Fêter la Franco-Amérique à Régina

Partout en Francophonie, pendant le mois de mars, on fête la langue française et les diverses cultures qui s’en servent. À ma façon, j’ai pu participer à ces célébrations, une fois, au début du mois en Arizona (voir https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2015/03/04/az-aatf/) et deux fois cette semaine à Régina, en Saskatchewan.

Le lundi après-midi 23 mars, dans la rotonde de l’Institut français dont le nom changera bientôt à la faveur de « Cité francophone », de l’Université de Régina, je me suis adressé à un auditoire composé d’étudiants, professeurs et membres de la communauté fransaskoise.

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Au nombre de 20, ils m’ont écouté attentivement pendant plus d’une heure et quart leur parler de mes nombreuses péripéties à travers l’Amérique à la rencontre de ceux et celles qui partagent un héritage basé sur la langue française. Par cette présentation intitulée « Carnet de voyages de la Franco-Amérique », je pense les avoir convaincus de la justesse de la déclaration de Zachary Richard lancée à l’occasion de la parution de son album «  Cœur fidèle » en réponse à un journaliste qui lui avait posé une question sur l’état de la francophonie nord-américaine : « Notre isolement et plus fort que notre fraternité ».

Le lendemain matin, au pavillon secondaire des Quatre Vents de l’École secondaire Monseigneur de Laval, magnifique établissement réaménagé à l’intérieur d’une ancienne école anglaise située au nord de la ville, j’ai repris le même thème, mais présenté différemment pour cet auditoire constitué de 125 élèves provenant des « grades » 7 à 12.

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Mon titre cette fois-ci : « La Franco-Amérique en cartes et chansons ». Pendant 25 minutes, nous avons étudié ensemble diverses cartes géographiques illustrant la répartition des francophones en Amérique du Nord. Puis, après avoir constaté la véracité de la déclaration choc de Zachary, nous avons fait appel à la musique pour mieux apprécier la diversité de la Franco-Amérique et comme outil pour nous rapprocher les uns aux autres. Je leur ai offert un CD de mon propre cru contenant diverses chansons :

  • Amies de la Louisiane, Colinda  (LOUISIANE)
  • Benoît, Émile, Vive la rose  (TERRE-NEUVE)
  • Blanchard Annie Évangéline  (ACADIE)
  • Butler, Édith, Hymne à l’espoir (ACADIE)
  • Céline et Garou, Sous le vent (QUÉBEC)
  • Corneille, Seul au monde (QUÉBEC, RWANDA)
  • Coulée, La batture (MANITOBA MÉTIS)
  • Jomphe, Caroline, L’Acadie n’a pas de frontières (ACADIE QUÉBÉCOISE)
  • Lanois Daniel Ma Jolie Louise (ONTARIO)
  • Lavoie, Daniel, Bénies soient les femmes (MANITOBA).
  • Leclerc, Félix, Hymne au printemps (QUÉBEC)
  • Madelinots (Bertrand Deraspe), Pointe-aux-loups (QUÉBEC, ILES –DE-LA-MADELEINE)
  • Mervil, Luck, On veut faire la fête (QUÉBEC)
  • Richard, Zachary, Massachusetts (LOUISIANE)
  • Richard, Zachary, Réveille (LOUISIANE)
  • Richard, Zachary, Travailler c’est trop dur (LOUISIANE)
  • Sainte-Marie, Chloé, Mon bel amour (QUÉBEC)
  • Tabb, Nancy, Rangs de coton (LOUISIANE)
  • Thério, Marie-Jo, À Moncton (ACADIE)
  • Vachon, Josée, Je viens tout juste de débarquer (FRANCO-AMÉRICANIE/NOUVELLE-ANGLETERRE)
  • Vigneault, Gilles, J’ai pour toi un lac (QUÉBEC)
  • Vigneault, Gilles, Mon pays (QUÉBEC)

Alors, pendant plus d’une demi-heure, je leur ai offert l’écoute d’un double programme mettant en vedette Zachary Richard et en exploitant le filon Acadie/Louisiane. En première partie :

  1. De son tout premier album Bayou des Mystères datant des années 1970, la belle complainte « Beaux yeux noirs ».
  2. Le cri du cœur qui a fait de lui un militant acadien de première ligne, « Réveille ».
  3. « Évangéline » d’Annie Blanchard.
  4. « L’Acadie n’a pas de frontières » de Carolyne Jomphe.
  5. « À Moncton » chantée en chiac par Marie-Jo Thériot (Les élèves ont bien rigolé!)

