D’autres retrouvailles

Du continent perdu à l’archipel retrouvé : le Québec et l’Amérique française et Vision et visages de la Franco-Amérique, ce sont deux ouvrages que j’ai réalisés en 1983 et 2001 avec la collaboration de mon 2001 livres.jpgami et collègue, Eric Waddell. Si je le mentionne ici, c’est qu’aujourd’hui j’ai eu l’occasion de rendre visite à sa fille, Tanya, chez elle à Qualicum Beach, l’un des dix centres les plus importants au Canada pour l’accueil des gens retraités. Non, Tanya n’est pas retraitée. Elle habite la rue Spranger avec son mari, Luigi et leurs deux enfants, Flavia, 8 ans et Lucas, 5 ans, qui vont à l’école d’immersion française à Parksville, le village avoisinant. La leur est la seule maison de la rue (cul-de-sac) à abriter des enfants. Ailleurs, que de couples âges. « C’est merveilleux, dit Tanya, c’est comme si les enfants avaient chacun dix grands-parents! »Comment se fait-il que Tanya se trouve si loin du Québec, de ses parents, de ses frères et sœurs? Je lui ai posé la question. La réponse est bien simple. Il y a une douzaine d’années, désirant occuper un emploi de monitrice de français dans une école d’immersion en Colombie britannique, elle en a fait la demande. Elle fut assignée à une école à Hundred Mile House, dans l’intérieur et au nord de la province. C’est là qu’elle a rencontré Luigi qui travaillait comme forestier. Ensuite, retour aux études de Luigi et installation sur l’île. Pourquoi avoir fait une demande pour la Colombie britannique? À cette question, Tanya me fait part de ses préférences qui, à juger des milliers des gens de l’Ouest et du Centre qui se rendent ici à la fin de leurs années actives, ne sont probablement pas très différentes de celles de la plupart des Canadiens : « J’ai toujours aimé les extrêmes du Canada, l’Est et l’Ouest. Ce qui se trouve entre les deux ne m’attire pas ».Nous avons dû couper court la visite pour que je me rende à Tofino sur la côte ouest de l’île avant la tombée de la nuit. Il me restait à peine deux heures et le chemin est étroit et sinueux. Elle est aussi d’une extrême beauté, particulièrement à ce stade-ci de l’année où des milliers de citrouilles sculptées, bordent la route, ajoutant au paysage, déjà magnifique, de la couleur vive. L’halloween oblige!Entre Qualicum Beach et Port Alberni, le voyageur entre dans une « cathédrale ». On se recueille obligatoire et automatiquement devant la grandeur, la grosseur et l’âge vénérable des arbres dont certains remontent à 800 ans et tous à au moins 300 ans.
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Entre Port Alberni et la côte, sur 85 km avant d’arriver à Ucluelet, le paysage montagneux et lacustre attire le regard de tout côté. La pluie étant de la partie, je n’avançais littéralement qu’au pas d’escargot!2003 pluie.jpg


