La nuit du conte à Québec

Honneur et Respect, Messieurs Dames la Société !

C’est par ces mots que Mimi Barthelemy, cette Haïtienne d’origine, ayant vécu en France, en Amérique latine, à Sri Lanka et en Afrique du Nord, a amorcé une soirée mémorable pour les amants de la langue française venus nombreux à la chapelle du Petit Séminaire de Québec se faire raconter des histoires !

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Il s’agissait de la septième d’une série de huit « nuits du conte » organisée par la Délégation générale de l’Alliance française aux États-Unis et le Centre de la francophonie des Amériques pour marquer la Semaine internationale de la francophonie. Les premières prestations eurent lieu à San Francisco les 16 et 18 mars. Le public québécois eut droit à la dernière, le 29 mars. Entre les deux, les conteurs firent plaisir aux auditoires réunis à Atlanta, New York, Washington D.C., Chicago et Montréal.

Malheureusement, à cause d’un malentendu à Chicago avec les autorités d’immigration canadienne, la petite troupe fut amputée d’un de ses membres, Bienvenu Bonkia, acteur, chanteur, poète, danseur et musicien burkinabé, y étant retenu pour manque de visa. Pas question d’entrer au Canada ! Une situation corsée et désagréable, selon le conteur louisianais, Barry Ancelet, qui me confiait que les gardiens de notre sécurité ne pouvaient ou ne voulaient pas entendre raison.

En la chapelle du Petit Séminaire, Ancelet lui-même, originaire de Scott, en Louisiane, et professeur d’études francophone à l’Université de Louisiane à Lafayette, épata la galerie par ses histoires de prêtres. Quel meilleur endroit pour lever le voile sur les secrets de ces hommes saints ?! Ses explications sur les origines louisianaises des pingouins dans l’Arctique firent s’esclaffer les bonnes gens qui anticipent sa prochaine visite pour apprendre comment les pingouins ont réussi le long et pénible voyage du Pôle nord au Pôle sud !

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Quant au troisième membre de l’équipe de conteurs en présence, Myriame El Yamani, exemple parfait du métissage dans un monde moderne et globalisé, que d’éloges ! Née au Maroc d’un père marocain et d’une mère française et d’un grand-père yéménite, elle puise son inspiration dans la mémoire des gens qu’elle côtoie : les secrets de sa grand-mère vendéenne, les couleurs et arabesques du Maghreb et du Yémen, la sagesse africaine et les mystères de la Méditerranée. Plus près de nous, les senteurs salines de l’Acadie, le Montréal multiethnique. Myriame partage avec passion des sons et des images glanés lors de ses nombreuses flâneries à travers des continents à la recherche des cultures et des rêves de toute l’humanité.

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À l’heure de l’internet, de la télévision, du cinéma, le simple conte semble avoir perdu du terrain. Or, mardi soir dernier à Québec, crique craque, ce moyen de communication et de divertissement, vieux comme le monde, a fait de nouveaux adeptes en refaisant ses preuves ! Quelle est belle la langue de Molière, de Senghor, de Glissant, de Vigneault, de Maillet, de Richard… !


« Petit Champlain » à Oxford, soirée mémorable

Hier, l’achat d’un billet pour le retour sur scène de Zachary Richard au Petit Champlain, à Québec, les 6 et 7 avril prochains, m’a reporté à Oxford par une belle soirée printanière. Pourquoi? C’est que le 10 mars, j’ai pu assister au Lyric à un spectacle qui passait en direct sur les ondes de Rebel Rock (92,1 FM), radio communautaire de l’université du Mississippi, et sur celles du réseau public de l’État du Mississippi (Mississippi Public Radio), poste affilié au PBS (Public Broadcasting System).

Dans cet édifice historique, qui est, en vérité, une ancienne salle de cinéma, réaménagée il y a quatre ans en salle de spectacle, à l’image du Petit Champlain, Jim Dees, de Thacker Mountain Radio (TMR), a animé une émission d’une heure qui s’est poursuivie en quatre temps.

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D’abord, une prestation musicale des Yalobushwhackers, spécialistes de la musique locale, axée largement sur les blues et le bluegrass. Les « Whackers » constituent le « house band » —groupe musical en présence à la programmation hebdomadaire du TMR—et lui donnent sa saveur.

