Rendez-vous manqué à Gaspé

Immigrant des États-Unis, je demeure à Québec depuis 43 ans. Hormis mon père et ma mère qui, jusqu’à ce qu’ils meurent, venaient nous rendre visite régulièrement, ma sœur qui est venue deux fois, accompagnée de son mari, et deux oncles qui sont venus une fois chaque, personne de mon ancienne vie—jusqu’au 30 septembre dernier—ne s’était jamais rendu à ma porte. Ce jour-là, John Young, un bon ami d’il y a 50 ans avec lequel j’avais passé de magnifiques moments sur un terrain de basket et son épouse, Ann Byard, ont descendu de l’avion à l’aéroport Jean-Lesage dans le but de passer une journée et demie chez nous avant de monter à abord du Ruby Princesse pour réaliser une croisière automnale de neuf jours les emmenant de Québec à New York, avec escales à Saguenay, Gaspé, Charlottetown, Sydney, Halifax, Bar Harbor et Boston!

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Un couple assez spécial, John et Ann! Ils étaient ce que nous appelions à l’époque des « high school sweethearts ».  Ils se sont connus à 15 ans, se sont fréquentés tout au long de nos années d’études secondaires et se sont mariés à l’âge de 19 ans. Ils ont élevé une bonne famille et jouissent aujourd’hui de la vie. Pour Ann, sa neuvième croisière, pour John, sa septième. Ils sont confortablement installés là où nous avons grandi ensemble, leurs enfants et petits-enfants habitant tous à proximité.

Que faire à Québec en si peu de temps sans verser dans le vulgaire tourisme. Je n’avais pas envie de leur montrer le Vieux-Québec qui me déçoit de plus en plus. En 1979, j’avais publié dans les Cahiers de géographie du Québec un article intitulé « Vieux Carré et Vieux Québec : Vestiges urbains de l’Amérique française » dans lequel je comparais ces deux quartiers historiques déplorant le virage touristique qu’avait pris le premier et louangeant légèrement le maintien de l’authenticité historique et culturelle du deuxième. Aujourd’hui, il ne pourrait plus y avoir d’éloges—ou si peu. À Québec, comme à la Nouvelle-Orléans, on joue au maximum la carte touristique en mettant en vedette les vieilles villes et en accentuant la vente de T-shirts. Or, il y a autre chose, comme le Bois de Coulonge, sa beauté et son histoire, le Jardin Jeanne-d’Arc faisant partie des Plaines d’Abraham et la Fontaine Tourny, objet étranger cadrant si bien localement.

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Très émue par la tranquillité des lieux de l’ancienne résidence du Gouverneur Général du Québec dont la maison a brûlé en 1966, Ann s’amusait à observer et à courir après les écureuils noirs.

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John est un ardent lecteur de tout ce qui touche à la deuxième Guerre et se trouvait particulièrement fier de poser à côté du Général De Gaulle d’où il pouvait  admirer, tout comme le général, les fleurs du Jardin Jeanne-d’Arc et ses décorations d’Hallowe’en.

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Contrairement à ce que peuvent penser les visiteurs, le jet d’eau se trouvant devant l’Assemblée nationale n’est à sa place que depuis six ans, depuis que l’homme d’affaires, Peter Simon, qui aime tant sa ville, lui en a fait cadeau à l’occasion de ses 400 ans. John n’en revenait pas d’apprendre que M. Simon avait trouvé cette relique de la ville de Bordeaux dans un marché aux puces et l’avait fait transporter jusqu’à Québec pour l’embellir et renforcer les liens entre ces deux villes jumelles.

Puisque dans leur (mon ancien) coin de pays, il existe les « Bridal Veil Falls », je tenais à ce qu’ils voient de haut notre équivalent québécois, mais en plus grand, la chute Montmorency. La passerelle au-dessus de la chute offre des panoramas époustouflants!