Hospitalité à la colombienne

J’ai rencontré Andrew à Black Creek, au Saratoga RV Resort , dont les propriétaires, Rob et Roberta, ont quitté le Québec au moment de l’élection du premier gouvernement péquiste. Leur établissement se trouve à mi-chemin entre Courtenay et Campbell River. Andrew n’a pas voulu que je prenne sa photo, mais je tiens quand même à décrire la belle soirée « entre hommes » que j’ai connue.
Que l’on regarde à gauche (nord) ou à droite (sud), l’endroit est magnifique. Le détroit de Georgia en face et, au loin, les montagnes du Lower Mainland, comme on aime dire ici.
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Un grand gaillard d’une trentaine d’années, Andrew et son père de soixante-six ans occupaient une caravane qui, de toute évidence, est installée en permanence à ce bel endroit. À mon arrivée avec Junior, il m’a salué tout de suite : « Hi, I’m Andrew, who are you? » Je m’identifie.
J’apprendrai plus tard de sa bouche que lui et son père viennent ici régulièrement pour « échapper à l’emprise des femmes ». Ils boivent de la bière et mangent des huîtres. De chez eux à Burnaby à Black Creek, il faut compter environ quatre heures de route et de traversier, mais ça vaut la peine! Andrew m’explique qu’il vient ici depuis trente ans…et même avant parce que son père y vient depuis quarante-cinq ans. Il a avoué ceci dans un langage, pour le moins, coloré! D’ailleurs, tout son vocabulaire est ponctué des gros mots du débardeur qu’il est.
La télévision jouait dans la salle communautaire du Saratoga Resort, mais nous n’étions que trois à le regarder. Moi, Andrew et son père écoutions la demi-finale de la Coupe Grey entre Edmonton et Saskatoon. Une fois ce match terminé, nous avons changé de poste pour regarder le match de la NFL entre Baltimore et Saint-Louis. Le père d’Andrew est parti en ce moment-là disant préférer le football canadien.
Nous avons discuté, Andrew et moi, de tous les sports et surtout du hockey. Parieur invétéré, il gagne et perd des centaines de dollars à toutes les semaines dans des « pools » de hockey et de football. Andrew est convaincu que Québec a perdu son équipe, les Nordiques, à cause du Séparatisme. J’ai beau essayé de le convaincre qu’il n’avait pas raison. Son idée est faite!
Tout à coup, Andrew me demande, « Aimerais-tu que je te fasse à manger? Il va être bon en calvaire (traduction libre). Aimes-tu des huîtres et du chili?
Je réponds que j’adore le chili, mais que je ne peux pas avaler des huîtres crues.
« Pas de problème », me dit-il et dans le temps de le dire, il se met à préparer notre repas sur le poêle à bois qui réchauffe la pièce dans laquelle nous nous trouvons.
Quatre belles huîtres couvertes en dessous et au dessus par des plats en aluminium. Du chili avec riz, des saucisses, du bacon et d’autres ingrédients encore. Au bout d’une demi-heure, l’arôme des huîtres qui se mêlait à celui du chili épicé m’ouvrait l’appétit comme c’est rarement le cas! Avec son canif, Andrew a ouvert les huîtres, les arrosant d’une sauce marinée


Peut-on se lasser des traversiers?

Je ne pense pas. J’adore les traversiers! Ayant pris la traversée à Powell River ce matin à 8h10 pour franchir le détroit de Georgie, je me trouve donc au Paradis ici à Courtenay sur l’ìle de Vancouver–même si je suis en train de faire un lavage (fiouf! j’en avais besoin). Sharon, le propriétaire de BeNu Laundry Services, est en train de me chanter les louanges de la vie insulaire. J’y reviendrai probablement lors d’une autre chronique. Mais revenons aux activités d’hier. Après avoir passé de moments forts agréables avec une amie et collaboratrice de longue date, Dorice Tentchoff qui habite l’endroit, je suis parti de Gibsons.
Juste avant cette rencontre, j’avais passé deux heures à Gomper’s Point à marcher, à regarder la mer et à regarder les habitués faire courir leur chien et nourrir les goélands. Des souvenirs de Seattle, dans l’État de Washington, me
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revenaient dans la tête de façon torrentielle. J’y avais passé quatre ans de ma vie (1967-1971) avant de changer de pays et de langue. Même région, même climat, même mer, mêmes arbres, même verdure! Si mon amie, Dorice a choisi de s’installer à Gibsons, après une carrière universitaire aux Etats-Unis qu’elle avait couronnée à Oregon State University, c’est parce que son frère, sa fille et ses petits-enfants y étaient déjà. Les premiers l’avaient choisie à la fin des années 60 et au début des années 70 en raison de la guerre que menaient les Etats-Unis en Asie du Sud-est. Dorice et moi, au cours de nos conversations, nous demandions si un nouveau courant migratoire protestataires ne pourrait s’enclencher bientôt étant donné l’embourbement de ce pays dans une autre guerre injustifiable.
Pour se rendre à Powell River, on doit obligatoirement prendre le Queen of Chilliwack qui accoste à Earl’s Cove. Le voyage la nuit est tout aussi spectaculaire que celui du jour. L’accostage en soirée à Saltery Bay est tout simplement féerique.
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Powell River. Au risque d’offenser les gens de la place, j’avoue que cette ville m’a déçu, probablement parce que je m’en étais faite une image romantique et parce que je n’y suis pas resté assez longtemps. Il s’agissait, à l’origine, d’une « company town », fondée en 1912 pour réaliser la transformation des forêts en produits de bois. Aujourd’hui, sous l’enseigne de Norske, Powell River, avec sa papeterie massive, est une des capitales canadiennes, sinon mondiales, de la fabrication du papier. Même l’équipe de hockey locale porte le nom de Powell River de « Paperkings ». Près du moulin, les maisons quasi identiques, typiques des villes à compagnie unique, sont bien en évidence.
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La ville moderne s’éloigne de la papeterie et se développe sur les hauteurs au dessus du quai où le Queen of Burnaby vient chercher des milliers de voyageurs chaque année pour les transporter à Comox, sur l’île de Vancouver, ville à partir de laquelle ils peuvent atteindre la partie septentrionale de cette immense île.


