Courir Mardi gras à l’Anse Lejeune, LA

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Sur les Prairies du sud-ouest de la Louisiane, une belle tradition perdure. Il s’agit du « courir Mardi gras » organisé dans de nombreuses petites localités de la région. Chaque « courir » a sa personnalité propre, mais obéit à la grande tradition du partage. Les coureurs passent de maison en maison en demandant « de la charité », soit en argent, soit en nature. Les participants se rassemblent à l’aube et reçoivent les instructions du Capitaine. Vient ensuite le curé bénir l’événement. Après une prière spontanée en anglais, il fait le « Salut Marie » en français. Ici, à l’anse Lejeune, près du village d’Iota, le quart des coureurs sont à cheval et les autres montent à bord d’une remorque tirée par un camion. La charrette des musiciens suit.
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À chaque arrêt, les « mardis gras », car c’est comme cela que l’on les appelle, doivent se mettre à genoux et chanter la vieille chanson du Mardi gras (voir à la fin de ce texte). Autrefois, on ramassait plus de produits en nature et moins
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d’argent. Aujourd’hui, c’est le contraire. Les campagnards donnaient une poule, un cochon, des légumes, des épices, bref, les ingrédients pour faire un succulent gombo en soirée, au moment du bal. La tradition continue. Toutefois, pour se faire don d’une poule ou d’un cochon, il faut bien que les quêteurs masqués l’attrapent. Tout un spectacle! L’alcool se mêlant de la partie, la scène devient de plus en plus rigolo à mesure que la journée avance. La tradition à l’anse Lejeune veut qu’une « négresse » et un « petit nègre » fassent partie de la compagnie. Ils aident le capitaine, fouet à la main, à imposer la discipline.
Arrivant au bal de bonne heure, les villageois et les campagnards, ainsi que les visiteurs de l’extérieur, dégustent ce gombo aux poulet, saucisses, porc et chevreuil, le tout bien arrosé de la boisson de son choix. Une heure ou deux plus tard, les « mardi gras » arrivent, cognent à la porte et entrent. Ils occupent la piste en chantant, puis en dansant avec les jeunes et moins jeunes. Puis, ils font une dernière collecte dans un pot qu’ils entourent au milieu de la piste.
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Le moment venu, le capitaine siffle. C’est l’heure de partir, mais les « mardis gras » ne veulent pas quitter. Ils se cachent dans la cuisine, en arrière du bar, en dessous des tables, faisant en sorte que le Capitaine et ses adjoints doivent les sortir de force.
La salle tranquille de nouveau, le Capitaine souhaite bonsoir aux convives et les musiciens reprennent leur « beat » endiablé et la soirée se poursuit.
Chant du Mardi gras
Les Mardi Gras ayoù viens-tu?
Tout à l’entour du fond du verre*?
On vient de l’Angleterre, O mon cher,
O mon cher,
On vient de l’Angleterre,
Tout à l’entour du fond du verre.
Les Mardi Gras quoi portes-tu?
Tout à l’entour du fond du verre.
On porte que la bouteille, O mon cher,
O mon cher
On porte que la bouteille,
Tout à l’entour du fond du verre.
Et la bouteille est bue
Tout à l’entour du fond du verre.
Il reste que la demie, O mon cher
O mon cher,
Il reste que la demie,
Tout à l’entour du fond du verre
Et la demie et bue
Tout à l’entour du fond du verre
Il reste que le plein verre
O mon cher, O mon cher,
Il reste que le plein verre
Tout à l’entour du fond du verre.
Et le plein verre est bu
Tout à l’entour du fond du verre.
Il reste que le demi verre, O mon cher,
O mon cher,
Il reste que le demi verre
Tout à l’entour du fond du verre.
Et le demi verre est bu
Tout à l’entour du fond du verre,
Et le demi verre est bue
Tout à l’entour du fond du verre.


