Un Noël rouge

Les uns l’appellent « Red Rock Country », les autres « Utah’s Dixie ». La raison de la première appellation est claire. Voici le paysage que je vois du balcon du logis que j’occupe dans le moment dans la petite ville de St. George, située tout à fait aux confins sud-ouest de l’État de l’Utah.

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Pour me rendre à Las Vegas, à deux heures d’ici, il faut couper, sur une quarantaine de kilomètres, le coin nord-ouest de l’Arizona.

Pour ce qui est du deuxième nom, c’est plus compliqué. À l’époque où les Mormons s’implantaient dans le territoire qui deviendrait leur région de prédilection, ils cherchaient un endroit où le climat était suffisamment doux pour faire pousser des produits dont ils avaient besoin et qu’ils ne pouvaient se procurer en raison de la Guerre de sécession qui sévissait dans l’Est du pays, le coton en l’occurrence. Puisque la région contrôlée au début du conflit par les Forces confédérales s’appelait « Dixie », il était tout à fait logique, au cours des années 1860, de baptiser ce pays de roc rouge, de grande chaleur l’été, et de douceur l’hiver, « notre Dixie ».

Donc, du « Red Rock Country », du « petit Dixie », poinsettia à la main, je profite de ce qui sera fort probablement mon dernier billet de l’année 2013 pour vous transmettre mes souhaits les plus sincères de joie, de paix et de félicité.

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Journée du patrimoine canadien-français au Michigan



Grâce à la résolution 173 présentée à l’Assemblée législative de l’État du Michigan par Bill LaVoy, appuyé par sa collègue Andrea Lafontaine et par un comité ad hoc travaillant sur le terrain et sur internet orchestré par James Laforest, les 165 000 résidents du Michigan d’origine canadienne-française ont pu, pour la première fois, célébrer officiellement leur héritage en tant que « peuple fondateur » de ce grand État qui compte une multiplicité de localités où leurs ancêtres ont laissé leur marque (voir Jean Lamarre, Les canadiens français du Michigan: leur contribution dans le développement de la vallée de la Saginaw et de la péninsule de Keweenaw, 1840-1914, Québec : Éditions du Septentrion, 2000).

House Resolution No. 173.   Bill LaVoy Andrea Lafontaine James Laforest

A resolution to declare October 4, 2013, as French-Canadian Heritage Day in the state of Michigan.

Whereas, French Canadians have made the Great Lakes their home beginning with the exploration of Etienne Brulee [sic] 400 years ago; and

Whereas, Today, according to U.S. Census data, an estimated 165,000 people in Michigan claim French-Canadian heritage; now, therefore, be it

Resolved by the House of Representatives, that the members of this legislative body declare October 4, 2013, as French-Canadian Heritage Day in the state of Michigan; and be it further

Resolved, that members of the House of Representatives join all of those of French-Canadian ancestry in celebrating their heritage and contributions to the state of Michigan on October 4, 2013.

Monsieur LaVoy (autrefois Lavoie, bien sûr) représente le district no 17 qui couvre de grands pans des comtés de Wayne et de Monroe et habite la ville de Monroe (20 000 habitants). Peu de temps après la Guerre de 1812 et la bataille de Frenchtown (autrement connue comme la deuxième bataille de la rivière aux Raisins), le toponyme Frenchtown fut changé à Monroe afin de rendre hommage au président des États-Unis de l’époque, James Monroe. Aujourd’hui, Monroe porte encore un certain cachet de son passé français et compte évidemment bon nombre de résidents d’origine canadienne-française. À la demande de la Délégation du Québec à Chicago, avec le soutien du Centre de la Francophonie des Amériques, j’ai eu le privilège de m’y rendre afin de prononcer au Musée historique du comté de Monroe une conférence intitulée « French Canadian Heritage in the United States : « so many stories to be told ». (N.B. Monroe est aussi le foyer adoptif du grand héros militaire américain, George Armstrong Custer).

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Au tout début de la soirée, Éric Marquis, de la Délégation, a reçu des mains de M. LaVoy une copie encadrée de la Résolution 173.