Vint ensuite la deuxième partie qui exigeait une courte explication. C’est que tout récemment fut tourné en Louisiane un nouvel album, J‘ai une chanson dans mon cœur. Pour ce tournage et pour célébrer le français, une vedette internationale, Zachary en l’occurrence, s’est jointe à Anne Laura Edmiston, une chanteuse montante de Lafayette et aux étoiles d’immersion, c’est-à-dire aux enfants inscrits aux cours d’immersion française. Des dix chansons sur ce CD, nous en avons retenu cinq :

  1. « J’ai une chanson dans mon cœur »
  2. « Ce qui me rend heureux »
  3. « L’ouragan »
  4. « Ma bataille »
  5. « Belle Louisiane »

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L’expérience fut émouvante et convaincante. Sur les 125 élèves, seulement cinq avaient déjà entendu parler de Zachary Richard et encore moins, je crois, savaient qu’en ce lointain pays qui est la Louisiane, des jeunes essayaient, eux aussi, de vivre, ne serait-ce que partiellement, en français. J’ai donc été assez fier de mon coup. Sourire en coin, en guise de conclusion, je leur ai de préparer la réplique à leurs enseignants qui pourraient exiger d’eux qu’il travaillent plus fort. La réplique : la légendaire chanson « Travailler, c’est trop dur! », jouée haut et fort!

Puis, avant de quitter, des mains de la directrice, Mme Sylvie Marceau, originaire du Lac-Saint-Jean, j’ai reçu cette carte confectionnée par Barin Sekhon, élève en 9e année, avec l’inscription qui suit :

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Le 24 mars 2015

Dr. Louder,

Le personnel et les élèves du Pavillon secondaire des Quatre Vents de Régina vous remercient de votre passage dans notre école.

Bon voyage de retour.

Mes chers jeunes amis de Régina, je vous salue!


Jack Waterman, vieillit-il mal?

Autant j’ai adoré Volkswagen Blues, publié il y a trente ans déjà, autant je trouve les romans plus récents de Jacques Poulin insipides et sans intérêt, y compris—et surtout—la dernière parution, Un jukebox dans la tête.

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Est-ce que c’est Jack Waterman qui vieillit mal ou son créateur ? Dans ce livre, Waterman habite toujours sa tour dans le Faubourg Saint-Jean-Baptiste. Dans ce récit, Mélodie, une jeune femme dans la vingtaine habite le même étage que lui, ainsi qu’un autre locataire mystérieux, invisible et inaudible. C’est dans l’ascenseur que Waterman rencontre la jolie rousse qui le charme en lui disant qu’elle admire beaucoup son œuvre littéraire, qu’elle a lu tous ses livres. Flatté, il l’invite à prendre le thé. Elle accepte et un dialogue s’amorce entre eux qui va les rapprocher de plus en plus. À tour de rôle, ils se racontent leurs parcours respectifs. Celui de Mélodie est tragique. Adolescente en fugue, elle prend refuge dans un kiosque surplombant le fleuve à Cap-Rouge qui appartient à un videur de bar du nom de Maurice aka Boris (Boris le bouncer). Jusqu’à temps que celui-ci lui fasse des avances, Mélodie s’y sent en sécurité. Lorsqu’il arrive enfin que Boris veut son « dû », la jeune fille lui flanque un coup de pied aux couilles et prend la fuite en « jumpant » un train de marchandise roulant lentement vers Estimauville. Un employé du CN a pitié d’elle et  la dirige vers une maison pour les femmes et les filles en difficulté, située sur la 3e avenue, où la directrice, la soeur de Waterman, l’accueille le temps de lui obtenir les papiers nécessaires pour réaliser son rêve d’aller en Californie. La directrice possède tous les livres de son frère et les étale tous dans la bibliothèque de la maison. Avant de partir, Mélodie a le temps de tomber en amour avec ces écrits qui vont l’inspirer sa vie durant.

Sa destination : San Francisco, bien sûr, où elle sera engagée par Lawrence Ferlinghetti pour travailler dans son City Lights Bookstore. Voilà ce qui revient inévitablement dans l’œuvre de Paulin : un lien, d’une manière ou d’une autre, avec Kerouac et les « beats ». Les dix années passées auprès des adeptes de « peace and love » suffisent pour convaincre Mélodie de rentrer au bercail, de renouer avec son passé et d’entamer une relation avec son auteur préféré. Entre alors dans le portrait l’« homme mystérieux » qui s’avère être Boris qui, par des gestes violents, enverra les deux à l’hôpital !