Funérailles à Scott, LA

Le 2 juillet 2003, avec d’autres dans les locaux du Conseil de la vie française en Amérique à Québec, j’ai eu le plaisir de faire la connaissance de M. Eddie Richard. Le 2 février 2005, j’ai eu le malheur d’apprendre son décès la veille. Étant donné le grand respect que j’avais pour lui et son épouse et pour leur fils, Zachary. Je tenais à assister aux funérailles qui ont eu lieu ce matin du 4 février dans l’église des Saints Pierre et Paul de Scott.
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La procession funéraire est arrivée au son du violon cadien. Monseigneur Frederick Swenson a célébré la messe et a rendu un vibrant hommage à l’endroit de Monsieur Eddie en insistant sur ses longues années de service communautaire. Pendant la communion, Zachary a interprété de manière saisissante Ave Maris Stella. Ensuite, il a prononcé l’eulogie de son père, un homme qui avait toujours un projet en tête. Son dernier projet, selon son fils, était la sauvegarde du français et de la culture acadienne en Louisiane.
« Si vous voulez rendre hommage à mon père, dit le fils, parlez français . And if you can’t, learn. It’s hard I know, but my daddy believed in hard work! »
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Retrouvailles à Tuscaloosa, AL

De 1970 à 1981, Jerald R. Izatt était professeur de physique à l’université Laval. Puisque nous partagions les mêmes origines géographique et culturelle, nous nous sommes tôt liés d’amitié. Au cours de l’hiver de 1981, Jerry a accepté un poste à l’université de l’Alabama. Par conséquent, Jerry et Mary Ann ont quitté Québec, élisant domicile à Tuscaloosa dans une belle maison située sur un énorme terrain qui donne sur un petit lac artificiel. C’était donc avec beaucoup de plaisir et d’émotion que nous nous sommes retrouvés chez eux pour la deuxième fois seulement en vingt-quatre ans.
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L’université de l’Alabama possède une histoire très riche, à la fois lointaine et contemporaine. Aux années 60 du 19e siècle, son campus était ciblé par l’Armée du Nord qui l’a longtemps occupé. Un siècle plus tard, le campus fut de nouveau « occupé » par les forces fédérales, cette fois-ci dans le but de faire tomber les barrières de la ségrégation raciale. Le gouverneur de l’État de l’époque, George Wallace, s’est braqué dans la porte de l’Auditorium Foster pour empêcher l’inscription de deux étudiants afro-américains à des cours dans cette université toute blanche. Cette scène fut reprise dans le film à succès Forrest Gump, mettant en vedette Tom Hanks.
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Si l’université est bien connue pour ces événements historiques, elle l’est encore davantage pour son équipe de football et son légendaire entraîneur, Paul « Bear » Bryant, décédé il y a une vingtaine d’années, après avoir emmené, bon an mal an, ses équipes au sommet du football universitaire américain. Le « coach » est encore partout sur le campus. Des fanions aux couleurs de l’université le célèbrent encore. Il a son musée contenant des ballons, casques, trophées, crampons…bref, tout ce qui rappelle la gloire du « Bear », de ses joueurs vedettes et de leurs nombreux championnats. La résidence sur le campus construite ses dernières années pour loger les athlètes porte également son nom. Et à tous les jours à Tuscaloosa, les automobilistes roulent sur le boulevard Paul W. Bryant et les écoliers fréquentent l’école Paul W. Bryant.
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À une vingtaine de kilomètres du stade Denney-Bryant, la firme Mercedes Benz, établie à Tuscaloosa depuis une dizaine d’années, essaie de tirer profit de la « légende du coach » et de l’aura entourant l’équipe du Crimson Tide (sobriquet de l’équipe) pour inspirer et inciter ses employés à donner leur plein rendement. C’est ici, sur un immense terrain de 966 acres qui ressemble davantage à un parc qu’à une usine que le géant allemand profite d’une excellente main d’œuvre à bon marché pour réaliser le montage annuel de 160 000 véhicules sportifs et utilitaires (SUV). À l’heure actuelle, 2 000 travailleurs en assurent la production. Ils sont dirigés par des administrateurs venus d’Allemagne. D’ici 2007, la production est appelée à augmenter. Le nombre d’employés doublera. Les SUV peuvent être vendus sur le marché domestique ou transportés par chemin de fer au port de Mobile sur le golfe du Mexique à partir duquel l’exportation se fait.
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Je ne pouvais m’empêcher de penser que plusieurs de ces SUV pourraient aussi se retrouver le samedi matin autour de cet énorme stade de 90 000 places à l’occasion des combats épiques des gladiateurs universitaires. Bien sûr, je fais allusion aux fameux « tailgate parties », qui précèdent chaque match de football.


