L’Association for Canadian Studies in the United States (ACSUS) tient un congrès biannuel, en alternance avec l’American Council for Québec Studies. Le premier a tenu son congrès cette année à Portland, en Orégon. L’an prochain, celui de l’ACQS aura lieu à Québec au Château Frontenac. Les deux permettent aux chercheurs en science politique, histoire et littérature surtout, mais pas exclusivement, de faire connaître leur recherche, de s’informer auprès des autorités gouvernementales et de débattre des questions de l’heure. Les études canadiennes et québécoises sont en plein essor aux États-Unis.
Les participants au Congrès ont souvent été frustrés de ne pas pouvoir assister à toutes les communications qui les intéressaient, tellement il y en avait et tellement il y avait de séances organisées en parallèle. La vaste majorité des séances se sont déroulées en anglais. Quelques exceptions :
1. Théâtre québécois et canadien-français. Présidé par Émile Talbot, Franco-Américain, originaire de Brunswick, au Maine et professeur de français à l’université de l’Illinois, la séance fut menée de main de maître par Jane Moss du collège Colby (Maine) qui a examiné le théâtre franco-manitobain, par Celita Lamar de l’université de Miami qui a analysé Le FarWest Septilien d’Emmanuelle Roy et par Jane Koustas de l’université Brock (Ontario), spécialiste de l’œuvre de Robert Lepage.
2. Écrivains de l’Union des écrivains québécois. Cette séance mettait en vedette Denise Desautels, Joël Desrosiers et Ying Chen, chacun lisant de leur œuvre.
3. Les lettres québécoises de la transplantation. MM. Jean-Jacques Thomas de l’université Duke (Caroline du Nord), Yvon LeBras de l’université Brigham Young (Utah) et Émile Talbot ont pris la parole pour examiner des œuvres d’écrivains québécois venus d’ailleurs dont Ying Chen et Joël Desrosiers.
4. De l’inventivité de quelques auteurs contemporains du Manitoba français. La séance fut organisée par Lise Gaboury-Diallo de Saint-Boniface dont le nouveau récit de poésie fut décortiqué par Kandace Lombart de SUNY-Buffalo. Le professeur Eric Annandale de l’université du Manitoba a analysé l’œuvre de Pierre Dubé et Mme Gaboury, elle-même, a jeté un regard critique sur Une si simple passion de Roger Léveillé. Le film, Le Blé et la plume, de Laurence Véron de Saint-Boniface est venu couronner la séance.
D’autres séances, conduites principalement en anglais, sur des sujets franco ont attiré notre attention.
1. Enseigner la Franco-Amérique. Trois collègues de l’université du Maine, Raymond Pelletier, Susan Pinette et Jacques Ferland, ont identifié un certain nombre de défis inhérents à la création d’un programme d’études franco-américaines dans leur université.
2. Table ronde : Est-ce que le paysage politique du Québec est en mutation? Organisé par Martin Lubin de SUNY-Plattsburgh (troisième de g. à d. dans la photo), il a cédé la parole tour à tour à Henry Milner de l’université Laval, à Phil Resnick de l’université de la Colombie-britannique et à Donald Cuccioletta, SUNY-Plattsburgh.
3. Identité canadienne-française, ici et ailleurs. Y ont participé deux collègues franco-américains, Leslie Choquette, directrice de l’Institut français de Worcester, au Massachusetts, et Marc Richard, nouveau professeur d’histoire à l’université du Maine à Fort Kent. Leslie a commenté la communication de Marc qui portait sur le processus de naturalisation des Canadiens français immigrés à Lewiston, au Maine.
Évidemment, comme toujours à ce genre de congrès où les gouvernements essaient de marquer des points ou de faire bonne presse, ils ont envoyé des personnalités de marque. Des États-Unis, nul autre que l’Ambassadeur au Canada lui-même, Paul Celucci, qui a très peu épaté la galerie, ressemblant à bien des égards à son patron, George
W. Bush. Du Canada, David Anderson, ministre de l’Environnement. Du Québec, Monique Gagnon Tremblay, député Premier ministre, ministre des Relations internationales et ministre responsable de la Francophonie, qui a entretenu la salle sur le thème « d’un nouveau gouvernement et d’une nouvelle vision ». Certains congressistes auraient aimé que son anglais soit aussi bon que celui de son patron (Jean Charest)!