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Rendus à la chute Montmorency, aussi bien poursuivre quelques kilomètres plus loin sur le Chemin royal  afin de goûter à l’érable chez Marie. C’est là en mangeant du pain ménage beurré d’érable et des brioches à la cannelle et aux raisins, que nous avons décidé de prolonger les retrouvailles à Gaspé. Pendant que John et Anne s’y rendraient par la voie des eaux, nous nous y rendrions par la voie des terres, excellente occasion de faire le tour de la Gaspésie. Rendez-vous donc le dimanche 5 octobre à 10h à la marina de Gaspé!

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C’est le vendredi à 17h que le Ruby Princesse quitta le quai à Québec. Pendant que John et Ann passaient la journée à arpenter seuls le Vieux-Québec, nous filions vers l’est, vers Gaspé, au bout du monde, 750 km plus loin. Un dodo à Matane, puis, nous sommes arrivés à Gaspé vers 16h le samedi après-midi. Confortablement installés au gîte la Normande, le temps de décompresser, de marcher la ville, de manger au Café des artistes, de bien dormir et de prendre le « petit déj » avec un groupe de Français faisant partie de la horde de Français qui font chaque automne le tour de la Gaspésie. À 9h30, mon téléphone mobile sonne. C’est John, très déçu, presque en pleurs et faisant mille excuses : « Vous êtes venus de si loin, nous voulions tant vous revoir, mais nous ne pourrons pas nous retrouver. Impossible d’accoster. La mer est trop agitée ». Merde!

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Pas grave. Si vous ne pouvez pas nous voir, nous allons vous voir. Sur la voie du Parc Forillon, en Volkwagen coccinelle, nous apercevons le Ruby Princesse qui s’éloigne de plus en plus du havre de Gaspé, en route vers Charlottetown et ses autres destinations. Mélancoliques, nous faisions des « bye bye » à nos amis invisibles.

DSC05599DSC05600 Rendez-vous manqué  à Gaspé, oui, mais combien agréable tout de même! La Gaspésie à l’automne! Imbattable!


Mon amie, Laurette, n’est plus

Les fidèles lecteurs de ce blogue—s’il y en a—se rappelleront possiblement deux billets publiés en mai 2009 :

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2009/05/12/la-petite-maison-jaune-du-cap-saint-andre-kamouraska/

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2009/05/13/une-mare-en-mer-mme-laurette-raalise-son-rave/

Hier matin à 5h10, au Centre hospitalier régional du Grand-Portage de Rivière-du-Loup, s’éteinte, à l’âge de 85 ans, la petite dame à la maison jaune.

Je garderai un immense souvenir de Laurette Morin Ouellet (1929-2014) dont la maison était, comme elle le dit dans la première ligne de son poème « un endroit chaleureux et plein d’amour ».

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Dean et Laurette assis prêt de la fenêtre dans sa petite maison jaune, 2005.

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2009, Salon du Centre d’acceuil, Dean en train de montrer à Laurette à trouver sur internet les deux textes sur elle cités ci-haut,

 


Au revoir Mde Charlotte

Depuis huit ans, l’une de mes destinations préférées à Québec est le 1209, 1ère Avenue à Limoilou. J’y ai emmené des dizaines d’amis de partout dans le monde pour partager la belle ambiance chaleureuse et la succulente nourriture maison servie avec amour par Charlotte Morel. Le 20 avril 2009, j’en parlais sous cette rubrique (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/?s=charlotte).

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En novembre dernier, par temps très froid, assis dans l’autobus no 1, j’ai rencontré sur la rue Saint-Vallier, une jolie jeune Colombienne en visite à Québec. Photographe de métier, Alexa Vanegas, se rendait, tout comme moi, au Musée de la civilisation.  En y entrant, nous nous sommes donnés rendez-vous dès la fermeture pour poursuivre notre rencontre fortuite et pour partager un repas chez Mde Charlotte. Les cinq photos, y compris la « selfie » faisant partie de cette chronique, sont d’elle.

