Sur les traces des Huguenots: Charleston, SC

En 1685, cinquante familles huguenotes arrivent en Caroline du Sud à bord du Richemond. Le voyage avait été financé par la couronne britannique dans le but de peupler la nouvelle colonie et de développer la culture de la vigne, du mûrier et de l’olivier, ce qui n’a jamais bien réussi.

Deux ans plus tard, ces réfugiés français protestants à Charles Towne se sont vus octroyer le titre du terrain situé au coin des rues Meeting et Queen, sur laquelle l’actuelle église huguenote (la troisième) a été érigée en 1845.

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Une fois par année, en avril, pour commémorer la promulgation le 13 avril 1598 de l’édit de Nantes par Henri IV et pour faire résonner la langue de leurs ancêtres à l’intérieur de ces murs sacrés, les fidèles de tradition calviniste tiennent un service en français.

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Sans que la plupart des Américains le sachent, deux des grands héros de leur patrimoine historique et culturel seraient d’origine huguenote : (1) Paul Revere, héros de la Révolution contre les Britanniques, celui même qui, après avoir vu le signal dans le clocher de l’Old North Church ( « one if by land, two if by sea » ), aurait parti le bal en galopant dans les rues de Boston pour annoncer à ses concitoyens le début des hostilités ; (2) Davy Crockett, issu de la famille huguenote de Croquetagne, qui anglicise le nom en se réfugiant en Angleterre avant de s’intaller dans les Carolines et, enfin, au Tennessee,


L’« heure » à New Bern, NC

« Quelle heure est-il ? »

C’est par ces mots prononcés en français, presque sans accent, que la Révérende Susan Pate Greenwood a commencé son sermon le cinquième dimanche du carême devant la centaine de fidèles, tous aux cheveux gris, réunis dans l’une des nombreuses alcôves aménagées à l’intérieur de la belle et grande église méthodiste unie Centenary à New Bern, en Caroline du Nord.

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En passant par ici le 26 janvier 2005, j’avais remarqué que pas moins de neuf édifices à caractère religieux se trouvaient à l’intérieur du kilomètre carré que constitue le centre historique de New Bern, ville de 23 000 habitants, située à la confluence des rivières Neuse et Trenton, à proximité de l’océan Atlantique, dont l’importance historique et culturelle semblent dépasser de loin son poids démographique.

Pour tâter le pouls spirituel et explorer la ferveur religieuse légendaire de ce coin de pays et pour célébrer nous-mêmes le jour du Seigneur, nous avons opté pour le culte des Méthodistes. Aussitôt les pieds mis à l’intérieur de l’église, l’accueil chaleureux s’est fait ressentir. Les poignées de main pleuvaient, les sourires se multipliaient. On aurait cru la congrégation non habituée à recevoir des gens venus de si loin! À l’entrée de l’église, la fresque de l’arbre de la vie garni de parchemins, de certificats et de prix témoignait de la réussite, de la vitalité et de la fierté des membres de la communauté. Les rayons de soleil pénétrant l’alcôve à travers le vitrail nous réchauffaient l’âme et la couenne.

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Le début du sermon tombait bien pour nous, mais la prédicatrice a dû s’expliquer aux autres. Elle mentionnait l’amour qu’elle avait développé pour le français lors de ses études universitaires. Elle regrettait de ne plus avoir poursuivi cet intérêt si vif à l’époque. Puis, elle s’est servie du mot « heure » comme tremplin pour lancer un sermon à double sens, bien ficelé, d’une durée de 20 minutes portant le titre « The Hour ». En cette saison de Pâques, le sens primaire du mot « hour » faisait référence au Christ, à sa mort, bien sûr, mais surtout à sa résurrection et à son expiation. Son « heure » était venue, « heure » qui a marqué l’humanité et a changé le cours de l’histoire! Deuxième sens, du mot « hour » : chaque fidèle se doit de se préparer à rencontrer son Dieu, car personne ne connaît « son heure »—celle de sa mort—mais tous la redoutent!

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Et puisqu’il est question ici de religion, je tiens à signaler un livre d’histoire remarquable dont la lecture m’a instruit et m’a ému. Il s’agit de la biographie d’une ville, mais pas n’importe laquelle : Jerusalem : The Biography de Simon Sebag Montefiore (New York : Alfred A. Knopf, 2011).