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Par la suite, André Dubos III, fils de l’écrivain d’origine louisianaise, André Dubos II, a lu des extraits de son nouveau roman, Townie : A Memoir, publié ces jours-ci chez W.W. Norton. Autobiographique, le livre raconte l’adolescence de l’auteur vécue dans les quartiers durs d’un « milltown » du Massachusetts, en l’absence d’un père négligent, démissionnaire et coureur de jupons. L’œuvre de Dubos rappelait, par la mise en scène, celle de Kerouac, mais pas par l’expression narrative. Si ti-Jean (Jack) avait habité ces endroits aux années 70 et 80 au lieu des années 30 et 40, aurait-il emprunté un style similaire. J’espère que non!

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En troisième lieu, John Francis, jeune compositeur/interprète de la région de Philadelphia, PA, a chanté plusieurs chansons de son nouvel album, The Better Angels, dont la magnifique « Who » qui constitue à la fois une plainte et une complainte : une plainte à l’égard de la société américaine et de son militarisme et de sa détérioration et une complainte pour laquelle il a été primé comme jeune artiste à forte conscience sociale.

(http://johnfrancismusic.bandcamp.com/track/who)

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Le clou de la soirée? L’apparition sur scène des « Quiltermakers of Gee’s Bend » et leur interprétation de « Amazing Grace » accompagnées des Yalobushwackers et de concert avec le public.

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Le bled de Gee’s Bend est situé dans un méandre de la rivière Alabama, à 60 km au sud-ouest de la ville de Selma, en Alabama, bien connue par le public en raison des marches de cette ville à la capitale de Montgomery par Martin Luther King, Jr et ses disciples en 1963. Les descendants des esclaves de la plantation de M. Gee, comme beaucoup des ancêtres canadiens, ont développés des pratiques efficaces pour éliminer tout gaspillage afin de mieux survivre dans les conditions difficiles et parfois insalubres. L’une d’elles a été celle de la fabrication de courtepointes. Aucune guenille ne fut perdue, les morceaux les plus intéressants, les plus colorés, les meilleurs se trouvèrent transformés, par les doigts agiles, forts et habitués des femmes, en couverture, oui, mais aussi en œuvres d’art.

Grâce à l’historien de l’art, Bill Arnett, et son fils, Matt, celles-ci ont été dévoilées ces dernières années un peu partout au pays. À l’heure actuelle, elles ont exposées au Musée Skipwith, sur le campus de l’université du Mississippi.

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Ces fabricantes de courtepointe africaines américaines ont peut-être ceci d’original. Autrefois, leurs ancêtres chantaient au fil des heures et des heures en effectuant la cueillette du coton. Les Quiltmakers de Gee’s Bend ont maintenu la tradition de chanter en travaillant. C’est donc une partie de leur répertoire negro spiritual associé aux courtepointes qu’elles ont partagé ce soir mémorable au Lyric.


Camille accueille Sophie

À la Saint-Valentin 2009 (voir blogue en date du 20 février 2009), j’ai annoncé la réception d’un beau cadeau. Il s’agissait d’une nouvelle petite-fille dans la famille, Camille Maya Soleil. Le 18 mars 2011, Camille, rendue grande, a accueilli sa petite sœur, Sophie (longueur: 53 cm; poids: 3,5 kg).

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Bébé et parents (Geneviève Boudreault et Zachary Louder) se portent bien.

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Wilbrod St-Amand et la maladie d’Alzheimer

Il y a un an, le 18 mars 2010, j’ai inscrit à ce blogue un texte sur Monsieur Bénévolat à Oxford, Will St-Amand, originaire de Old Town, dans l’État du Maine. À mon avis, c’est l’un des grands Franco-Américains de sa génération. Ce matin, j’ai découvert une autre facette de sa bonté, de son amour et de sa générosité. Il s’agit d’une sculpture qu’il a offerte à l’université du Mississippi, en hommage à son épouse, Jo Ann O’Quin, ancienne professeure comme lui et victime de la terrible maladie, de la part du groupe d’appui Alzheimer d’Oxford dont le donneur fait toujours partie. La sculpture est située devant le musée Kate Skipworth.