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En raison de son âge (la jeune soixantaine) et d’une santé chancelante, Charlotte vient de prendre la décision, combien difficile, de tirer sa révérence de ce restaurant qu’elle aime tant et dont elle a toujours été la seule maîtresse à bord. C’est elle qui s’occupe de la gestion, prépare les repas, sert les tables, échange avec les convives et fait la vaisselle.

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Charlotte va me manquer terriblement. Son pâté chinois, son hachis au poulet, ses lasagnes, son ragoût aux boulettes vont me manquer. Ses soupes aux légumes et au melon/navet, tout autant!  La salade apprêtée avec tant de finesse! Et que dire de sa tarte au sucre et de ses renversés à la rhubarbe et aux bleuets? Sans parler de la tisane à la menthe infusée juste au point!

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Pour ceux et celles à Québec qui liront ces lignes, il ne vous reste que 15 jours pour vivre l’expérience de Mde Charlotte. Le 1er octobre, elle passera le flambeau à Jean-Thomas et Sarah qui promettent de poursuivre l’art culinaire si bien établi ici depuis huit ans.

Pour les habitués du Facebook, vous aurez peut-être intérêt à consulter la page de Chez Mde Charlotte (https://www.facebook.com/pages/Chez-Mde-Charlotte/109647672393680?fref=ts)


CMA au NB: quatre aperçus

I

Le 9 août 1842 fut signé le Traité de Washington que certains appellent aussi le Traité de Webster-Ashburton, définissant une partie de la frontière entre les États-Unis et le Canada-Uni, colonie britannique, et mettant fin aux hostilités entre la mère patrie (Angleterre) et son rejeton (États-Unis)—hostilités auxquelles les historiens ont donné le nom de « Guerre d’Aroostook ». Cent soixante-douze ans plus tard, le 9 août 2014, dans le cadre des activités du Congrès Mondial Acadien (CMA), s’est ouverte au Musée historique du Madawaska, une exposition intitulée «L’Acadie des terres et forêts :  Frontières contestées, familles retrouvées ». Pour aider tous ses participants à comprendre adéquatement pourquoi le CMA s’est déployé cette année sur le vaste territoire du Nord-Ouest néobrunswickois, du Témiscouata québécois et de la partie la plus septentrionale du comté d’Aroostook, dans le Maine, il aurait fallu qu’ils visitent cette exposition conçue et montée par les frères Bérubé, Adrien et Benoît, respectivement géographe et historien originaires d’Edmundston, Allen Doiron, archiviste aux Archives provinciales du Nouveau-Brunswick et Christian Michaud, artiste visuel au Musée historique du Madawaska.

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Dès 1842, donc, la question de la frontière entre le Maine et le Nouveau-Brunswick fut réglée, divisant des familles à jamais. Par contre, celle entre le Canada-Est et le Nouveau-Brunswick ne sera fixée que neuf ans plus tard par arbitrage, avec un juge à Londres tranchant. L’ancienne seigneurie de Madoueska joua un rôle central dans la prise de décision.

Ce qui est extraordinaire, c’est que chacun de nous puisse visiter cette exposition bien assis dans son salon ou son bureau grâce au site internet suivant : http://expoatf.ca

Il suffit de mentionner ici que l’exposition occupant une très grande salle au Musée est divisée en 5 parties : (1) « mural » par terre; (2) panneaux et ligne du temps; (3) vitrines;  (4) tables tournantes; (5) fac-similé.

« Mural » à terre : les visiteurs « marchent » littéralement l’Acadie des terres et forêts. Sur des cartes topographiques collées au plancher sont superposées des reproductions de cartes historique formant une mosaïque qui permet au visiteur de bien se situer.