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Jérusalem est une ville universelle, la capitale de deux peuples, le sanctuaire du Christianisme, du Judaïsme et de l’Islam. Elle a été le prix (ou la proie) de plusieurs empires, le site du Dernier jugement et le champ de bataille des civilisations en conflit perpétuel. Du Roi David de l’Ancien Testament à Barack Obama des temps modernes, de la naissance des trois grandes religions aux affrontements israélo-palestiniens sans fin, le livre porte sur 3 000 ans de foi, d’atrocités, de fanatisme et de coexistence de peuples belligérants.

Comment cette petite ville isolée devient-elle la ville sainte par excellence, le centre du monde, la clé de la paix en Moyen-Orient? Montefiore décrit Jérusalem dans ses nombreuses incarnations, chaque époque laissant une marque indélébile. L’histoire est racontée à travers les guerres, les mœurs sexuelles, les révélations des hommes et des femmes—rois, empereurs, prophètes, poètes, conquérants, prostitués—qui ont créé, ravagé, détruit et rebâti Jérusalem.

La liste des personnages qui meublent la biographie de Jérusalem se lit comme un bottin mondain de toutes les époques : Néron, César, Salomon, Cléopâtre, Saladin et Sulaiman le magnifique, Abraham, Jésus, Mahomet, Jézabel, Disraeli, Abraham Lincoln, Mark Twain, Raspoutine, Lawrence d’Arabie, Balfour, Nasser, Sadat, Churchill, Moshe Dayan, Jimmy Carter…

Montefiore tient la chronique d’une ville dont la sainteté et le mysticisme ne font aucun doute. Son œuvre nous explique, avec clarté et passion, comment Jérusalem est devenue Jérusalem, la seule ville à connaître, selon l’auteur, une existence double : une fois au ciel, une fois sur terre!


Sur les traces des Huguenots: New Paltz, NY

Le 13 avril 1598, l’ancien Protestant devenu Catholique pour faciliter son accession au trône, Henri IV—oui, celui même dont l’autoroute porte le nom à Québec et dont certains veulent le changer en Autoroute de la bravoure—a signé l’édit de Nantes mettant fin aux guerres de religion qui avaient ravagé le royaume de France au XVIe siècle.

Presque 100 ans plus tard, à la suite des dragonnades, ces persécutions dirigées sous son régime contre les Protestants, en signant le 22 octobre 1685, l’édit de Fontainebleau, contresigné par le chancelier Michel Le Tellier, Louis XIV, dans le but de consolider son emprise sur le royaume et de l’unifier par le fait même, a révoqué l’édit de Nantes. Le Protestantisme devint dès lors interdit sur le territoire français (exception faite de l’Alsace qui ne s’était fait intégrer au royaume qu’en 1648). Cette révocation a déclenché de nouveau l’exode des Huguenots vers des pays protestants comme l’Allemagne, l’Hollande, l’Angleterre, voire vers les colonies anglaises d’Amérique. Au moins 300 000 exilés protestants se retrouveraient rapidement sous d’autres cieux.

Victime des dragonnades, Louis Dubois a évité l’application de l’édit de Fontainebleau à son égard en prenant refuge dans un premier temps à Mannheim, en Allemagne. Dans un deuxième temps, avec deux de ces fils et neuf autres réfugiés huguenots voyageant à Nouvel-Amsterdam (New York), Dubois fonda en 1678 Nouveau Palatinat, toponyme de langue française rappelant leur provenance immédiate. Au fil du temps, l’influence française diminuerait et le village serait rebaptisé New Paltz, toponyme de langue anglaise traduisant le nom français, mais s’inspirant de la langue allemande: la Rheinpfalz (région du Rhin où est située Mannheim). Aujourd’hui, la ville de New Paltz, localisée au cœur de la vallée du Hudson, à une centaine de kilomètres au nord de New York, compte 7 500 habitants fiers des origines françaises.

Oui, l’héritage patrimonial des Huguenots est reconnu et célébré. Y sont conservés sept maisons en pierres, construites au début du XVIIIe siècle, un cimetière des premiers habitants, au centre duquel se trouve une église reconstruite selon le plan de celle bâtie sur les lieux en 1717, le tout dans le contexte du village original.

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Maison de Louis Dubois

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Centre d’interprétation


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Maison d’époque

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Maison d’époque (vue de deux angles différents)

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Maison d’époque

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Maison d’époque


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Église et cimetière