À leur sortie de l’hôpital, vivront-ils, Jack et Mélodie, « happily ever after » ? Je ne vendrai pas la mèche ici. À chacun de parcourir en deux heures ce petit roman de Jacques Poulin qui, malgré son manque de profondeur, nous épate en nous faisant sourire!


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À Tempe, en Arizona, le mois où l’on célèbre la Francophonie s’est amorcé par un atelier organisé par Hélène Ossipov, professeure de français à Arizona State University. Trente-sept membres du chapitre local de l’Association of American French Teachers, venus des quatre coins de l’État, se pointèrent sur le campus d’ASU sur le coup de midi afin de partager un repas avant d’écouter les propos de leur invité venu de loin, moi en l’occurrence, et de visionner le récent film « Un rêve américain » ! (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2014/03/18/un-reve-americain-en-projection-a-quebec/)

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Il s’agissait d’enseignants de niveaux universitaire, collégial et secondaire, surtout de gent féminine.

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La raison de ma présence à l’atelier, telle que définie par Mme Ossipov, fut double : (1) mettre la table pour la projection du film qui explore la présence « francophone » dans le pays de l’Oncle Sam ; (2) en faire la critique.

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Illustrations graphiques à l’appui, je suis parti du principe que le français n’est pas une langue étrangère en Amérique du Nord et que la Franco-Amérique est un vaste archipel comprenant une immense île, le Québec, et plein d’îles et d’îlots un peu partout sur le territoire des deux pays, les États-Unis et le Canada, sans parler du vecteur haïtien qui réunit les créolophones dans l’axe Port-au-Prince-Miami-New York-Montréal.

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Une fois la table mise, nous avons passé 90 minutes à nous régaler cinématographiquement, après quoi je suis revenu critiquer le film et compléter le tableau. Je ne reprendrai pas ici la critique que l’on peut lire à l’URL mentionné ci-haut. Suffit de dire que Boulianne et Godbout, en raison d’un budget limité, et non par un manque d’intérêt, durent laisser tomber de grands pans de la francophonie états-unienne. Le « road trip » réalisé par Damien Robitaille, chansonnier franco-ontarien et vedette du film, reste néanmoins impressionnant (Maine, New York, Michigan, Pays des Illinois des deux côtés du Mississippi, Wyoming, Montana, Californie).

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Dimanche, c’était la quatrième fois que je visionnais le film, chaque fois dans un contexte différent : (1) à Québec, dans une petite salle au Centre de la Francophonie des Amériques, en compagnie d’une douzaine de « spécialistes » : chercheurs, fonctionnaires et gestionnaires de la francophonie ; (2) à Québec dans la chapelle bondée du Petit Séminaire ; (3) à San Francisco dans une salle trop grande devant une cinquantaine de membres du Conseil international d’études francophones ; (4) à Tempe.

La réception de « Rêve américain » varia énormément de visionnement en visionnement. La première fois, il fut reçu avec scepticisme, plusieurs « spécialistes » prétendant ne rien avoir appris et trouvant que le film dressait un bilan vieillot et pessimiste. La deuxième fois, tout le contraire, le public québécois, réuni dans une salle magnifique chargée d’histoire, fut gagné rapidement et ovationna à la fin à tout rompre. Très émus, plusieurs intervenants prenaient le micro pour avouer leur ignorance quant à l’existence d’une francophonie—la leur—si profondément enracinée en sol états-unien. La troisième fois, dans un contexte davantage international (professeurs de littérature française et francophone venus d’Amérique, d’Asie, d’Europe et d’Océanie), l’auditoire prenait acte d’un phénomène méconnu. Étant donné leurs intérêts pointus, l’approche large de Godbout et Boulianne ne semblait pas les impressionner outre mesure. Toutefois, les questions suscitées par le film furent nombreuses, mais souvent hors propos. Enfin, la quatrième fois ! Depuis dimanche, je demeure perplexe devant leur réaction ou plutôt devant leur manque de réaction. Aucune question, ni sur ma propre prestation, ni sur le film. Pourtant, ils avaient tous hâte de gagner les prix de présence : deux exemplaires de mon livre Voyages et rencontres en Franco-Amérique et cinq exemplaires du DVD, « Un rêve américain ».

Comme diraient les Américains : « Go figure ! »