Shore Acres : un festival de lumières

Décembre déjà! Noël dans trois semaines! Sur la route, seul, le voyageur ne s’en rend pas compte. Aujourd’hui, sur la côte de l’Orégon, il se fait servir un rappel.
Au début du siècle, l’entrepreneur orégonien, Louis J. Simpson, dont le père, Asa, était venu du Brunswick, au Maine, faire fortune, s’est porté acquéreur d’un domaine surplombant le Pacifique. Cet homme, qui se présenterait sans succès aux élections de 1918 afin devenir gouverneur de l’État, y a construit un premier manoir, entouré de magnifiques jardins. Le manoir est passé au feu en 1921 et le politicien échu en a construit un autre encore plus grand. Les années de la Crise lui ayant été très dures, Simpson a tout perdu. En 1942, son domaine bien-aimé, Shore Acres, fut acheté par l’État pour un faire un parc public.
En 1987, les « Amis de Shore Acres », un groupe populaire de la région, à la recherche d’un projet communautaire, a eu la brillante idée—c’est le cas de le dire—d’illuminer, à l’occasion de Noël, les jardins. D’un début plutôt timide (6 000 ampoules miniatures et un seul sapin), l’événement est devenu un véritable Festival de lumières. Avec plus de 250 000 lumières, une multitude de sapins décorés, des sculptures en broche illuminées, un kiosque à musique éclatant et une maison féerique où l’on sert café, cidre et biscuits, Holiday Lights attire maintenant 50 000 visiteurs sur une période de six semaines (depuis l’Action de grâce au premier dimanche du mois de janvier). L’an dernier, les visiteurs venaient de trente-six pays, deux provinces canadiennes, quarante-six des cinquante États, 190 villes et villages de l’Orégon, 164 villes et villages de la Californie, trente-quatre villes et villages d’Idaho et du Nevada et soixante-seize villes et villages de Washington.
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Le rappel ayant été servi et les portes de la boutique de souvenirs se trouvant grandes ouvertes, le voyageur en a profité pour acheter deux petits cadeaux. Joyeux Noël.


John Botamer pédale…

À Coos Bay, sous une pluie battante, j’ai rencontré John Botamer. J’entrais dans la bibliothèque municipale afin de vérifier mon courriel. Il en sortait. Si je raconte son histoire, c’est parce qu’elle est assez exceptionnelle et parce que John fait ce que je fais—voyager et photographier—mais en plus difficile…en vélo. Il est parti de chez lui à Phoenix en juillet dernier. Le premier tronçon de son odyssée de seize mois devait le conduire droit au nord, à Calgary. À la frontière canadienne, il s’est cogné le nez : pas de passeport, pas de certificat de naissance. Que son permis de conduire!. Ajustant son tir, il a filé le long de la frontière vers l’ouest jusqu’à l’estuaire de Puget, avant de redescendre en longeant la côte du Pacifique dans les États de Washington, de l’Orégon et de la Californie. Il compte arriver chez lui à Phoenix en janvier pour reprendre ses forces et pour réaliser un travail d’édition et de montage avant d’enfourcher de nouveau son vélo pour poursuivre dans l’Est et le Nord-Est des États-Unis, aboutissant finalement dans le Maine. J’ai prié à John de ne pas oublier son certificat de naissance cette fois-ci afin de passer les douanes à Jackman pour venir voir au Québec. Son arrivée en sol québécois serait sûrement digne d’un article dans Le Soleil!. Il me l’a promis! Beau temps, mauvais temps, John roule sur son vélo qu’il a baptisé « Moose ». Se couchant chaque soir sous la tente, il prépare lui-même la plupart de ses repas…riches en « carbos » m’a-t-il dit.
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Mais qu’est-ce qui motive cet homme, infirmier de profession, qui prétend qu’être infirmier ou infirmière est bien plus difficile et exigeant que de réaliser l’exploit qu’il est en train de faire? C’est qu’il le fait dans le but de publiciser un sport plutôt inusité : le diskgolf. Comme le golf, cela se joue sur un terrain à dix-huit « cibles ». Au lieu de faire entrer une petite balle dans un trou, le joueur fait entrer un objet ressemblant à un frisbee, mais plus solide et plus pesant, dans un panier fait en chaînes se reposant sur un poteau d’environ cinq pieds de haut. Pour connaître les règlements et en savoir davantage sur ce jeu, il s’agit de bien lire au www.pdga.com, le site officiel de l’Association des joueurs professionnels de diskgolf.
John définit son itinéraire en fonction des terrains de diskgolf. Il en existe 1 500 aux Etats-Unis. À chaque terrain qu’il visite, il joue une partie et fait la promotion de son sport. Pendant son périple, il prépare une série de DVD promotionnels, d’où le travail d’édition et de montage. Les premiers DVD devraient être sur le marché en août prochain.
Faites comme moi. Suivez, à partir du 1er janvier, au www.diskappear.com, les péripéties de John Botamer. Encore mieux, il est possible d’entrer directement en contact avec ce passionné du vélo, de son sport et de la vie à l’adresse suivante : diskappear@netzero.com.