Les invités de prestige de la presse canadienne furent nombreux : Jeffrey Simpson du Globe & Mail, accompagnés
de Kathleen Kenna du Toronto Star, qui avait été gravement blessé lors d’un reportage en Afghanistan, et Andrew Cohen, maintenant professeur à l’université Carleton.
Une autre table ronde a exploré les différences entre les programmes de soins médicaux au Canada et aux Etats-Unis. Un poids lourd y a pris beaucoup de place. Roy Romanow, ancien Premier ministre de la Saskatchewan et principal auteur du rapport qui porte son nom l’a défendu avec brio.
Parmi cette panoplie de personnages de marque se trouvait aussi mon voisin du Chemin Gomin à Sillery, le professeur Jean-Thomas Bernard de l’université Laval, qui, avec M. Roger Lanoue, vice-président chez Hydro-Québec, démontrait avec clarté le rôle que joue le Québec sur l’échiquier énergétique continental.
Bref, tout un festin intellectuel! Lorsqu’on en avait eu assez, il était possible de sortir de l’hôtel et de se rendre dans un décor ressemblant légèrement à celui du quartier Saint-Roch à Québec afin d’y faire un festin d’une tout autre sorte. Le Portland Saturday Market, beau marché publique : bouffe de toute provenance, artisanat de la région, musique et amuseurs publiques.
À la fin du congrès les Québécistes se sont donnés rendez-vous au Château Frontenac du 18 au 21 novembre 2004, les Canadienistes à Saint-Louis, au Missouri, dans deux ans précisément.
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Deuxième temps d’arrêt
Plus de chroniques d’ici l’ouverture du Congrès de l’ACSUS (Association for Canadian Studies in the United States). Le voyageur prend le temps de jouir pleinement des retrouvailles avec sa fille, Lysanne et sa famille. Il profite de l’occasion pour mieux faire connaissance avec ses deux petits enfants, Dylan et Mikayla.. Les retrouvailles ont été
particulièrement chaleureuses compte tenu du fait que son gendre, Jeremy, ait frôlé la mort en juillet dernier lors d’un attentat contre lui. Les auteurs du crime ont depuis été appréhendés. .Heureusement que l’incident n’a pas laissé de marques physiques et peu de séquelles psychologiques. Le jeune couple a fait preuve de force et de courage lors cette épreuve qui rappelle trop bien le film de Michael Moore, Bowling for Columbine.
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Alma mater
En septembre 1967, à Seattle, dont le symbole depuis l’exposition mondiale de 1962 est le Space Needle, Paul
Villeneuve, aujourd’hui professeur en aménagement du territoire et chercheur au Centre de recherche en aménagement et développement à l’université Laval, et moi commencions nos études de troisième cycle à l’Université de Washington. Nous réaliserions des thèses en géographie sociale et méthodes quantitatives sous la direction de Richard Morrill, actuellement professeur émérite de géographie à UW. Cette amitié forgée avec
Villeneuve a changé ma vie, car c’est avant tout par son entremise, qu’en 1971, j’ai obtenu, en même temps que lui, un emploi comme professeur à Laval. Les deux ou trois années que je devais y passer se sont étirées passablement! Je viens de prendre ma retraite à la suite de 32 ans de services.