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photo-1 Panneaux et ligne du temps : neuf panneaux couvrent trois murs. Le premier mur (panneaux 1 à 4) représente la période d’avant le Traité de Washington. Le deuxième  celle du Traité (panneaux 5 et 6) et le troisième (panneaux 7 à 9) le présent et l’avenir. Grâce à la ligne du temps, il est possible d’associer les événements se passant en Acadie des terres et forêts à d’autres se déroulant ailleurs.

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Vitrines : Deux documents précieux : Le livre des concessions au Madawaska et les cartes cadastrales de James A. MacLauchlan et John C. Allen.

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Tables tournantes : d’anciennes cartes fournissant un supplément d’informations portant à la réflexion sur notre façon de concevoir le monde.

Fac-similé : réplique de la borne 178, la plus nordique de la frontière canado-états-unienne à l’est du lac Supérieur. L’originale se visite à Estcourt (Pohénégamook).

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II

En prévision de la journée louisianaise à Grand Sault le lundi 18 août, quatre poètes de la Louisiane, offraient la veille, dans la chaleureuse salle de spectacle de la Petite église d’Edmundston, un « prélude poétique ».

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Aujourd’hui, la poésie de langue française en Louisiane est en pleine effervescence. En mars dernier, Zachary Richard fut sélectionné pour occuper pendant une période de deux ans (2014-2016) le poste nouvellement créé de Poète lauréat de la Louisiane française. La sélection fut unanime compte tenu de son action sur les 40 dernières années. Il a tôt compris l’importance de la langue française pour son peuple. Par sa poésie, entre autres son recueil Faire récolte, il a démontré que le français de la Louisiane pouvait dépasser la stricte oralité. Par son exemple, les Louisianais se sont rendu compte qu’ils avaient beaucoup de choses à dire et qu’ils peuvent les dire et les écrire en français.

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Sur scène à Edmundston avec Zachary, son copain de toujours, Barry Ancelet (aka Jean Arcenaux), Brenda Mounier et Kirby Jambon. Quatre prestations individuelles et personnelles et, en finale, un poème original composé à quatre et livré en concert!

III

Le lendemain, Journée louisianaise à Grand Sault et une table ronde des poètes. Aux quatre poètes de la veille se sont ajoutés Earlene Broussard et Nathan Rabalais.

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Récitant moins et causant plus, ils ont fourni un aperçu de leurs sources d’inspiration, de leurs rêves, de leurs styles disparates et des défis du moment. Le fait que l’Académie française vient d’attribuer à Kirby Jambon, pour son livre Petites communions : poèmes, chansons et jonglements, le Prix de soutien à la création littéraire Henri de Régnier, témoigne de la puissance et de la qualité de la nouvelle littérature franco-louisianaise.

Tout au long de la Journée louisianaise, Jambon fit preuve de sa polyvalence et de sa bonne humeur en animant plusieurs tables rondes dont celle de Nathan Rabalais, poète de la relève, mais également analyste à ses heures. Ici, il décortique les identités « Cadien » et « Acadien » rebutant, à sa façon, ceux qui prônent la notion de similitude entre l’Acadie du Nord et Acadie du Sud.

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Un autre membre de la jeune relève franco-louisianaise est Clint Bruce, vu ici avec le vieux routier Barry Ancelet, en train d’aborder la question d’écrire en français, comment et pourquoi? Si le français louisianais est strictement oral, comment expliquer l’imposant nouveau Dictionary of Louisana French? ( https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/?s=dictionary+of+louisiana+french )

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De l’archéologie au CMA, il y en a eu. D’abord, le Projet Nouvelle-Acadie animé par Ron Gaspard, au centre. Il s’agit d’une initiative qui vise à localiser les premières installations d’exilés acadiens en Louisiane autour de 1765. Toutefois,  Gaspard a surtout parlé de fouilles en cours dans un ancien cimetière situé à Parks, communauté constituée de Créoles de couleur et située à mi-chemin entre Pont-Breaux et Saint-Martinville.

