Victoria, ville à vélo… et de villégiature

S’étendant comme un ruban vert sur une centaine de kilomètres depuis Sooke jusqu’au centre-ville de Victoria et du centre-ville à Sidney dans la péninsule, un système de pistes cyclables lie les parcs de la région entre eux, créant ainsi un parc linéaire formidable. Cyclistes, marcheurs et joggeurs en tirent tous profit. À l’occasion, pour arriver à
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destination, le cycliste ou le piéton doit emprunter un pont pour traverser l’un des nombreux plans d’eau qui caractérisent la région. Devant les grands attraits touristiques de Victoria, tels l’Hôtel Empress et le Parlement, le vélo a son importance, des guides-cycliste offrant des tours autour du port intérieur (inner harbour) en pousse-pousse modifié.
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Victoria est aussi une destination recherchée d’une multitude de « snowbirds » du nord de la province et des provinces froides et enneigées. Ils s’entassent les uns sur les autres dans de grands lieux de rassemblement, tel le Fort Victoria RV Park qui offre à la semaine ou au mois eau, électricité, câble, buanderie et sentiment d’appartenir à une communauté. Un autre « service », à deux pas du terrain de camping, permet de passer son temps et de dépenser son argent, le Great Canadian Casino.
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Avec Junior, j’ai pris place parmi ces mastodontes de la route le temps de deux nuits. Évidemment, en comparant ma Safari à celle du voisin, je me sentais tout petit, voire insignifiant! Autre atout pour ces hivernants, un arrêt ferroviaire à leur porte. Le train de Via Rail fait un voyage aller-retour par jour entre Victoria et Courtenay, dans le nord de l’île. Toutefois, la ligne est menacée de fermeture, faute d’utilisateurs. Peut-être connaîtra-elle le destin de la voie du Galloping Goose, ce train à gaz qui voyageait, aux années 20, les gens entre Sooke et Victoria. Cette ancienne voie est aujourd’hui, bien sûr, la piste cyclable mentionnée au début.
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Tofino, un bout du monde

À Tofino, la route disparaît.
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C’est l’océan Pacifique, le bord du continent! Petite ville qui vit évidemment de la mer, Tofino fonctionne au ralenti l’hiver, mais ne se ferme pas. À partir de 7h du matin, les lève-tôt peuvent prendre un café, une pâtisserie ou un déjeuner chez Vincente, café très branché de la rue Campbell—branché dans les deux sens du mot, car c’est le seul endroit à Tofino ayant accès à l’Internet sur une base régulière. Justement, pendant que je consultais mes messages matinaux, Marc, un Québécois qui a déjà enseigné la plongée sousmarine aux ingénieurs de la Polytechnique de Montréal, est entré prendre un café. Il travaille toute l’année à Tofino comme « commercial diver » (ses mots exacts). Meilleure job au monde (aussi ses mots exacts). Partout au village se trouvent des enseignes invitant à tirer profit des atouts de la nature : apprentissage du surfing, observation des baleines ou des ours. Certains parlent aussi de « storm watching », activité qui consiste en l’observation de la formation et de l’avance des tempêtes au large de la côte.
Sur la trentaine de kilomètres qui sépare Tofino de Ucluelet, les surfeurs peuvent pratiquer leur art. Un art ou un sport? Les deux, quant à moi. Et il y en avait beaucoup, même en ce Jour du souvenir où le mercure n’atteignait pas les 10 degrés. De loin ou de proche, les vagues qui se déferlent sans cesse sur la plage au rythme des vents fascinent par leur beauté, leur régularité, leur ampleur et surtout leur son.
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Vers 11h30 du matin, alors que la fraîcheur matinale se faisait chasser par quelques rayons de soleil, les marcheurs et écumeurs sortaient sur Long Beach. Il y avait, entre autres, une gentille Anglaise en visite chez son oncle et sa tante à Cobble Hill, près de Victoria et un couple à la retraite de Windsor, en Ontario. Monsieur et Madame me racontaient une mésaventure vécue il y a longtemps en Gaspésie. Avec leurs enfants, ils ont failli se faire prendre par une marée montante. En entendant le nom « Gaspésie », j’ai vite annoncé que c’était près de chez moi. Madame, aussi vite, me pose une question (en français) : « Parlez-vous français? »
Alors, là, la conversation a vite basculé vers le français. Elle s’appelait Carmen Lalonde, originaire de Bourget, près de Sudbury. Aujourd’hui, elle s’appelle Tiffel—ou quelque chose comme cela. Pour m’aider à le prononcer correctement, elle a dit, ça se dit comme « t’es folle ». L’implication étant qu’elle a dû être folle de se marier avec un Anglâs. Mais Monsieur Tiffel, à l’écart de la conversation, a assez compris pour ajouter son grain de sel : « I did my part for Canadian unity; I married one (une Canadienne française) ».
Une heure plus tard et à sept km de Long Beach, sur Comber’s Beach, plus déserte et plus sauvage, nos pas se sont recroisés le temps d’un autre petit bonjour.
Jour du souvenir mémorable sur la côte du Pacifique.