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La sculpture, « Bardo of Rose » réalisée par Roy Tomboli, de Memphis, symbolise l’expérience des individus atteints de la malade d’Alzheimer et de leurs familles et de leurs aidants naturels.

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« Bardo » est un mot du bouddhisme qui se réfère à l’état de « entre deux », le plus souvent au temps et à l’espace entre une vie et la suivante—entre incarnations. Il peut aussi postuler chaque instant comme un « bardo » par rapport au moment suivant—un processus perpétuel de mort à la naissance à la mort, du moment à moment, une réalité en mutation constante.

L’anneau dans cette pièce représente le cercle de la vie. La cassure dans l’anneau fait allusion (1) à la rupture dans les relations causées par la maladie et (2) à la perte de mémoire. Comblant la rupture, un ressort héliocoïdale représentant le dévouement et la dévotion de l’aidant naturel. Le fil qui monte au vertical en serpentine représente le stress et le trauma que vivent ceux et celles qui partagent la vie d’une victime de la maladie d’Alzheimer. Enfin, l’ampoule en vitre se trouvant tout au sommet de la sculpture, représente la perle de joie obtenue en faisant fi de l’acceptation.

Wibrod St-Amant, authentique héros franco-américain!


Beatrice et Virgil à Oxford, MS

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Il est fort possible que Oxford, ville de Faulkner, Hannah, Morris et Grisham, soit la capitale littéraire du Sud. Il s’agit d’une petite ville de 15 000 habitant comptant une demi-douzaine de librairies indépendantes dont trois au cœur de la ville, au Oxford Square, dominé par le palais de justice du comté de Lafayette.

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La première est la vénérable Square Books où se prennent, selon la légende, toutes les décisions importantes concernant la ville, son aménagement et son avenir, ainsi que celles, plus personnelles, prises à tous les jours par la gent littéraire d’Oxford. Square Books est donc beaucoup plus qu’une simple bouquinerie, il s’agit d’une institution de premier ordre, ancrée dans le tissu social et culturel de la ville.

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La seconde, Off Square Books, dépend de la première, mais présente un autre genre. Elle est moins chargée de livres, plus spacieuse. Il est facile de la transformer en salle de conférence pour accueillir des auteurs qui passent pour les séances de signature et la mise en marché de leurs œuvres.

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La troisième, Square Books Jr., se consacre uniquement à la littérature pour enfants. Ensemble, les trois offrent l’embarras du choix aux lecteurs de langue anglaise.

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De passage ces jours-ci, à Oxford, à Greenwood et probablement ailleurs, l’auteur canadien Yann Martel dont le livre à succès, Life of Pi, a assuré sa réputation. Il est en tournée pour faire la promotion de Beatrice and Virgil qui se veut, selon lui, une allégorie à l’Holocauste. Comme dans son premier roman, Martel se sert, de la même manière que Orwell dans Animal Farm, des animaux comme astuce littéraire pour « aller là où les historiens ne peuvent aller ». La puissance de l’allégorie est de simplifier, de comprimer sans toutefois perdre le fil de l’histoire.

Si j’attribue à Yann Martel l’étiquette d’« auteur canadien », ce qui pourrait lui déplaire parce que son vécu est international et son œuvre universelle, c’est qu’il demeure à Saskatoon et se dit un produit de la transformation de l’ordre symbolique canadien qui nous a donnés la loi sur les langues officielles. Aussi, n’a-t-il fait aucune allusion, lors de sa prestation, à ses liens avec le Québec, même si ses parents, qui sont, de surcroît, ses traducteurs de l’anglais au français, habitent Montréal.

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À la question que je lui ai posée sur la possible écriture éventuelle d’un roman ou d’un essai en français, il n’a pas démontré d’enthousiasme expliquant que même si sa « langue natale » (son terme) est le français, la langue de son éducation à différents endroits à travers le monde, est l’anglais. Intéressant quand même que lors d’un séjour prolongé à Paris, au début des années 1970, Yann a fréquenté la « British School »! Pour Martel, ce qui est important, c’est de pouvoir communiquer, peu importe la langue : « Quand j’écris en français, j’écris en français, quand j’écris en anglais, j’écris! J’aime autant ne pas devoir m’occuper des accents, des accords et tout cela!» (Ma traduction). Et l’assistance a rigolé.