Mila et le carrousel Loof à Spokane

Ma plus jeune fille, Mary-Soleil, son mari, Jason, leur fille de 17 mois, Mila, et leur épagneul Cocker, Ellie, habitent la région de Seattle. Ils rêvent de s’établir au Canada. Oui, le chien aussi!

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Jason travaille comme technicien au terrain de golf Chambers Bay dont le monde entendra beaucoup parler dans les mois à venir car il s’agit du terrain qui recevra en juin 2015 l’Omnium des Etats-Unis, l’un des quatre grands tournois du circuit professionnel. Mary-Soleil est hygiéniste dentaire. En fin de semaine,  puisque nous devions passer par l’Est de l’État de Washington, ils ont accepté de se déplacer sur 500 km, de Tacoma à Spokane, deuxième ville en importance de l’État, par une température absolument torride (38 ° deux jours de suite), pour nous permettre de jouer aux grands-parents.

Le jet d’eau au parc Riverfront fut particulièrement rafrâichissant!

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Pour nous, l’attrait majeur au Parc Riverfront, aménagé en 1974 près des chutes Spokane, à l’occasion de l’Exposition mondiale soulignant des thèmes environnementaux, fut le Carrousel Looff, unique en son genre  Construit en 1909, il constitue une véritable ménagerie. En plus des chevaux (animaux domestiques), des bêtes sauvages sont aussi représentées, entre autres, par un tigre, l’un des trois sculptés à des fins carnavalesques et le seul encore en opération. Le Carrousel Looff tourne plus rapidement que le carrousel moyen, au son et au rythme d’un orgue fabriqué en 1900 à Waldkirch, en Allemagne, par Adolph Ruth. Connu pour sa « voix douce »,  l’orgue Ruth contient plus de 300 tuyaux et joue comme une fanfare de 60 musiciens.

La petite Mila, aimerait-elle cela? Pleurerait-elle? Oui, avec son père, elle a adoré, et non, elle n’a pas braillé.  Elle a fait cela comme une grande fille, tandis que sa mère agonisait, étourdie sur la touche—pour employer un terme très approprié en ce jour où l’Allemagne et l’Argentine se disputaient la finale de la Coupe du Monde.

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Le congrès du CIÉF à San Francisco

Des débuts plutôt humbles, le Conseil international d’études francophones (CIÉF) est devenu aujourd’hui, à mon avis, la principale organisation académique prônant le développement des études, de la recherche, des publications et des productions sur la francophonie dans le monde. Ancré  par ses origines dans la francophonie nord-américaine, le CIÉF s’adresse à tous ceux et celles dont les travaux portent sur la littérature et la culture dans le monde francophone. En fait, contrairement à ce qui est écrit sur son site internet, le CIÉF a vu le jour en 1984, en tant que Southern Council for Francophone Studies, à Lafayette, en Louisiane. Trois ans plus tard, en  1987, il fut rebaptisé. En 1991, il devint officiellement un organisme à but non lucratif, ses statuts étant déposés en Louisiane. La tenue des congrès ne se limite pas nécessairement aux pays francophones. La liste des villes et pays hôtes se lit comme une panoplie de lieux, les uns tout aussi intéressants que les autres et certains bien plus exotiques que les autres : la Guadeloupe, Montréal, la Nouvelle-Orléans, Fort de France, Tucson, Strasbourg, Casablanca, Québec, Charleston, Toulouse, Moncton, Portland, Abidjan, Liège, Ottawa-Gatineau, Sinaïa, Cayenne, Limoges, Aix-en-Provence, Thessalonique, Île Maurice et, cette année, San Francisco.

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En 1984, à Lafayette nous étions une quinzaine de curieux à nous réunir pour discuter « francophonie ». Trois ans plus tard, à la Guadeloupe, 25. La semaine dernière, à l’hôtel Hilton, sur la rue Kearney, pris en étau entre Chinatown et le « Financial District », 250 congressistes, spécialistes de la littérature et de la culture francophones, se réunissaient pour démontrer leur érudition. Moi et mes deux collègues non littéraires, Yves Frenette et Eric Waddell étaient de la partie afin de faire le point, lors d’une table ronde, sur la francophonie nord-américaine ou, comme nous préférons dire, sur la Franco-Amérique.