Retrouvailles à Kamloops

Situé sur un carrefour naturel, Fort Kamloops fut fondé en 1812. Pendant une cinquantaine d’années, il se trouvait au centre de la traite des fourrures, mais aux années 1860, l’essor de l’industrie minière a changé la donne. Cela n’a duré que le temps des roses cependant, les propriétaires de ranchs, des cow-boys et des éleveurs de bétail occupant progressivement la place à partir des années 1870. Ensuite vinrent les chemins de fer. Kamloops enjambe la Thompson et se vante d’être la ville la plus chaude au Canada, de point de vue de température.
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Pour le vieux prof que je suis, une visite à Kamloops s’imposait afin de reprendre contact avec deux de mes anciens étudiants tombés en amour lors de mon cours Le Québec et l’Amérique française, dispensé au trimestre d’automne 1982. Il s’agit de Gilles Viaud, de Beauport au Québec, et de Gloria Perez, de Saskatoon en Saskatchewan. Aujourd’hui, le couple et leurs trois filles (Anna-Maria, Marie-Elena et Elissa) habitent Kamloops. Gilles est professeur de géographie et directeur de département au Collège universitaire de la Cariboo (UCC). Gloria enseigne dans une école d’immersion française le matin et à l’école francophone l’après-midi. Le samedi matin, elle s’occupe de sa « petite école » d’espagnol.
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Gilles est aussi président de l’Association francophone de Kamloops (AFK) qui fête cette année ses 25 ans. Elle a pignon sur rue dans une petite maison rénovée du centre-ville de Kamloops. Gilles et la directrice générale, Margo Mercier, originaire de Lasarre, au Québec et résident de la Colombie britannique depuis une quinzaine d’années, veillent à la bonne marche de la maison et essaient de développer ses collections de livres et de vidéos de langue française, ce qui n’est pas une sinécure quand on se trouve aussi loin de la mère patrie. Tout don de livres, de musique et de vidéos serait tellement apprécié. Suzie Hardy, autre franco-colombienne d’origine abitibienne, gère la garderie francophone qui se trouve au sous-sol de la maison avec vaste terrain de jeux en arrière. On peut suivre les activités de l’AFK sur son site Internet (www.francokamloops.org) ou s’adresser directement à Margo (kam_franco@direct.ca). L’École francophone de Kamloops vit sa troisième année d’existence. Elle compte trente-cinq élèves de la première à la sixième année, chiffre à la hausse depuis les débuts (12, 22…35). Elle n’a pas son propre édifice. C’est là le rêve le plus cher de cette petite communauté francophone : ne plus partager le bâtiment avec une autre école, mais d’avoir ses propres équipements.
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Gilles m’a présenté à son collègue, Anne Gagnon, professeur d’histoire originaire de Saint-Isidore, en Alberta. Anne avait six ans quand ses parents ont décidé de participer à ce que deviendrait la dernière tentative de colonisation de l’Ouest canadien par l’Église catholique. Oui, en 1953, les Bergeron, Lavoie, Bouchard, Gagnon et Martel choisissent de quitter la région du lac Saint-Jean pour élire domicile et défricher un patelin près de la ville de Peace River, dans le nord de l’Alberta, à proximité d’autres villages canadiens français fondés quarante ans plus tôt (Falher, Donnelly, Girouxville, Marie-Reine, etc.). Après avoir roulé sa bosse un peu partout au Canada, et même en Allemagne, et à la suite de l’obtention de deux maîtrises et d’un doctorat qui porte sur le rôle joué par la Canadienne française dans l’histoire et le développement de la francophonie albertaine, Anne à accepté un poste à UCC où elle enseigne depuis neuf ans.
Je suis donc parti de Kamloops extrêmement satisfait d’avoir renouvelé mon amitié avec les Viaud et d’avoir fait la connaissance d’Anne Gagnon et des collègues du Département de géographie. Ces derniers m’ont convaincu de changer mon itinéraire de manière à réaliser « one of the most beautiful rides in North America » (paroles du professeur Brian Goehring), c’est-à-dire de suivre la route 99, le « highway sea to sky » qui me ferait passer par Cache Creek, Lillooet, Pemberton, Whistler et Squamish, avant d’arriver à Horseshoe Bay, site du terminal des BC Ferries. Depuis cet endroit, à bord du Queen of Surrey, Junior et moi nous rendrons vendredi matin à Gibson’s Landing sur la Côte du soleil (Sunshine Coast).
Je n’ai point regretté le changement d’itinéraire. Le paysage fut spectaculaire tout au long de la journée : montagnes et vallées, lacs, rivières, ruisseaux et estuaires.