Otage de la glace en Georgie

Oui, définitivement, ça va assez mal! Après avoir subi les intempéries en Nouvelle-Angleterre, je me trouve encore otage des éléments, cette fois-ci en Georgie…et je n’étais pas le seul à avoir cherché refuge au KOA de Forsyth.
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Les Bowman, de véritables aubergistes, originaires du nord de la Louisiane, nous ont rendu les désagréments du moment les plus agréables, même aux gens d’Indiana , arrivés de Floride remorquant leur bateau et portant des culottes courtes. Ce n’était pas que nous avions peur de conduire sur ces chemins. Non, pour la plupart, nous étions des gens du Nord, habitués à la neige, bien équipés et très expérimentés. Nous aurions pu facilement faire face à de telles conditions météorologiques. C’est surtout que nous ne faisions pas confiance aux Georgiens pauvrement équipés physiquement et psychologiquement pour faire face à la tempête.
Mon voisin de l’Ontario maugréait pas mal. Il n’avait pas pris le chemin de la Floride dans le but de déglacer son camion. Il aurait pu faire cela chez lui. Il avait hâte de trouver le soleil! La petite dame du Michigan s’amusait à enlever un à un des glaçons de son rétroviseur. Le monsieur de l’Ohio ne s’amusait pas à monter sur son « fifth wheel » lui enlever de la glace de sorte que ses rallonges ne se brisent pas en glissant à leur place. Le jeune Georgien se demandait comment il allait faire pour conduire sa femme, ses deux bambins et sa magnifique caravane de 32 pieds jusque chez lui, à 60 kilomètres de là.
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Ne pouvant profiter des activités sportives qu’offrait le terrain de camping, les gens flânaient à la réception et au magasin et se racontaient des histoires. Le meilleur compteur était George, résident permanent du KOA depuis son divorce. Aujourd’hui, il ne jure que sur les bienfaits de la solitude et du célibat. Il habite sa roulotte et profite du faible
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loyer mensuel que lui offre Ken Bowman. Né à Dauphin, au Manitoba, d’un père canadien et d’une mère américaine, George a opté, à l’âge de 18 ans, pour la vie aux États-Unis, en commençant par le Montana. Peu de temps après, « son oncle » (Oncle Sam) lui offre la possibilité de faire un voyage toutes dépenses payées au Vietnam. Ce n’est pas un voyage de tout repos! Les hélicoptères dont il assure la bonne marche lui permettent de voir du pays et de beaux feux d’artifice. Ensuite, toujours dans le service de « son oncle », George passera de courts séjours en Inde et au Pakistan. À ma question concernant la nature de ses missions dans ces deux pays, il répond, sourire aux lèvres, par un seul mot : « goodwill ». Le militaire américain y était pour se faire des amis! Une fois sorti de l’armée, George gagne sa vie dans le Midwest (Illinois et Indiana). « Pour moi, dit-il, les États-Unis c’est un pays où on peut bien gagner sa vie. Le Canada est un beau pays, mais on donne tout son argent aux gouvernements, d’autant plus qu’il fait trop froid! » Tanné du froid et de la « slotche » du « Rust Belt », George opte en fin de carrière pour le « Sunbelt », la Georgie, afin d’y faire l’élevage de roses sur une belle terre rouge que gardera son épouse au moment de la scission. Fin de son rêve.
Il reste quand même en George un petit fond canadien. Il critique sévèrement la politique de l’autre George (W. Bush), ce qui l’amène à des débats soutenus et orageux avec ses voisins extrêmement conservateurs et fortement influencés par la droite chrétienne qui dicte la ligne de conduite de la majorité ici.