Mon passage cette semaine à Seattle marquait un retour nostalgique à mon alma mater. J’ai commencé la journée à Radford Court, autrefois Radford Drive, et toujours quartier des étudiants mariés inscrits aux second et troisième cycles à l’Université de Washington. Les choses ont bien changé. L’ancienne caserne militaire léguée à l’université après la deuxième Guerre mondiale pour loger ses étudiants et qui comptait de nombreux loyers modiques à une, à deux ou à trois chambres à coucher n’est plus. En 2000, le tout a été rasé pour faire place à des logis plus luxueux qui respectent toutefois l’ancien style architectural et les couleurs de l’époque. Alors que nous payions 90, 110 ou 130 dollars par mois de loyer, dépendant du nombre de chambres à coucher, donc du nombre d’enfants, les occupants actuels payent au dessus de 1 000$. Ayant eu un enfant au baccalauréat, un deuxième à la maîtrise et un troisième au doctorat, j’avais eu l’occasion de payer les trois loyers! Les étudiants actuels se plaignent de ces nouveaux loyers exorbitants, cherchent ailleurs et trouvent, avec le résultat que pour trouver preneur à ses appartements, l’université doit s’ouvrir à d’autres clientèles, modifiant de manière radicale le sens communautaire qui a toujours caractérisé le complexe Radford.. S’il y a une chose qui n’a pas changé, c’est bien la magnifique vue sur le lac Washington qu’ont les « Radfordois ».
Le campus de l’UW est parmi les plus jolis du pays. Il est conçu en fonction du Mont Rainier, cette montagne volcanique de 4 000 mètres d’altitude que l’on ne voit de Seattle que par bon temps. Rainier Vista, cette allée piétonnière au centre de laquelle se trouve un jet d’eau, forme l’épine dorsale du campus. Le reste s’oriente en fonction d’elle. Les édifices respectent généralement, comme le démontre si bien la bibliothèque Suzallo, un style architectural gothique. Il en est de même pour le pavillon Smith. Villeneuve et moi sommes entrés des milliers de fois par ses portes en route vers le Département de géographie qui se trouve au quatrième étage. Aujourd’hui, je l’ai franchie de nouveau. Quelle belle découverte que de constater le respect de mon alma mater envers ses professeurs à la retraite à qui est attribué un bureau en partage. J’aurais tant aimé que l’université Laval en fasse autant.
Autre chose qui n’a pas semblé changer à UW : l’engagement politique. Aux années 60, moi et Villeneuve, comme tant d’autres, avons participé aux manifestations contre la Guerre au Vietnam. Aujourd’hui, ce pays en guerre n’a toujours pas l’appui d’une partie importante de sa population. Deux autocollants portant des messages ironiques et sarcastiques affichés sur un Jeep stationné au cœur du campus en disent long :
KILL & DRILL, avec des images d’avions et de puits de forage.
AMERICA : BETTER LIVING THROUGH BOMBING, avec des images de bombes en chute libre.
Et non loin du campus, sur un coin très passant, des supporteurs du Docteur (médical) Howard Dean, ancien gouverneur du Vermont et candidat de gauche à la présidence des Etats-Unis, se sont donnés la peine de créer des effigies pour faire valoir leur point de vue : Power to the People !
Vive le peuple et vive mon alma mater !
Victoria, ville à vélo… et de villégiature
S’étendant comme un ruban vert sur une centaine de kilomètres depuis Sooke jusqu’au centre-ville de Victoria et du centre-ville à Sidney dans la péninsule, un système de pistes cyclables lie les parcs de la région entre eux, créant ainsi un parc linéaire formidable. Cyclistes, marcheurs et joggeurs en tirent tous profit. À l’occasion, pour arriver à
destination, le cycliste ou le piéton doit emprunter un pont pour traverser l’un des nombreux plans d’eau qui caractérisent la région. Devant les grands attraits touristiques de Victoria, tels l’Hôtel Empress et le Parlement, le vélo a son importance, des guides-cycliste offrant des tours autour du port intérieur (inner harbour) en pousse-pousse modifié.
Victoria est aussi une destination recherchée d’une multitude de « snowbirds » du nord de la province et des provinces froides et enneigées. Ils s’entassent les uns sur les autres dans de grands lieux de rassemblement, tel le Fort Victoria RV Park qui offre à la semaine ou au mois eau, électricité, câble, buanderie et sentiment d’appartenir à une communauté. Un autre « service », à deux pas du terrain de camping, permet de passer son temps et de dépenser son argent, le Great Canadian Casino.