Reedsport, Orégon et les dunes

Arrivé à Reedsport, là où l’Umpqua, l’une de ces nombreuses rivières qui prennent source dans les Cascades, se jette dans l’océan, j`avais envie d’observer le vaste troupeau d’élans à Dean`s Creek Viewing Area.
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Malheureusement, à 10h du matin, ils n’étaient pas au rendez vous—ou plutôt—c’est moi qui avais manqué le rendez vous car il vaut mieux arriver à l’aube ou au crépuscule. À leur place, plusieurs volées de colverts s’alimentaient à même l’herbe si verte.
Ce matin-là, en faisant le tour de l’étang qui se trouve sur le terrain du Coho RV Park, j’avais rencontré Vern et sa chienne, Tia. Évidemment, la première question que l’on se pose sur un terrain de camping aux Etats-Unis est « Where are you from? ». Quand j’ai répondu « Québec », je m’attendais à la même réaction que j’avais eue la veille à Corvallis en faisant le plein. En voyant ma plaque d’immatriculation, la pompiste m’a demandé « Where’s that? » Je lui avais répondu « far away ». Mais non, Vern, m’a donné la réplique en français : « Je suis Canadien! ».
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Originaire de Trail, en Colombie-britannique, Vern a fait carrière dans l’industrie des pâtes et papiers, ayant même travaillé à l’usine de Gardiner, tout près de Reedsport, aujourd’hui abandonnée comme tant d’autres L’industrie des pâtes et papiers passe par une crise sérieuse dans le moment.. Mon nouvel ami avait également séjourné à Lebel-sur-Quévillon, à La Tuque et à Trois-Rivières. Mais lors de son passage à Gardiner, il était tombé en amour avec la côte de l’Orégon et c’est ici qu’il a décidé de s’établir à la retraite. Donc, aujourd’hui, Vern, sa femme et leur chienne habitent un gros motorisé à Reedsport. Plus tard cet hiver, ils se rendront à Bisbee en Arizona photographier des oiseaux qui y hivernent. En attendant, l`homme aux cheveux blancs et à la barbe blanche passe beaucoup de temps dans son atelier à réaliser des œuvres d’art extraordinaires. Ornithologue à ses heures, il est devenu sculpteur sur le tard. Un faucon et un saumon qu’il a lui-même sculptés témoignent de son grand talent développé depuis cinq ans. Sa grande spécialité en sculpture est des hiboux et l’harfang des neiges en particulier. Lorsque l’on examine le détail et la complexité de ces travaux, il est d’autant plus difficile de croire que l’auteur ne voit que d’un œil!
Reedsport, situé au cœur des dunes est aussi le paradis des amateurs du VTT (véhicules tout terrain). Ils viennent en campeur s’installer sur les dunes. Grands et petits, jeunes et moins jeunes, ces hommes tournent en rond à faire du bruit à tue-tête dans les VTT de tout acabit dont certains de leur propre fabrication.
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Et juste à côté sur la plage, comme si de rien n’était, les petits bécasseaux courent énergiquement, les pattes invisibles tellement elles bougent vite, devant la marée afin de ramasser de minuscules algues à se mettre sous la dent.
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Cette scène dissonante où des hommes détruisent la quiétude de la nature par le bruit de leurs engins, se passe au pied d’une falaise dominée par le phare de l’Umpqua, érigé en 1891. Jusqu’en 1934, il fonctionnait à l’huile. Depuis, il est à l’électricité. Sa luminosité porte au large sur 26 kilomètres.
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Hood River et la Gorge du Columbia