New Bern, NC : faire fausse route sans se perdre

La possibilité de passer quelques heures dans l’une des rares colonies suisses en Amérique du Nord m’avait attiré à New Bern. Au centre d’interprétation, la gentille dame m’assure que c’était bel et bien des Suisses qui se sont installés ici en premier. Ces premiers habitants se seraient toutefois disparus mystérieusement sans laisser de traces, seulement le toponyme « Bern », mot qui, selon elle, veut dire en allemand « ours ». De vrais ours ici, on n’en voit pas, mais des effigies d’ours, il y en a partout : sur les voitures de police, sur les plaquettes identifiant des édifices historiques, sur les équipes sportives de l’école secondaire. Ne connaissant pas très bien l’allemand et désireux de vérifier les informations qui venaient de m’être transmises, j’ai téléphoné à Konrad, mon ami canadien d’origine allemande, qui m’a confirmé que « bern » ne voulait pas dire « bear ». Devant ce dilemme, je suis resté perplexe. Mais, malgré le fait d’avoir été induit en erreur, j’ai néanmoins trouvé fascinante cette petite ville de 23 000 habitants dont l’importance historique et culturelle semble dépasser de loin son poids démographique. Située à la confluence des rivières Neuse et Trenton, à proximité de l’océan Atlantique, New Bern charme par son cachet historique et surprend par sa contribution originale à la culture populaire nord-américaine.
Si les origines de New Bern semblent vagues en ce qui concerne ses premiers habitants européens, elles sont très claires quant aux deuxièmes, les Anglais. À l’époque coloniale, ceux-ci ont établi New Bern comme capitale de la Caroline du Nord. Elle l’a demeurée pendant une quinzaine d’années après la déclaration d’indépendance américaine de 1776. Une fois la nouvelle république américaine fondée, les Caroliniens commençaient à quitter les zones côtières, se déplaçant vers l’intérieur, vers le piémont et vers les Appalaches. New Bern se trouvait loin des nouveaux noyaux de populations, Par conséquent, la capitale fut déménagée à Raleigh, au centre géométrique de l’État. Aujourd’hui, entouré d’une muraille haute de trois mètres, à la manière des châteaux et logis de la royauté anglaise, le palais Tryon témoigne encore de ce rôle prestigieux de capitale.
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Plus d’une douzaine de maisons avoisinant le Palais Tryon sont classées « monuments historiques ». Parmi elles, le manoir Harvey, bâti en 1798, la maison Stanley, où sont nés en 1810 et 1817 respectivement, le gouverneur militaire des forces de l’Union en Caroline du nord, Edward Stanley, et son neveu, Lewis Addison Armistad, Général à la
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tête d’une armée confédérée défaite à la bataille de Gettysburg, et la maison Attmore-Oliver qui abrite aujourd’hui les archives de la société historique de New Bern. La plupart des maisons historiques ont connu à travers les années, selon le climat politique, de multiples fonctions : résidences familiales en temps de paix, quartiers généraux des forces de l’occupation, hôpitaux ou entrepôt en temps de guerre. Si l’histoire coloniale est mise en évidence ici, c’est la Guerre de sécession qui est célébrée le plus. La Caroline du nord a donné 125 000 soldats à la cause du Sud. Sur ce nombre, 40 000 ne sont jamais revenus. Aucun autre État de la Confederacy n’a autant contribué ni autant sacrifié.
Pas moins de neuf édifices à caractère religieux se trouvent à l’intérieur du kilomètre carré que constitue le centre historique de New Bern. Évidemment, les églises baptiste et méthodiste sont les plus imposantes. Plus modestes, les lieux de culte des catholiques et juifs dont la présence remonte à 1824 se font face sur la rue Middle, à proximité des autres.
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La guerre, la religion… deux sujets très sérieux qui ont laissé une marque indélébile sur le tissu urbain de cette petite ville du Tidewater. New Bern a aussi influencé la culture populaire du monde entier en donnant lieu à l’invention d’un produit très recherché qui désaltère et qui portait à préjugés dans le contexte de la belle province.Y a-t-il des gens à Montréal qui se souviennent de l’époque où ils se faisaient traiter de « pepsi » par des « blokes » ? Et bien, n’eut été l’élaboration en 1898 de la formule du Pepsi-Cola par Caleb Bradham, pharmacien de New Bern, il aurait fallu aux Anglâs choisir un autre nom pour abaisser les « Frenchies ».
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Fausse route? Oui, d’une certaine façon. Je n’ai pas trouvé à New Bern ce que je cherchais. Par contre, j’y ai eu droit à de belles surprises. C’est là la joie de voyager en dehors des sentiers battus. On est rarement perdu et jamais déçu.