Avec Junior, j’ai pris place parmi ces mastodontes de la route le temps de deux nuits. Évidemment, en comparant ma Safari à celle du voisin, je me sentais tout petit, voire insignifiant! Autre atout pour ces hivernants, un arrêt ferroviaire à leur porte. Le train de Via Rail fait un voyage aller-retour par jour entre Victoria et Courtenay, dans le nord de l’île. Toutefois, la ligne est menacée de fermeture, faute d’utilisateurs. Peut-être connaîtra-elle le destin de la voie du Galloping Goose, ce train à gaz qui voyageait, aux années 20, les gens entre Sooke et Victoria. Cette ancienne voie est aujourd’hui, bien sûr, la piste cyclable mentionnée au début.
Tofino, un bout du monde
À Tofino, la route disparaît.
C’est l’océan Pacifique, le bord du continent! Petite ville qui vit évidemment de la mer, Tofino fonctionne au ralenti l’hiver, mais ne se ferme pas. À partir de 7h du matin, les lève-tôt peuvent prendre un café, une pâtisserie ou un déjeuner chez Vincente, café très branché de la rue Campbell—branché dans les deux sens du mot, car c’est le seul endroit à Tofino ayant accès à l’Internet sur une base régulière. Justement, pendant que je consultais mes messages matinaux, Marc, un Québécois qui a déjà enseigné la plongée sousmarine aux ingénieurs de la Polytechnique de Montréal, est entré prendre un café. Il travaille toute l’année à Tofino comme « commercial diver » (ses mots exacts). Meilleure job au monde (aussi ses mots exacts). Partout au village se trouvent des enseignes invitant à tirer profit des atouts de la nature : apprentissage du surfing, observation des baleines ou des ours. Certains parlent aussi de « storm watching », activité qui consiste en l’observation de la formation et de l’avance des tempêtes au large de la côte.
Sur la trentaine de kilomètres qui sépare Tofino de Ucluelet, les surfeurs peuvent pratiquer leur art. Un art ou un sport? Les deux, quant à moi. Et il y en avait beaucoup, même en ce Jour du souvenir où le mercure n’atteignait pas les 10 degrés. De loin ou de proche, les vagues qui se déferlent sans cesse sur la plage au rythme des vents fascinent par leur beauté, leur régularité, leur ampleur et surtout leur son.
Vers 11h30 du matin, alors que la fraîcheur matinale se faisait chasser par quelques rayons de soleil, les marcheurs et écumeurs sortaient sur Long Beach. Il y avait, entre autres, une gentille Anglaise en visite chez son oncle et sa tante à Cobble Hill, près de Victoria et un couple à la retraite de Windsor, en Ontario. Monsieur et Madame me racontaient une mésaventure vécue il y a longtemps en Gaspésie. Avec leurs enfants, ils ont failli se faire prendre par une marée montante. En entendant le nom « Gaspésie », j’ai vite annoncé que c’était près de chez moi. Madame, aussi vite, me pose une question (en français) : « Parlez-vous français? »
Alors, là, la conversation a vite basculé vers le français. Elle s’appelait Carmen Lalonde, originaire de Bourget, près de Sudbury. Aujourd’hui, elle s’appelle Tiffel—ou quelque chose comme cela. Pour m’aider à le prononcer correctement, elle a dit, ça se dit comme « t’es folle ». L’implication étant qu’elle a dû être folle de se marier avec un Anglâs. Mais Monsieur Tiffel, à l’écart de la conversation, a assez compris pour ajouter son grain de sel : « I did my part for Canadian unity; I married one (une Canadienne française) ».
Une heure plus tard et à sept km de Long Beach, sur Comber’s Beach, plus déserte et plus sauvage, nos pas se sont recroisés le temps d’un autre petit bonjour.
Jour du souvenir mémorable sur la côte du Pacifique.