Les Rocheuses séparent l’hiver de l’automne

Malgré les retrouvailles très intenses que je venais de vivre, j’avais assez hâte de me remettre en route et de traverser cette grande barrière continentale qui sont les Montagnes rocheuses de de trouver des températures plus clémentes en Colombie britannique. Je savais bien—tout le monde me le disait—qu’il n’était qu’une question de jours que le Chinook arriverait et ferait fondre toute cette neige tombée sur le sud de l’Alberta le 29 octobre. J’avais déjà reporté mon départ de 24 heures. Malgré le mercure qui indiquait -18, je ne voulais plus attendre.
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Les chemins secondaires étaient encore enneigés, mais praticables dans la région de Calgary. Par contre, la Transcanadienne était au pavé en ce mardi matin et la circulation retrouvait son rythme. Près de Canmore, les Trois sœurs tout de blanc vêtues surveillent les passants.
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Avant d’arriver au lac Louise, les gargouillements de mon estomac m’incitaient à faire un arrêt à Banff, ce village, au pied des Monts Norquart, Cascade et Sulphur, tant fréquenté l’hiver comme l’été. Sauf qu’aujourd’hui, nous sommes entre les deux. C’est la basse saison et rien—ou presque—n’est ouvert sur la rue principale, sauf bien sûr l’éternel McDonald’s. J’y entre commander un chocolat chaud. Qu’est-ce que j’entends? Le français! La langue de travail en arrière du comptoir chez McDonald’s à Banff est le français. Nous ne sommes pas nombreux à manger. La dame à table à ma gauche me fait part de sa réflexion : Humph! They come here to learn English and all they do is speak French! Plus ça change, plus ça reste pareil.
Même au mois de novembre, par une température glaciale, les touristes japonais, tout comme moi, admiraient le pittoresque lac Louise et le glacier suspendu du Mont Lefroy.
Enfin, j’arrive au sommet, entre en Colombie britannique et commence ma descente vers Golden en passant par le parc national Yoho. « Yoho » est une exclamation d’admiration et d’émerveillement dans la langue crie, émerveillement inspiré par les parois rocheuses, les chutes spectaculaires et les pics qui s’élancent vers le ciel.
Une centaine de kilomètres plus loin et un millier de mètres plus bas, à l’embouchure du canyon du cheval qui rue (Kicking Horse Canyon), à Golden, on redécouvre l’herbe et une température de 1 degré celsius. Un retour à l’automne !
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