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En plus de bien se prêter à la conférence, la grande salle du Musée fournissait l’occasion de faire connaître la mère patrie à la trentaine d’« anciens Canadiens » présents.

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Dans les heures qui précédaient la conférence, j’ai eu l’occasion d’explorer le musée et de parcourir la ville. Ce qui avait le plus retenu mon attention au musée fut une carte de la région confectionnée au tournant du 19e siècle, identifiant les parcelles de terres arpentées en rangs le long des cours d’eau (rivière aux Raisins, rivière aux Roches, rivière au Loutre, rivière aux Cignes [sic]…) et leurs propriétaires (Amable Bellair, Dominique Druliard, Gabriel Odette, Hyacinthe Lajoy, Louis-Pierre Leclair, Joseph Ménard, Ignace Juot Duval, Louis L’Enfant, Pierre Cloutier…)

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Par l’affichage, certains commerces essaient d’exploiter l’héritage français de la ville:

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Plusieurs familles franco sont bien en évidence, comme les Durocher, Bénéteau et Lamour. Les deux dernières présentent chacune un candidat aux élections municipales.

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L’histoire de « Frenchie » Bénéteau m’a intéressé particulièrement. À ce jour, le seul Bénéteau que j’avais connu était Marcel, professeur de folklore et d’ethnologie à l’Université de Sudbury, que je savais originaire de la région de Windsor. Les Bénéteau constituent une vieille famille du village de Rivières-aux-Canards, situé à 15 km au sud de Windsor, et l’une des premières colonies établies ici au 18e siècle par les francophones en provenance de la vallée du Saint-Laurent et de France. Les parents de Bernard « Frenchie » Bénéteau ont quitté Rivière-aux-Canards en 1928 pour s’établir à Monroe où « Frenchie » est né. Un accident de travail a failli lui coûter ses jambes et il a dû quitter l’industrie pour fonder sa propre entreprise, ce qu’il fit avec brio, s’établissant sur la rue Front en tant que joaillier.

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Le Rolls Royce de l’année 1934 très visible dans la vitrine incite le passant à entrer et à faire connaissance avec la famille.


À Détroit, prendre le People Mover et se déplacer en solitude

Le People Mover est un système automatique de transport en commun surélevé, d’une longueur d’environ cinq kilomètres, opérant sur un circuit composé d’une seule voie circulant dans le sens des aiguilles d’une montre autour et à travers le quartier des affaires de la ville de l’automobile.

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Construit au début des années 80, le « mover » peut faire le tour en 16 minutes, arrêtant treize fois. Depuis son inauguration il y a bientôt 30 ans, on n’a cessé de s’interroger sur son utilité, car personne—ou presque—ne l’emprunte. Il est devenu un symbole du dysfonctionnement de cette ville autrefois si puissante et si riche et aujourd’hui en banqueroute.

Comment pouvait-il en être autrement? Il n’est point intégrer au système de transport de la ville, qui, lui, a toujours été dépourvu de sens compte tenu du lobby de l’industrie de l’automobile qui n’avait pas d’intérêt à ce que les 5 millions d’habitants de la région sortent de leurs voitures pour se prévaloir d’autres moyens de transport. Le People Mover n’est point alimenté par des lignes complémentaires émanant de la périphérie de la ville et des banlieues.

Par contre, pour le visiteur occasionnel qui passe une journée ou deux au centre-ville, comme je viens de le faire au Holiday Inn Express du boulevard Washington, le People Mover, est d’une utilité inouïe. Très commode pour aller aux matches des Red Wings, Tigers ou Lions et très sécuritaire pour quiconque est effrayé par la réputation de Détroit, le Mover offre des prises de vue panoramiques sur le cœur malade de cette ville, sur la rivière qui sépare le Canada des Etats-Unis et sur le grand pont qui rejoint les deux pays. Presque seul dans son wagon en tout temps, le photographe peut facilement se déplacer à droite ou à gauche, d’un bout à l’autre, sans déranger qui que ce soit.

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Avis aux francophones unilingues, dans cette ville autrefois française, il vaut mieux aujourd’hui parler anglais, espagnol ou, oui, arabe.