L’invitation nous avait été lancée en raison de nos travaux sur le sujet :

  1. Du continent perdu à l’archipel retrouvé : le Québec et l’Amérique française (Presses de l’université Laval, 1983, 2008).
  2. French America : Mobility, Identity, and Minority Experience across the Continent (Louisiana State University Press, 1992).
  3. Brève histoire des Canadiens français (Boréal, 1998).
  4. Vision et visages de la Franco-Amérique (Éditions du Septentrion, 2001).
  5. Franco-Amérique (Éditions du Septentrion, 2008).
  6. Atlas historique de la francophonie nord-américaine (Presses de l’université Laval, 2013).
  7. Voyages et rencontres en Franco-Amérique (Éditions du Septentrion, 2013).

La table ronde suivit de deux jours la projection du nouveau documentaire de Claude Godbout et Bruno Boulianne, « Un rêve américain » qui met en vedette le jeune chansonnier franco-ontarien, Damien Robitaille, qui parcourt les États-Unis à la recherche de francophones.  Ses découvertes l’étonnent et semblaient épater ces « franco-spécialistes » réunis dans l’une des plus belles villes, sinon la plus belle, des États-Unis dont les panoramas sont innombrables et indescriptibles. Je vous en offre trois.

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Telegraph Hill et Coit Tower à partir du douzième étage de l’Hôtel Hilton

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Cable car grimpant la rue Hyde vers le sommet de Russian Hill. Fisherman’s Wharf et Alcatraz en arrière plan

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Océan Pacific à partir de Cliff House


Dimanche matin au Temple Square

En 2000, Temple Square à Salt Lake City a pris de l’expansion. Sa superficie a doublé par l’ajout du Centre de conférences (Conference Center), édifice de conception et de construction ultramodernes, pouvant recevoir jusqu’à 21 000 personnes lors des rassemblements semi annuels des membres de l’Église des Saints des Derniers Jours, des concerts et d’autres événements à caractère culturel.

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C’est ici d’ailleurs que l’été—les mois de juin, juillet et août—pour accommoder le nombre accru de touristes et de visiteurs, le Chœur du Tabernacle mormon transporte ses pénates du vieux tabernacle dont la construction remonte à 1867, 25 ans avant le parachèvement du temple qui lui jette un ombre matinal.

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Depuis 85 ans, le Chœur qui porte le nom du tabernacle offre tous les dimanches matins un programme musical d’une durée de 30 minutes dans le cadre d’une émission  portant le titre « Music and the Spoken Word ». Elle est aujourd’hui diffusée en direct ou en différé par 2 000 postes de radio et de télévision en plus d’être disponible sur l’internet et via Youtube. Le chœur est accompagné d’un orchestre de grande qualité, l’Orchestra of Temple Square.

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Ce dimanche, comme il fallait s’y attendre à cinq jours de la fête nationale des États-Unis, le programme musical auquel avaient droit les 7 000 personnes réunies dans l’enceinte était teinté de patriotisme:

  1. The Star Spangled Banner (hymne national)
  2. This Land is Your Land
  3. The Pledge of Allegiance
  4. Rally ‘Round the Flag
  5. My Country tis of Thee
  6. Distant Land
  7. Flag of the Free

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Dans une voix « off », la « parole » énoncée par le narrateur Lloyd Newell incitait le citoyen à l’action. Il n’est pas suffisant, disait-il, d’aimer et d’admirer son pays, il faut faire sa part pour l’améliorer.

Le chœur et l’orchestre sont des exemples d’un volontariat à l’extrême. Les 360 chanteurs et les 180 musiciens sont tous des bénévolats. Aucun d’entre eux n’est payé. On y entre par voie de concours et par audition. Malgré cela, la file d’attente pour en faire partie est longue. Pour devenir membre du Chœur du Tabernacle, il faut avoir au moins 25 ans et pas plus de 60 ans. Une fois membre, on peut le rester pendant 20 ans, pas plus. Il y a donc un roulement constant imposé par le système ainsi que par des retraits volontaires qui peuvent s’exercer en raison de maladie ou de mortalité ou à cause d’un déménagement au-delà d’une limite géographique imposée. Pour s’assurer de la plus grande participation de tous aux deux longues répétitions par semaine (jeudi et dimanche), personne faisant partie des deux organisations n’a le droit d’habiter à plus de 160 km de Temple Square.

Inévitablement, je me fais poser la question suivante : « Mé combien ça coûte assister à ce « spectacle ». Ce à quoi je réponds : « C’est absolument gratuit, comme toutes les activités muséales, spirituelles et ludiques mises à la disposition du public au Temple Square ».