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À la droite de M. Gaspard est Sarah Beanlands qui réalise des fouilles archéologiques, près de Windsor, en Nouvelle-Écosse, d’où les Acadiens ont été déportés à partir de 1755. Ce sont ses ancêtres, largement loyalistes, qui ont pris possession des terres abandonnées. Depuis 250 ans donc, la même famille—la sienne—les occupe. Jeune, Sarah écoutait des légendes de sa famille. L’une d’elles voulait qu’autrefois sur ces terres habitaient des fées que l’on appelait des « tippy toes ». Plus grande, étudiante en anthropologie et archéologie, la jeune femme apprenait d’autres « histoires » dont certaines la dérangeait, à savoir celles des Acadiens déportés qui auraient pu cultiver ses terres avant ses ancêtres. La recherche aidant, Sarah découvre que les premiers terriens s’appelaient « Thibodeau ». D’où « tippy toes », déformation du nom et début d’une légende! Les fouilles se poursuivent sur ses propriétés dans le but de déterrer ce qui pourrait rester des « tippy toes ». Phénomène inusité, c’est qu’une invitation lancée aux Thibodot, Thibodeau, Thibodeaux, Tiebout….de l’Amérique à venir en Nouvelle-Écosse participer aux fouilles a donné des résultats invraisemblables. Des Thibodeau des Maritimes, du Québec, du Canada et des États-Unis ont été nombreux à venir et à faire avancer les travaux. Tous les artefacts trouvés sont classés et entreposés.

IV

À la bibliothèque d’Edmundston où je suis venu exploiter l’internet, est annoncé le soir même un « concert » de Marie-Jo Thério. Je l’aime bien comme chanteuse. Ça commence dans moins de deux heures, j’y assisterai! Sauf que ce ne fut pas un « concert », mais plutôt une causerie. Marie-Jo a quand même chanté deux fois, mais elle s’est surtout confiée. Sa jeunesse et sa formation en musique classique, sa première visite d’une grande ville (Boston) à 14 ans, son départ de Moncton à 17 ans, son installation à Montréal, ses années à Paris avec son Français…et son dernier album tout en anglais, « Chasing Liddy » dont la recherche l’avait ramenée au Massachusetts où des membres de sa parenté, comme tant d’autres Acadiens, s’étaient exilés le siècle dernier en quête du travail. Pour eux, la ville de prédilection était Waltham et l’employeur Waltham Watch.

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Pour Marie-Jo, cette découverte personnelle de l’Acadie de la diaspora a rendu impératif, obligatoire, essentiel sa participation à ce cinquième Congrès Mondial, car dit-elle, « cette année est la première fois qu’on fait déborder les frontières traditionnelles de l’Acadie! »

 

 


CMA au Maine

Je desire commencer ce billet par des paroles qui ne sont pas de moi, mais qui expriment mieux que je pourrais mes sentiments à l’égard de ce cinquième Congrès Mondial Acadien (CMA) que nous venons de vivre. Aussi, font-elles suite à mon texte du 22 août dernier concernant la tombée du rideau à Cabano et ouvrent-elles sur celui d’aujourd’hui décrivant la fête nationale de l’Acadie célébrée avec vigueur à Madawaska, au Maine, aux États Unis. Ce sont les paroles d’Hugues Chiasson, coordonnateur des communications à l’Université de Moncton, campus d’Edmundston