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Hier, j’ai visité Paris … Idaho (population 513)

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Ce petit hameau fondé le 26 septembre 1863 par 30 familles mormones venues en colonisateurs de l’Utah, portant le nom de l’arpenteur John Parris (oui, 2 R), constitue un bijou dans ce que le géographe Donald Meinig a appelé en 1965, dans son article publié dans les Annals de l’Association des géographes américains, la région culturelle mormone. Au cœur de ce chef lieu du comté de Bear Lake un édifice à vocation religieuse, le Bear Lake Tabernacle, de style romanesque dont le plan fut conçu par Joseph Don Carlos Young, l’un des nombreux fils du prophète mormon de l’époque, Brigham Young. Le tabernacle fut parachevé en 1889, à la suite de cinq ans de travaux.

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À l’intérieur, remarquable par ses boiseries, 2 000 personnes peuvent prendre place.

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Des premiers pionniers de la vallée, un nom ressort plus que les autres, celui de Charles Coulson Rich (1809-1883). Parmi les premiers convertis au Mormonisme, Rich connut l’évolution épique du mouvement depuis ses débuts aux années 1830 dans l’Est des États-Unis jusqu’à son établissement dans la vallée du grand Lac salé et au-delà. Sur le socle soutenant son buste situé à quelques pas du tabernacle, on peut lire à son sujet : pionnier et bâtisseur de l’Ouest, Major Général de la Milice de Nauvoo, échevin à Nauvoo dans le temps de Joseph Smith (fondateur et martyr mormon), pionnier de l’Utah en 1847, président du premier comité organisationnel d’un gouvernement civil dans la région des Montagnes rocheuses, colonisateur de la vallée de San Bernardino en Californie, premier maire de la ville de San Bernardino, membre de la législature du territoire de l’Utah pendant de longues années, colonisateur de la vallée de Bear Lake où il vécut et mourut, mari de six femmes et père de 50 enfants, ami aux autochtones et bienfaiteur, apôtre de l’Église de Jésus-Christ des Saint des Derniers Jours, l’un des nobles de Dieu

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En sortant du tabernacle par temps chaud, afin de se désaltérer, un arrêt au seul débit de boisson du village s’impose.

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Une belle jeunesse française rencontrée à Kooskia, ID

En novembre 2008, j’étais de passage à Kooskia, en Idaho. J’en ai écrit un billet intitulé « L’Amérique de Sarah Palin » (septentrion-blogue.dev.ixmedia.com/wp-content/uploads/archives/deanlouder/2008/11/kooskia_id_lamerique_de_sarah_1.php). De retour cette semaine, rien n’avait changé ou presque. Les pancartes anti Obama se trouvaient partout. Le journal local décriait la Parti démocrate. Le cherry crisp servi au Café Rivers était tout aussi délicieux.

En sortant du Rivers, j’épie en face de moi deux jeunes assis devant l’épicerie en train de se lécher les babine et les doigts, leurs vélos stationnés à proximité. En leur adressant la parole en anglais, j’ai vite compris qu’ils venaient d’ailleurs. D’Allemagne, leur ai-je demandé? Mais non, de France.

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Guillaume Faux (oui, c’est son vrai nom) et Élise Lesoile, aujourd’hui de Marseille, mais autrefois d’Auvergne et de la Charente-Maritime respectivement, prenaient une petite pause avant d’entamer, dans le sens inverse de l’expédition de Lewis et Clark, le parcours ayant mené en 1804 celle-ci à travers le col Lolo vers la rivière des Serpents (Snake), le Columbia et, éventuellement, l’océane Pacifique à l’embouchure du grand fleuve.

Guillaume et Élise arrivèrent en Amérique à Vancouver où ils avaient pris le train pour descendre à Corvallis, en Orégon, chez un ami, pour commencer leur périple qui emmènera Guillaume à Albuquerque, au Nouveau-Mexique. Élise a moins de vacances que Guillaume. Elle le quittera donc au parc Yellowstone afin de rentrer en France reprendre le boulot au plus vite.

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Des jeunes tellement charmants, souriants et motivés, j’avais envie de les serrer dans mes bras. Quelle belle jeunesse!