D’autres retrouvailles

Du continent perdu à l’archipel retrouvé : le Québec et l’Amérique française et Vision et visages de la Franco-Amérique, ce sont deux ouvrages que j’ai réalisés en 1983 et 2001 avec la collaboration de mon 2001 livres.jpgami et collègue, Eric Waddell. Si je le mentionne ici, c’est qu’aujourd’hui j’ai eu l’occasion de rendre visite à sa fille, Tanya, chez elle à Qualicum Beach, l’un des dix centres les plus importants au Canada pour l’accueil des gens retraités. Non, Tanya n’est pas retraitée. Elle habite la rue Spranger avec son mari, Luigi et leurs deux enfants, Flavia, 8 ans et Lucas, 5 ans, qui vont à l’école d’immersion française à Parksville, le village avoisinant. La leur est la seule maison de la rue (cul-de-sac) à abriter des enfants. Ailleurs, que de couples âges. « C’est merveilleux, dit Tanya, c’est comme si les enfants avaient chacun dix grands-parents! »Comment se fait-il que Tanya se trouve si loin du Québec, de ses parents, de ses frères et sœurs? Je lui ai posé la question. La réponse est bien simple. Il y a une douzaine d’années, désirant occuper un emploi de monitrice de français dans une école d’immersion en Colombie britannique, elle en a fait la demande. Elle fut assignée à une école à Hundred Mile House, dans l’intérieur et au nord de la province. C’est là qu’elle a rencontré Luigi qui travaillait comme forestier. Ensuite, retour aux études de Luigi et installation sur l’île. Pourquoi avoir fait une demande pour la Colombie britannique? À cette question, Tanya me fait part de ses préférences qui, à juger des milliers des gens de l’Ouest et du Centre qui se rendent ici à la fin de leurs années actives, ne sont probablement pas très différentes de celles de la plupart des Canadiens : « J’ai toujours aimé les extrêmes du Canada, l’Est et l’Ouest. Ce qui se trouve entre les deux ne m’attire pas ».Nous avons dû couper court la visite pour que je me rende à Tofino sur la côte ouest de l’île avant la tombée de la nuit. Il me restait à peine deux heures et le chemin est étroit et sinueux. Elle est aussi d’une extrême beauté, particulièrement à ce stade-ci de l’année où des milliers de citrouilles sculptées, bordent la route, ajoutant au paysage, déjà magnifique, de la couleur vive. L’halloween oblige!Entre Qualicum Beach et Port Alberni, le voyageur entre dans une « cathédrale ». On se recueille obligatoire et automatiquement devant la grandeur, la grosseur et l’âge vénérable des arbres dont certains remontent à 800 ans et tous à au moins 300 ans.
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Entre Port Alberni et la côte, sur 85 km avant d’arriver à Ucluelet, le paysage montagneux et lacustre attire le regard de tout côté. La pluie étant de la partie, je n’avançais littéralement qu’au pas d’escargot!2003 pluie.jpg