Quand mon père achetait une nouvelle voiture, il aimait toujours la mettre à l’épreuve. En juillet 1951, alors que j’avais huit ans, il nous a emmenés, ma mère, ma sœur et moi dans la Gorge du Columbia. L’Oldsmobile 88 de l’année naviguait bien la route étroite et sinueuse construite entre 1913 et 1922 sous la direction de l’ingénieur Samuel Lancaster. Après une descente périlleuse sur la route 30, un chemin en plusieurs S, nous avons passé la nuit dans un petit motel de Hood River. J’entends encore mon père maugréer parce qu’il devait payer la chambre 10$ la nuit.
Aujourd’hui, cinquante-deux ans plus tard, j’y suis retourné. Certaines choses n’ont pas changé. Les chutes Multnomah (620 pieds ou 200 mètres) sont encore là, ainsi que celles de Wah Gwin Gwin en arrière de l’hôtel
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Columbia Gorge. Le mont Adams (12 276 pieds ou 4 000 mètres), en face du village de Hood River, du côté de l’État de Washington, et le mont Hood (11 239 pieds ou 3 600 mètres) en arrière, surveillent le Gorge, ses habitants et son trafic de plus en plus volumineux, que ce soit par la voie des rails, de la route ou des eaux. Sur une distance de 80 milles (120 km), entre les rivières Deschutes à l’Est et Sandy à l’Ouest, le Columbia coule à travers la gorge, ne s’arrêtant que momentanément aux barrages des Dalles et de Bonneville.
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Ce qui a changé c’est l’historique route construite par Lancaster. Elle a été remplacée à partir de 1964 par l’Interstate 84 qui longe le fleuve et la voie ferrée. Parties les vues spectaculaires du fleuve et de la gorge! Finies les émotions fortes causées par un rapprochement suicidaire du garde-fou et la possibilité d’une chute dans le vide! Au cours des années 1990, cependant, une section de l’ancienne route, longue de 4,6 milles (7 km), entre Hood River et Mosier, a été transformée en sentier pédestre et piste cyclable : le Twin Tunnels Trail.
Ayant laissé mon vélo à Portland, je ai emprunté à pied le sentier—d’un bout à l’autre, aller-retour. Malgré les maux de jambes que je ressentais à mon retour et l’ampoule au pied droite, je n’ai point regretté. J’ai eu le temps d’apprécier les belvédères, la végétation et surtout les conversations avec d’autres marcheurs, comme Jack, ce
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maître d’un lévrier miniature, en visite chez son fils à Hood River. Jack a envie de quitter Carmel, en Californie, où il habite depuis 1969 et de s’installer ici. Pourquoi? Parce que, selon Jack, Carmel et la région de Big Sur sont de plus infestées de millionnaires et de « trous de cul ». Il arrive d’un séjour de trois ans en France. M’attendant donc à ce qu’il parle français, il m’a déçu « Oh non, j’ai fait exprès pour ne pas l’apprendre. Quand je suis dans un pays, j’aime la solitude que m’offre le fait de ne pas parler la langue du pays! S’il fallait que j’en apprenne une, ce serait l’italien! »
Pour aménager l’ancienne route en sentier, il a fallu aux ingénieurs des années 90 réparer les deux tunnels qui ressemblent néanmoins aujourd’hui à ceux dont je gardais un vif souvenir. Des fenêtres permettent le passage d’air et de lumière. À l’intérieur de l’un des tunnels, gravée dans le roc l’écriture suivante qui rappelle les efforts surhumains déployés pour ouvrir à l’automobile cette magnifique région :
SNOWBOUND
19-27 November 1921
Chas. J. Sandiick
E.B.Marvin
Le 27 novembre 2003, quatre-vingt-deux ans plus tard, journée de l’Action de grâce aux États-Unis et je n’ai pas encore mangé ma dinde. Je me dirige donc vers le seul restaurant ouvert à Hood River en ce jour férié, le Risorante Pisquale, dans le vieil Hôtel Hood River. Mon choix au menu, écrit tel quel :
Jus de canneberge
Crispy Pumpkin Potato Cake
Chocolate Challah Bread Pudding
Tisane à la camomille
Le soir venu, en traversant le pont sur I-205 entre Portland et Vancouver, Washington, je regardais dans le rétroviseur. Mont Hood veillait encore sur moi et le grand fleuve.
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French Prairie, Orégon

