Carnaval de Québec et de Centraide Québec, membre fondateur et membre du conseil d’administration du CÉGEP Limoilou, etc. Ce qui n’est pas mentionné, c’est que Guy a occupé pendant une dizaine d’années le poste de Directeur général du Conseil de la vie française en Amérique, cette vénérable organisation fondée à Québec en 1937 pour appuyer les droits des communautés francophones partout en Amérique du Nord, autant aux États-Unis et au Canada anglais qu’au Québec. Pendant un demi-siècle, le CVFA n’a pas lésiné sur les moyens dans le but de promouvoir la culture canadienne et la langue française. Réunissant régulièrement ses membres de l’Ouest, de l’Ontario, de l’Acadie, de la Nouvelle-Angleterre, de Louisiane et du Midwest américain, le Conseil prenait note des défis auxquels faisaient face ces diverses collectivités et explorait des enjeux d’une Amérique française en transition. Il prescrivait des remèdes à leurs maux et apportait des éléments de solution à leurs problèmes. Au moment où la maison était en feu et on ne s’occupait plus des bâtiments—autrement dit, tout au long de la Révolution tranquille au cours duquel le Québec (maison)  s’affirmait et, en le faisant, s’éloignait des autres francophonies continentales (bâtiments)–la voix du CVFA se faisait entendre prônant toujours une « solidarité franco ».

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Lorsque Guy Lefebvre a pris les rênes du CVFA à la fin des années 90, cette voix s’était éteinte. L’Organisation se trouvait sur une pente glissante. Les coffres étaient vides. Elle agonisait. Malgré ses meilleurs efforts et ses nombreux contacts bien placés dans les milieux privés et publics, Guy n’a pas réussi à la sauver. Le 7 septembre 2007, à l’âge de 70 ans, le Conseil de la vie française en Amérique a rendu l’âme. On pourrait en conclure que la carrière de cet homme généreux et dévoué s’est donc terminée par un échec. Ce serait une erreur ! Dans la nécrologie, il aurait fallu que, parmi les réalisations, allusion soit faite au CVFA afin de reconnaître, ne serait-ce que tangentiellement, les efforts herculéens de son dernier directeur général à redorer son blason en lui rendant à nouveau ses lettres de noblesse. Une fois le CVFA disparu, le Centre de la Francophonie des Amériques, fondé en 2009 par le gouvernement du Québec avec l’appui de celui de France (d’ailleurs, à son ouverture, Nicolas Sarkozy a coupé le ruban), devint la principale, sinon la seule, voix faisant la promotion d’une francophonie pan américaine.

En sachant qu’en juillet 2003 je m’achèterais un petit campeur pour sillonner le continent à la recherche des populations francophones, Guy Lefebvre m’a proposé la tenue d’un journal de bord qu’il ferait mettre sur le serveur du Conseil de la vie française en Amérique, de manière à ce que mon périple soit connu à l’échelle planétaire. À la fois flatté, honoré et content, j’étais avant tout reconnaissant. C’était l’amorce de ce carnet qui, en 2008, lors de la fermeture définitive du serveur du CVFA, fut repris par les Éditions du Septentrion qui l’héberge depuis.

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Guy avait un nom pour mon campeur. Il l’appelait « Junior ». Comme par hasard, avant hier,  au cinéma Clap, j’ai rencontré le dernier président du CVFA et proche collaborateur de Monsieur Lefebvre, Jean-Louis Durocher. Première question qu’il me pose en me serrant la pince : « Comment va Junior ? »

En ce début de 2015, Junior va bien et son maître aussi ! Bonne année à tous les lecteurs et toutes les lectrices de cette chronique dont l’inspiration initiale parvint de Guy Lefebvre !