Chaque dimanche, « Music and the Spoken Word » quitte les ondes par ses paroles à retenir : « From the Cross Roads of the West, may peace be with you today and always ». (Du carrefour de l’Ouest, que la paix soit avec vous aujourd’hui et toujours »).


Les anniversaires se terminant en 0 et 5 : le cas du Débarquement en Normandie

Quelle est cette idée fixe de toujours devoir célébrer ou commémorer des anniversaires aux 5, 10, 20, 25, 50, 60, 70 ou 75 ans? Jamais ne fête-t-on, de manière notoire, le onzième, le vingt-septième ou le trente-huitième anniversaire de quoi que ce soit. Le 4 juin, marqua 49 ans de vie commune chez nous. Personne n’en a soufflé mot et c’est tant mieux! L’année prochaine—si on se rend là—ce sera fort probablement le branle-bas autour du cinquantième. Tout le monde voudra en parler : enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, amis, parfaits étrangers et c’est tant pis!

Le 6 juin, n’eut été la tuerie à Moncton, il n’y aurait eu à la radio et à la télévision que pour le 70e anniversaire du Débarquement en Normandie. La CBC avait même déplacé son « anchorman », Peter Mansbridge, sur les lieux pour préparer des reportages spéciaux. La Société Radio Canada (ICI) n’a pas embarqué (ou débarqué ) préférant affecter sa présentatrice vedette, Céline Galipeau, à Moncton afin de médiatiser le plus possible la mort tragique de trois agents de la gendarmerie royale du Canada et la chasse à l’homme qui s’en suivit.

Je lisais cette semaine que si nous connaissions l’Histoire, nous n’aurions pas besoin de ces commémorations qui servent à nous rappeler des événements ponctuels qui ont influencé la société, le monde et parfois le destin humain. Pour l’individu ayant vécu de près l’événement commémoré, il doit chaque fois, à chaque commémoration, se poser l’inévitable question, souvent soulevée au sujet de l’assassinat  de Kennedy : « où étais-je, que faisais-je au moment où je l’ai appris ». Donc, hier, en entendant parler du Jour J, en écoutant de très vieux anciens combattants se raconter, je ne pouvais que me poser cette question-là. Évidemment, le jour du Débarquement, je n’avais pas encore un an et demi, donc aucun souvenir. Par contre, celui que j’ai de la commémoration de son 20e anniversaire est  vif. Le 6 juin 1964, à 21 ans, le petit gars de l’Utah se trouvait à Utah-Beach.

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Ce jour-là, je marchais ces plages, scrutais les monuments et écoutais les innombrables discours alors que les drapeaux de la France, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et du Canada flottaient au-dessus de nos têtes. J’ai surtout essayé de me mettre dans la peau de mon cousin Lee, qui, en tant que membre de la troisième armée des États-Unis, sous la direction de George Patton, avait participé au Débarquement.

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La France est parsemée de cimetières militaires témoignant des pires horreurs. Celui des États-Unis situé à Colleville-sur-Mer, sur les hauteurs surplombant Omaha-Beach, à une quarantaine de kilomètres à l’est de l’autre, est sans doute le plus célèbre en raison des médias américains et de l’industrie cinématographique qui l’ont glorifié, mais aussi en raison de sa beauté : environ 9 300 croix ou étoiles de David blanches parfaitement alignées sur un fond vert parfaitement tondu et entretenu.

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De juin à août 1944, des milliers de jeunes Allemands sont tombés au cours de la bataille de Normandie. Six cimetières militaires allemands y contiennent leurs dépouilles mortelles, dont celui de La Cambe, le plus grand, où reposent  21 222 soldats, situé à une vingtaine de minutes de Colleville-sur-Mer.

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Les sept mois que j’ai passés à Caen, de novembre 1963 à juin 1964, ont signalé un tournant dans ma vie. J’y ai fait des découvertes majeures sur moi-même et sur la vie. J’y ai laissé une partie de mon cœur et j’y retourne le plus souvent possible. En écrivant ces lignes,  sonnent dans ma tête ces paroles qui me furent chantées, à mon départ de Caen, par un ami normand ayant passé cinq ans en Allemagne comme prisonnier de guerre :

« J’irai revoir ma Normandie, c’est le pays qui m’a donné le jour… »

Oui, je voudrais bien revoir MA Normandie et tous mes amis qui y demeurent : Christian et Michèle, Serge et Andrée, Olivier et Jocelyne, Pierre et Rosette, Dan et Juliette, Maurice, Thi-Sau, Hervé et Gisèle, Patrick…les Lerot!