En 1827, les premiers Blancs se sont implantés de façon permanente dans le territoire que l’on appellera l’Orégon. Plus précisément, ces Canadiens français, voyageurs et trappeurs travaillant au compte de la compagnie de la baie d’Hudson, s’installent dans la vallée de la Willamette. Ici, dans ce milieu édénique, ils prennent femme parmi les
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kalapuyans alors en pleine crise de survie devant les ravages de la malaria. Dix ans plus tard, ils compteront entre 65 et 70 familles situées sur la Prairie française. Ces Arquet, Bellique, Desportes, Gervais, La Bonté, LaFramboise,
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Longtain, Lucier, Perreault, Plante et Rondeau se sont surtout établis le long de la rivière, mais aussi à l’intérieur des terres, du côté de la rivière Pouding. Ils ont créé cinq villages : Butteville, Champoeg, Saint-Paul, Saint-Louis et Gervais. Champoeg a été détruit deux fois par les inondations de 1861 et de 1891. Son site existe aujourd’hui en tant que parc historique. Les quatre autres villages demeurent.
En 1834, l’année même qu’arriveront parmi eux les missionnaires méthodistes sous la houlette du pasteur Jason Lee (ceux-ci érigeront sur les rives de la Willamette à proximité de Gervais trois petits bâtiments), les Canadiens feront écrire quatre lettres à Saint-Boniface, au Manitoba, demandant la formation d’une mission catholique. Celle-ci verra le jour en 1839, mais déjà en 1836, ils auront construit à Saint-Paul une petite église en bois rond, la première église catholique en Orégon. Celle-ci sera remplacée dix ans plus tard par une structure en brique, dédicacée par Mgr François-Norbert Blanchet, archevêque de l’Orégon. Lui, son frère, Mgr Augustin-Magloire Blanchet, archevêque de Walla Walla, puis de Nisqually et Mgr Modeste Demers, évêque de l’île de Vancouver, tous trois de la région de Québec, dirigeaient à cette époque le destin de l’église catholique dans cette vaste région.
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Par la suite, d’autres Canadiens français viendraient qui n’avaient pas de liens avec la grande compagnie mercantile. Parmi ceux-là, François-Xavier Matthieu, vers 1840 et Adolphe Jetté, au début des années 1850. Le premier fut particulièrement utile à la petite collectivité parce qu’il savait lire et écrire. Dans la foulée des « troubles de 37 », Matthieu avait fuit le Bas-Canada, préférant l’Orégon à l’exécution ou à l’exil en Australie. Il a mis ses tendances républicaines à profit en 1843 en signant, avec Étienne Lucier et plusieurs Américains, des accords pour former un gouvernement provisoire qui aboutirait à un gouvernement territorial en 1846 et à un gouvernement d’état en 1859. Certains de ses compatriotes ont vu en ce geste un acte de trahison, mais il était déjà trop tard pour les Canadiens et Métis de maintenir leur hégémonie dans la région. Matthieu a opté pour la voie de la raison. Des milliers de pionniers américains arrivaient de l’Est en suivant l’Oregon Trail. Ils se sont établis massivement dans la région, réduisant rapidement les familles métisses à l’état de minorité.
Melinda Jetté, arrière-petite-fille d’Alfred Jetté de Repentigny, au Québec, et de Margaret Liard, métisse de la Prairie française (2604), prépare actuellement une thèse de doctorat en histoire à l’université de la Colombie-britannique
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sur le peuplement de French Prairie. Au congrès de l’ACSUS, lors d’une séance consacrée au thème « Zones frontalières canado-américaines : culture politique, histoire culturelle et mémoire », elle a fait un plaidoyer en faveur d’une nouvelle interprétation de l’histoire de l’Orégon. Au lieu de l’examiner toujours à travers la lentille anglocentrique des pionniers de l’Oregon Trail, il est temps, selon Melinda, de reconnaître les Canadiens comme les véritables premiers Blancs à s’établir dans la région et de décortiquer et d’analyser l’ensemble de facteurs très complexes qui les liaient aux peuples autochtones, dans un premier temps, et, dans un deuxième, à la majorité.
Une fois son intervention scientifique terminée, Melinda et moi nous sommes éloignés du vacarme de la grande ville, du brouhaha du congrès. Pour le temps d’un léger repas, nous nous sommes retrouvés sur les rives de la Willamette, à Butteville, au plus vieux magasin général encore en opération dans l’état de l’Orégon.
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