Plus de chroniques d’ici l’ouverture du Congrès de l’ACSUS (Association for Canadian Studies in the United States). Le voyageur prend le temps de jouir pleinement des retrouvailles avec sa fille, Lysanne et sa famille. Il profite de l’occasion pour mieux faire connaissance avec ses deux petits enfants, Dylan et Mikayla.. Les retrouvailles ont été
particulièrement chaleureuses compte tenu du fait que son gendre, Jeremy, ait frôlé la mort en juillet dernier lors d’un attentat contre lui. Les auteurs du crime ont depuis été appréhendés. .Heureusement que l’incident n’a pas laissé de marques physiques et peu de séquelles psychologiques. Le jeune couple a fait preuve de force et de courage lors cette épreuve qui rappelle trop bien le film de Michael Moore, Bowling for Columbine.
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Monthly Archives: novembre 2003
Alma mater
En septembre 1967, à Seattle, dont le symbole depuis l’exposition mondiale de 1962 est le Space Needle, Paul
Villeneuve, aujourd’hui professeur en aménagement du territoire et chercheur au Centre de recherche en aménagement et développement à l’université Laval, et moi commencions nos études de troisième cycle à l’Université de Washington. Nous réaliserions des thèses en géographie sociale et méthodes quantitatives sous la direction de Richard Morrill, actuellement professeur émérite de géographie à UW. Cette amitié forgée avec
Villeneuve a changé ma vie, car c’est avant tout par son entremise, qu’en 1971, j’ai obtenu, en même temps que lui, un emploi comme professeur à Laval. Les deux ou trois années que je devais y passer se sont étirées passablement! Je viens de prendre ma retraite à la suite de 32 ans de services.
Mon passage cette semaine à Seattle marquait un retour nostalgique à mon alma mater. J’ai commencé la journée à Radford Court, autrefois Radford Drive, et toujours quartier des étudiants mariés inscrits aux second et troisième cycles à l’Université de Washington. Les choses ont bien changé. L’ancienne caserne militaire léguée à l’université après la deuxième Guerre mondiale pour loger ses étudiants et qui comptait de nombreux loyers modiques à une, à deux ou à trois chambres à coucher n’est plus. En 2000, le tout a été rasé pour faire place à des logis plus luxueux qui respectent toutefois l’ancien style architectural et les couleurs de l’époque. Alors que nous payions 90, 110 ou 130 dollars par mois de loyer, dépendant du nombre de chambres à coucher, donc du nombre d’enfants, les occupants actuels payent au dessus de 1 000$. Ayant eu un enfant au baccalauréat, un deuxième à la maîtrise et un troisième au doctorat, j’avais eu l’occasion de payer les trois loyers! Les étudiants actuels se plaignent de ces nouveaux loyers exorbitants, cherchent ailleurs et trouvent, avec le résultat que pour trouver preneur à ses appartements, l’université doit s’ouvrir à d’autres clientèles, modifiant de manière radicale le sens communautaire qui a toujours caractérisé le complexe Radford.. S’il y a une chose qui n’a pas changé, c’est bien la magnifique vue sur le lac Washington qu’ont les « Radfordois ».
Le campus de l’UW est parmi les plus jolis du pays. Il est conçu en fonction du Mont Rainier, cette montagne volcanique de 4 000 mètres d’altitude que l’on ne voit de Seattle que par bon temps. Rainier Vista, cette allée piétonnière au centre de laquelle se trouve un jet d’eau, forme l’épine dorsale du campus. Le reste s’oriente en fonction d’elle. Les édifices respectent généralement, comme le démontre si bien la bibliothèque Suzallo, un style architectural gothique. Il en est de même pour le pavillon Smith. Villeneuve et moi sommes entrés des milliers de fois par ses portes en route vers le Département de géographie qui se trouve au quatrième étage. Aujourd’hui, je l’ai franchie de nouveau. Quelle belle découverte que de constater le respect de mon alma mater envers ses professeurs à la retraite à qui est attribué un bureau en partage. J’aurais tant aimé que l’université Laval en fasse autant.
Autre chose qui n’a pas semblé changer à UW : l’engagement politique. Aux années 60, moi et Villeneuve, comme tant d’autres, avons participé aux manifestations contre la Guerre au Vietnam. Aujourd’hui, ce pays en guerre n’a toujours pas l’appui d’une partie importante de sa population. Deux autocollants portant des messages ironiques et sarcastiques affichés sur un Jeep stationné au cœur du campus en disent long :
KILL & DRILL, avec des images d’avions et de puits de forage.