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Le CMA 2014 est terminé!
 C’est par le majestueux spectacle « Racines », au parc Clair-Soleil de Témiscouata-sur-le-Lac (secteur Cabano), qu’a pris fin le 5e Congrès mondial acadien 2014 de l’Acadie des terres et forêts. Par un temps chaud, des milliers de spectatrices et spectateurs ont entendu de nombreux artistes défiler sur la scène. Des feux d’artifice ont couronné la soirée. Au retour, un long cortège d’automobiles circulaient sur la route 185 reliant Cabano jusqu’au Nouveau-Brunswick. Si vous avez vu la fin du film « Field of Dreams », vous auriez distingué les phares des automobiles à perte de vue. Les pentes longues et douces des collines témiscouataines permettaient de voir le défilé d’automobiles à plus de 10 kilomètres. Pour avoir accompagné mon ami Étienne Deschênes dans la création de ce beau projet, dès aout 2008, permettez-moi de vous dire que je suis très fier de la réussite sans équivoque du Congrès mondial acadien 2014. L’Acadie des terres et forêts s’est éveillée et a pris conscience de son appartenance à la grande famille acadienne. Et ce n’est que le début. La même effervescence devra régner au cours des prochaines années. Mon souhait le plus cher est que la langue française soit à nouveau enseignée dans les écoles du nord du Maine. Un dossier à suivre que toute l’Acadie devrait encourager. À bientôt et au prochain CMA dans le territoire de la Mer rouge (sud-est du Nouveau-Brunswick et l’Ile-du-Prince-Édouard) en 2019. Vive l’Acadie et Vive l’Acadie des terres et forêts!

Pendant toute la journée du 15 août, le pont international entre Edmundston, au Nouveau-Brunswick, et Madawaska, au Maine, était fermé à la circulation. Les douaniers américains, de bonne humeur, surveillaient le flux d’humanité arrivant à pied du Canada,  accueillant ces fêtards souvent « déguisés » la main tendue.

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C’est depuis 172 ans que le  Saint-Jean définit la frontière entre les États-Unis et le Canada, 172 ans depuis que la communauté acadienne de la région a été coupée en deux selon les conditions imposées par le Traité de Washington, autrement connu par le nom de Webster-Ashburton, les uns se trouvant du jour au lendemain sujets de sa majesté la Reine d’Angleterre et les autres citoyens de la relativement jeune république américaine. Les premiers, renforcés, par la suite, par l’arrivée de Canadiens français du Québec et sachant profiter de la proximité de la belle province, se maintinrent sur le plan linguistique, tandis que les seconds firent constamment assaillis par les inlassables forces assimilatrices des États-Unis.

Communauté « acadienne » ? Certains diraient que non, que la région est « brayonne » du côté canadien et franco-américaine de l’autre, que les Acadiens sont peuple de la mer et non de la terre et de la forêt. Or, les recherches récentes prouvent que les principales familles fondatrices des deux côtés du Saint-Jean, arrivées dans la foulée de la deuxième déportation amorcée en 1785, étaient les mêmes et que les six plus importantes parmi elles portaient des noms acadiens, la famille Cyr en tête. Comme Hugues Chiasson le souligne, les événements du mois d’août 2014 auront contribué à mettre fin à cette ambigüité historique et identitaire.

Dans les rues de Madawaska, ville quatre fois plus petite que Edmundston (16 000 habitants), il n’y avait aucun doute ce jour-là quant à l’appartenance des gens.

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Dans le parc, des musiciens de la Louisiane occupaient le kiosque faisant danser la foule. Qu’on soit jeune, qu’on soit vieux, personne ne résiste à la musique entrainante d’un « Cajun Band ».

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Gaëtan Maltais, membre de l’Association acadienne de la région de Québec et mariée avec une Québécoise acadienne, Lyne Boudreau, montrait ses couleurs et sa double appartenance…par alliance.

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À 17h55 précisément, heure symbolique s’il y en a, car c’est en 1755 que l’ordre de  déportation des Acadiens est tombé, toutes les cloches d’église de la Vallée du Saint-Jean devaient sonner et le Tintamarre commencer. Personne n’a entendu les cloches, mais le Tintamarre si.

 

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Impossible de ne pas entendre ce rappel, ce cri du cœur. Des milliers d’Acadiens et leurs amis serpentant dans les rues de Madawaska: tambours, casseroles et cuillères, trompettes, cloches à vache, sifflets, klaxons, crécelles…  Deux cent cinquante-neuf  (259) ans plus tard, les Acadiens sont encore là !