 


Célébrons l’Acadie, l’un de ses fils et la vie!

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C’est le temps ou jamais, car le cinquième Congrès mondial acadien commence dans 69 jours, huit heures, 20 minutes et 27 secondes.

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Mais avant…il se tient cette fin de semaine à Edmundston, capitale de l’Acadie des terres et forêts, la 133e réunion annuelle de la Société nationale de l’Acadie, créée à Memramcook en 1881 en tant que Société nationale de l’Assomption. À ce moment-là, 5  000 personnes de tous les coins de l’Acadie s’y sont rendues. À Edmundston hier soir, elles étaient 50 fois moins nombreuses, mais probablement tout aussi exubérantes pour rendre hommage à l’un des leurs, Jean-Marie Nadeau, à qui la SNA remettait la médaille Léger-Comeau qui est la plus haute distinction offerte en Acadie. Elle reconnaît la contribution singulière de son récipiendaire à l’avancement de ce « pays sans territoire ».

110914-JMNUn plus grand patriote acadien que Jean-Marie Nadeau, cela n’existe sûrement pas! Né le 15 août 1948, jour de la fête nationale de ce peuple courageux et résilient, il semblait destiné de  toujours porter en lui la flamme de l’autonomisme acadien. Son énergie est inépuisable, ses causes innombrables, poursuivies inlassablement avec passion, le plus souvent au détriment de son propre mieux-être matériel. Peu importe, Jean-Marie se décrit comme « millionnaire de cœur et de famille ». Pendant que l’une de ses filles, Raphaëlle, lui rendait un vibrant témoignage en tant que militant acadien et père de famille, l’autre faisait les cent pas dans la salle, le petit-fils de Jean-Marie, serré contre sa poitrine.

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Chez les Nadeau, l’esprit de famille est exemplaire. Tous ses frères et sœurs encore vivants assistaient à la cérémonie. La voix tremblante, Jean-Marie évoquait le souvenir de sa chère Béatrice, qui l’accompagnait dans toutes ses luttes, et de son père, tous deux décédés en 2010. À l’endroit de sa mère, dont c’était hier le 96e anniversaire de naissance, il espère ardemment qu’elle pourra avoir des moments de lucidité suffisants pour lui permettre de partager avec son fils cet honneur qui reviennent aux deux.

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Jean-Marie recevant la médaille des mains de René Légère, président de la SNA

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Allocution d’acceptation main sur le cœur

En me dirigeant vers Edmundston pour participer à cet hommage, je me remémorais un soir d’octobre 2001, à Moncton. Sans connaître personnellement, Jean-Marie, mais sachant que pour lui les relations cordiales et soutenues entre l’Acadie et le Québec s’avéraient impératives, j’avais osé prendre contact avec lui pour demander une rencontre. Deux professeurs et une vingtaine d’étudiants de l’Université Laval en visite, afin de faire le tour du jardin. Non seulement, avons-nous eu droit à une excellente causerie sur les enjeux sociaux, culturels et politiques de la communauté francophone du Nouveau-Brunswick et une période de questions fort stimulante, mais également à un succulent souper acadien offert au Centre Aberdeen sous l’égide du « chef » Nadeau.

Ce soir-là, trois de nos étudiants ont trouvé le gîte chez Jean-Marie et Béatrice. Entre l’un des jeunes étudiants lavallois, Alexandre Germain, et le vieux militant, journaliste, syndicaliste Jean-Marie Nadeau, éclatèrent au grand jour de puissantes affinités donnant lieu à des liens d’amitié et de solidarité. Hier soir, 13 ans plus tard, Alexandre et son épouse étaient présents, venus depuis Montréal partager le moment avec ce grand Acadien d’origine brayonne, fier de ses racines et de son village de Lac-Baker.

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Et le vieux prof que je suis me réjouis de retrouver, toutes ces années plus tard, cet ancien étudiant, si brillant à l’époque, maintenant diplômé non seulement de Laval (B.A.), mais de McGill (M.A) et de l’UQAM (Ph.D.)—lui aussi bon père d’une fillette de trois ans et d’une autre attendue en septembre.

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Célébrons la vie!