Hospitalité à la colombienne

J’ai rencontré Andrew à Black Creek, au Saratoga RV Resort , dont les propriétaires, Rob et Roberta, ont quitté le Québec au moment de l’élection du premier gouvernement péquiste. Leur établissement se trouve à mi-chemin entre Courtenay et Campbell River. Andrew n’a pas voulu que je prenne sa photo, mais je tiens quand même à décrire la belle soirée « entre hommes » que j’ai connue.
Que l’on regarde à gauche (nord) ou à droite (sud), l’endroit est magnifique. Le détroit de Georgia en face et, au loin, les montagnes du Lower Mainland, comme on aime dire ici.
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Un grand gaillard d’une trentaine d’années, Andrew et son père de soixante-six ans occupaient une caravane qui, de toute évidence, est installée en permanence à ce bel endroit. À mon arrivée avec Junior, il m’a salué tout de suite : « Hi, I’m Andrew, who are you? » Je m’identifie.
J’apprendrai plus tard de sa bouche que lui et son père viennent ici régulièrement pour « échapper à l’emprise des femmes ». Ils boivent de la bière et mangent des huîtres. De chez eux à Burnaby à Black Creek, il faut compter environ quatre heures de route et de traversier, mais ça vaut la peine! Andrew m’explique qu’il vient ici depuis trente ans…et même avant parce que son père y vient depuis quarante-cinq ans. Il a avoué ceci dans un langage, pour le moins, coloré! D’ailleurs, tout son vocabulaire est ponctué des gros mots du débardeur qu’il est.
La télévision jouait dans la salle communautaire du Saratoga Resort, mais nous n’étions que trois à le regarder. Moi, Andrew et son père écoutions la demi-finale de la Coupe Grey entre Edmonton et Saskatoon. Une fois ce match terminé, nous avons changé de poste pour regarder le match de la NFL entre Baltimore et Saint-Louis. Le père d’Andrew est parti en ce moment-là disant préférer le football canadien.
Nous avons discuté, Andrew et moi, de tous les sports et surtout du hockey. Parieur invétéré, il gagne et perd des centaines de dollars à toutes les semaines dans des « pools » de hockey et de football. Andrew est convaincu que Québec a perdu son équipe, les Nordiques, à cause du Séparatisme. J’ai beau essayé de le convaincre qu’il n’avait pas raison. Son idée est faite!
Tout à coup, Andrew me demande, « Aimerais-tu que je te fasse à manger? Il va être bon en calvaire (traduction libre). Aimes-tu des huîtres et du chili?
Je réponds que j’adore le chili, mais que je ne peux pas avaler des huîtres crues.
« Pas de problème », me dit-il et dans le temps de le dire, il se met à préparer notre repas sur le poêle à bois qui réchauffe la pièce dans laquelle nous nous trouvons.
Quatre belles huîtres couvertes en dessous et au dessus par des plats en aluminium. Du chili avec riz, des saucisses, du bacon et d’autres ingrédients encore. Au bout d’une demi-heure, l’arôme des huîtres qui se mêlait à celui du chili épicé m’ouvrait l’appétit comme c’est rarement le cas! Avec son canif, Andrew a ouvert les huîtres, les arrosant d’une sauce marinée


Peut-on se lasser des traversiers?

Je ne pense pas. J’adore les traversiers! Ayant pris la traversée à Powell River ce matin à 8h10 pour franchir le détroit de Georgie, je me trouve donc au Paradis ici à Courtenay sur l’ìle de Vancouver–même si je suis en train de faire un lavage (fiouf! j’en avais besoin). Sharon, le propriétaire de BeNu Laundry Services, est en train de me chanter les louanges de la vie insulaire. J’y reviendrai probablement lors d’une autre chronique. Mais revenons aux activités d’hier. Après avoir passé de moments forts agréables avec une amie et collaboratrice de longue date, Dorice Tentchoff qui habite l’endroit, je suis parti de Gibsons.
Juste avant cette rencontre, j’avais passé deux heures à Gomper’s Point à marcher, à regarder la mer et à regarder les habitués faire courir leur chien et nourrir les goélands. Des souvenirs de Seattle, dans l’État de Washington, me
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revenaient dans la tête de façon torrentielle. J’y avais passé quatre ans de ma vie (1967-1971) avant de changer de pays et de langue. Même région, même climat, même mer, mêmes arbres, même verdure! Si mon amie, Dorice a choisi de s’installer à Gibsons, après une carrière universitaire aux Etats-Unis qu’elle avait couronnée à Oregon State University, c’est parce que son frère, sa fille et ses petits-enfants y étaient déjà. Les premiers l’avaient choisie à la fin des années 60 et au début des années 70 en raison de la guerre que menaient les Etats-Unis en Asie du Sud-est. Dorice et moi, au cours de nos conversations, nous demandions si un nouveau courant migratoire protestataires ne pourrait s’enclencher bientôt étant donné l’embourbement de ce pays dans une autre guerre injustifiable.
Pour se rendre à Powell River, on doit obligatoirement prendre le Queen of Chilliwack qui accoste à Earl’s Cove. Le voyage la nuit est tout aussi spectaculaire que celui du jour. L’accostage en soirée à Saltery Bay est tout simplement féerique.
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Powell River. Au risque d’offenser les gens de la place, j’avoue que cette ville m’a déçu, probablement parce que je m’en étais faite une image romantique et parce que je n’y suis pas resté assez longtemps. Il s’agissait, à l’origine, d’une « company town », fondée en 1912 pour réaliser la transformation des forêts en produits de bois. Aujourd’hui, sous l’enseigne de Norske, Powell River, avec sa papeterie massive, est une des capitales canadiennes, sinon mondiales, de la fabrication du papier. Même l’équipe de hockey locale porte le nom de Powell River de « Paperkings ». Près du moulin, les maisons quasi identiques, typiques des villes à compagnie unique, sont bien en évidence.
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La ville moderne s’éloigne de la papeterie et se développe sur les hauteurs au dessus du quai où le Queen of Burnaby vient chercher des milliers de voyageurs chaque année pour les transporter à Comox, sur l’île de Vancouver, ville à partir de laquelle ils peuvent atteindre la partie septentrionale de cette immense île.