AMERICA : BETTER LIVING THROUGH BOMBING, avec des images de bombes en chute libre.
Et non loin du campus, sur un coin très passant, des supporteurs du Docteur (médical) Howard Dean, ancien gouverneur du Vermont et candidat de gauche à la présidence des Etats-Unis, se sont donnés la peine de créer des effigies pour faire valoir leur point de vue : Power to the People !
Vive le peuple et vive mon alma mater !
Victoria, ville à vélo… et de villégiature
S’étendant comme un ruban vert sur une centaine de kilomètres depuis Sooke jusqu’au centre-ville de Victoria et du centre-ville à Sidney dans la péninsule, un système de pistes cyclables lie les parcs de la région entre eux, créant ainsi un parc linéaire formidable. Cyclistes, marcheurs et joggeurs en tirent tous profit. À l’occasion, pour arriver à
destination, le cycliste ou le piéton doit emprunter un pont pour traverser l’un des nombreux plans d’eau qui caractérisent la région. Devant les grands attraits touristiques de Victoria, tels l’Hôtel Empress et le Parlement, le vélo a son importance, des guides-cycliste offrant des tours autour du port intérieur (inner harbour) en pousse-pousse modifié.
Victoria est aussi une destination recherchée d’une multitude de « snowbirds » du nord de la province et des provinces froides et enneigées. Ils s’entassent les uns sur les autres dans de grands lieux de rassemblement, tel le Fort Victoria RV Park qui offre à la semaine ou au mois eau, électricité, câble, buanderie et sentiment d’appartenir à une communauté. Un autre « service », à deux pas du terrain de camping, permet de passer son temps et de dépenser son argent, le Great Canadian Casino.
Avec Junior, j’ai pris place parmi ces mastodontes de la route le temps de deux nuits. Évidemment, en comparant ma Safari à celle du voisin, je me sentais tout petit, voire insignifiant! Autre atout pour ces hivernants, un arrêt ferroviaire à leur porte. Le train de Via Rail fait un voyage aller-retour par jour entre Victoria et Courtenay, dans le nord de l’île. Toutefois, la ligne est menacée de fermeture, faute d’utilisateurs. Peut-être connaîtra-elle le destin de la voie du Galloping Goose, ce train à gaz qui voyageait, aux années 20, les gens entre Sooke et Victoria. Cette ancienne voie est aujourd’hui, bien sûr, la piste cyclable mentionnée au début.
Tofino, un bout du monde
À Tofino, la route disparaît.
C’est l’océan Pacifique, le bord du continent! Petite ville qui vit évidemment de la mer, Tofino fonctionne au ralenti l’hiver, mais ne se ferme pas. À partir de 7h du matin, les lève-tôt peuvent prendre un café, une pâtisserie ou un déjeuner chez Vincente, café très branché de la rue Campbell—branché dans les deux sens du mot, car c’est le seul endroit à Tofino ayant accès à l’Internet sur une base régulière. Justement, pendant que je consultais mes messages matinaux, Marc, un Québécois qui a déjà enseigné la plongée sousmarine aux ingénieurs de la Polytechnique de Montréal, est entré prendre un café. Il travaille toute l’année à Tofino comme « commercial diver » (ses mots exacts). Meilleure job au monde (aussi ses mots exacts). Partout au village se trouvent des enseignes invitant à tirer profit des atouts de la nature : apprentissage du surfing, observation des baleines ou des ours. Certains parlent aussi de « storm watching », activité qui consiste en l’observation de la formation et de l’avance des tempêtes au large de la côte.
Sur la trentaine de kilomètres qui sépare Tofino de Ucluelet, les surfeurs peuvent pratiquer leur art. Un art ou un sport? Les deux, quant à moi. Et il y en avait beaucoup, même en ce Jour du souvenir où le mercure n’atteignait pas les 10 degrés. De loin ou de proche, les vagues qui se déferlent sans cesse sur la plage au rythme des vents fascinent par leur beauté, leur régularité, leur ampleur et surtout leur son.
Vers 11h30 du matin, alors que la fraîcheur matinale se faisait chasser par quelques rayons de soleil, les marcheurs et écumeurs sortaient sur Long Beach. Il y avait, entre autres, une gentille Anglaise en visite chez son oncle et sa tante à Cobble Hill, près de Victoria et un couple à la retraite de Windsor, en Ontario. Monsieur et Madame me racontaient une mésaventure vécue il y a longtemps en Gaspésie. Avec leurs enfants, ils ont failli se faire prendre par une marée montante. En entendant le nom « Gaspésie », j’ai vite annoncé que c’était près de chez moi. Madame, aussi vite, me pose une question (en français) : « Parlez-vous français? »
Alors, là, la conversation a vite basculé vers le français. Elle s’appelait Carmen Lalonde, originaire de Bourget, près de Sudbury. Aujourd’hui, elle s’appelle Tiffel—ou quelque chose comme cela. Pour m’aider à le prononcer correctement, elle a dit, ça se dit comme « t’es folle ». L’implication étant qu’elle a dû être folle de se marier avec un Anglâs. Mais Monsieur Tiffel, à l’écart de la conversation, a assez compris pour ajouter son grain de sel : « I did my part for Canadian unity; I married one (une Canadienne française) ».
Une heure plus tard et à sept km de Long Beach, sur Comber’s Beach, plus déserte et plus sauvage, nos pas se sont recroisés le temps d’un autre petit bonjour.
Jour du souvenir mémorable sur la côte du Pacifique.
D’autres retrouvailles
Du continent perdu à l’archipel retrouvé : le Québec et l’Amérique française et Vision et visages de la Franco-Amérique, ce sont deux ouvrages que j’ai réalisés en 1983 et 2001 avec la collaboration de mon ami et collègue, Eric Waddell. Si je le mentionne ici, c’est qu’aujourd’hui j’ai eu l’occasion de rendre visite à sa fille, Tanya, chez elle à Qualicum Beach, l’un des dix centres les plus importants au Canada pour l’accueil des gens retraités. Non, Tanya n’est pas retraitée. Elle habite la rue Spranger avec son mari, Luigi et leurs deux enfants, Flavia, 8 ans et Lucas, 5 ans, qui vont à l’école d’immersion française à Parksville, le village avoisinant. La leur est la seule maison de la rue (cul-de-sac) à abriter des enfants. Ailleurs, que de couples âges. « C’est merveilleux, dit Tanya, c’est comme si les enfants avaient chacun dix grands-parents! »Comment se fait-il que Tanya se trouve si loin du Québec, de ses parents, de ses frères et sœurs? Je lui ai posé la question. La réponse est bien simple. Il y a une douzaine d’années, désirant occuper un emploi de monitrice de français dans une école d’immersion en Colombie britannique, elle en a fait la demande. Elle fut assignée à une école à Hundred Mile House, dans l’intérieur et au nord de la province. C’est là qu’elle a rencontré Luigi qui travaillait comme forestier. Ensuite, retour aux études de Luigi et installation sur l’île. Pourquoi avoir fait une demande pour la Colombie britannique? À cette question, Tanya me fait part de ses préférences qui, à juger des milliers des gens de l’Ouest et du Centre qui se rendent ici à la fin de leurs années actives, ne sont probablement pas très différentes de celles de la plupart des Canadiens : « J’ai toujours aimé les extrêmes du Canada, l’Est et l’Ouest. Ce qui se trouve entre les deux ne m’attire pas ».Nous avons dû couper court la visite pour que je me rende à Tofino sur la côte ouest de l’île avant la tombée de la nuit. Il me restait à peine deux heures et le chemin est étroit et sinueux. Elle est aussi d’une extrême beauté, particulièrement à ce stade-ci de l’année où des milliers de citrouilles sculptées, bordent la route, ajoutant au paysage, déjà magnifique, de la couleur vive. L’halloween oblige!Entre Qualicum Beach et Port Alberni, le voyageur entre dans une « cathédrale ». On se recueille obligatoire et automatiquement devant la grandeur, la grosseur et l’âge vénérable des arbres dont certains remontent à 800 ans et tous à au moins 300 ans.
Entre Port Alberni et la côte, sur 85 km avant d’arriver à Ucluelet, le paysage montagneux et lacustre attire le regard de tout côté. La pluie étant de la partie, je n’avançais littéralement qu’au pas d’escargot!