Du français chez K-Mart à St. George, UT

Qui se rappellent l’enseigne des magasins K-Mart?

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À Québec, cela n’existe plus depuis quelques années. Ailleurs au Québec, il y en a peut-être à Saint-Jérôme et à Shawinigan, par exemple. Les magasins Hart et Croteau semblent les avoir remplacés, sans parler bien sûr du multinational Wal-Mart qui prend de plus en plus de place. Or, ici à St. George, en Utah, malgré la présence de deux Super Centres Wal-Mart, l’un au nord de la ville, l’autre au sud, et d’un centre de distribution (entrepôt) Wal-Mart régional à proximité, K-Mart continue, de toute évidence, à faire de bonnes affaires. Peut-être parce qu’il est situé au centre de l’agglomération, sur la rue Bluff, et non en périphérie.

Dès mon arrivée ici il y a 10 jours, à la recherche de cartes postales, je m’y promenais. Comme bien des petits vieux, je ne pouvais m’empêcher, dans la section des produits pharmaceutiques, d’arrêter devant l’appareil qui permet de mesurer la pression artérielle. Assis, le bras gauche dans la manche à me le faire resserrer, j’entends la pharmacienne répond à sa cliente.

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Oups, cet accent, je le connais! Il s’agit de celui d’une Québécoise qui s’exprime en anglais. Cela a fait monter ma pression! Une fois la pression revenue à la normale et la cliente partie, je me rapproche du comptoir. Le nom affiché sur le sarrau blanc de la pharmacienne se lit : Louise Duguay. Je lui adresse la parole en français. Surprise, elle me répond avec un grand sourire et nous passons une dizaine de minutes à jaser.

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Bien qu’il existe des milliers de Duguay au Québec, le nom est avant tout acadien. Louise me le confirme en mentionnant que son père venait de Tracadie, au Nouveau-Brunswick, mais qu’il avait fait carrière et élevé sa famille à Montréal. Louise est d’ailleurs diplômée en pharmacie de l’Université Montréal (1989). Avant que son mari, Alain Bergeron, ne devienne victime de la restructuration de sa firme d’ingénieurs à Saint-Bruno-de- Montarville, la famille était confortablement installée sur la rive sud de Montréal. Un nouvel emploi lui fut offert à Denver, au Colorado, qu’il accepte. Vie trépidante dans une grande métropole de l’Ouest américain. Autre restructuration, autre perte d’emploi, autre déplacement, cette fois-ci vers une petite ville paisible du sud-ouest de l’État de l’Utah. Non, pas St. George. Cedar City, 20 000 habitants, sise à 80 km plus au nord.

Ne trouvant pas de situation à Cedar, Louise choisit de poursuivre sa propre carrière, là où elle peut trouver du travail, à St. George, ville bourgeonnante, centre de villégiature et La Mecque des golfeurs de l’État de l’Utah. En 50 ans, la population de St. George s’est multipliée par 15, passant de 5 130 en 1960 à 75 000 aujourd’hui.

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Très tôt, trois fois par semaine, donc, Louise quitte son foyer pour commencer à 8h chez K-Mart un quart de travail de 12 heures, rentrant chez elle entre 21h et 22h. Elle dit que cela se fait bien et, maintenant, que les deux enfants du couple, Simon, 21 ans, et Joannie, 19 ans, qui parlent toujours couramment français parce que les parents ont insisté pour le parler à la maison, sont plus ou moins indépendants et inscrits à SUU (Southern Utah University), elle est plus à l’aise. Les emplois dans son domaine ne courent pas les rues et elle est heureuse de se retrouver chez K-Mart.


Journée mémorable au Kansas (suite)

Deux incidents m’ont conduit ce jour (12 novembre 2012) au comté Cloud, au cœur du Kansas. Le premier s’est passé en Arizona à la mi-novembre 1985, le second pendant la campagne présidentielle des États-Unis de 2004.

I

À Tempe, alors que j’étais professeur invité à Arizona State University, le sort a voulu que je rencontre Vic et Mel Hamel. Ce sont mes parents qui jouaient aux cartes avec eux au Carriage Manor RV Resort à Mesa qui me les ont présentés. À ma question posée en anglais « d’où venez-vous », Vic a répondu, « Lodi, California ». Ce à quoi j’ai répliqué « non, non, avant de vous y installer, personne en Californie ne vient de Californie! ». « Kansas » a-t-il dit. « Ah, dis-je, le comté Cloud, les villages de Clyde, Saint Joseph ou Aurora? »

—How did you know? (comment le saviez-vous?)

—I just knew! (mon petit doigt!)…et avant cela?

—Illinois.

—Kankakee, Bourbonnais, Sainte-Anne?

—How did you know?

—I just knew.

Car chaque Québécois devrait savoir qu’une partie importante de son histoire s’est déroulée ailleurs sur le continent, voire au milieu du Kansas. Il devrait savoir qu’une tranche significative de la population du Québec s’est transportée au cours des années 40 et 50 du XIXe siècle jusqu’aux prairies de l’Illinois et qu’une vingtaine d’années plus tard, certains d’entre eux se sont rendus plus loin, dans le Kansas.

Puis, la question qui tue… exprimée en français!! : « Victor, parles-tu français? »

—Oui, mais comment le savais-tu?

—Ton nom (Hamel) te trahit, il y a des milliers de Hamel chez nous. As-tu déjà été au Québec?

—Non, mais c’est mon plus grand rêve!

Malheureusement, Victor n’a jamais réalisé ce rêve; il est mort avant. Un mois après cette première rencontre, nous avons connu un moment inoubliable auprès de lui et son épouse, Mel. Quelques jours avant Noël, avec nos enfants et quatre de leurs amis venus du Québec passer les fêtes, nous nous sommes rendus à la maison mobile des Hamel frapper à la porte. Lorsqu’ils ont ouverte, nous nous sommes mis à chantonner « Il est né le divin enfant », suivi de « Noël Nouvelet », deux chants de Noël qui ne se chantent pas en anglais. Les larmes ont coulé de part et d’autre, autant dans les yeux des Hamel que dans les nôtres. Victor a exclamé n’avoir jamais, depuis sa tendre enfance, entendu ces chants! Et nos jeunes ont appris que la belle langue française—la leur—pouvait être chérie, dans le lointain désert de l’Arizona, par les gens qui l’avaient presque oubliée!

II

En 2004, le catholique, John Kerry, se présentait contre le président sortant, George Bush. En lisant la presse américaine, je découvre ce qui semblait être une anomalie dans le monde politique. Mgr Charles Joseph Chaput, archevêque de Denver, appuyait publiquement la candidature du chrétien évangélique, Bush, contre le catholique, Kerry. Il s’agissait d’une prise de position par rapport au discours des deux candidats sur l’avortement, Bush étant pro vie et Kerry pro choix. Ce n’est pas autant la prise de position de Mgr Chaput, aujourd’hui l’archevêque de Philadelphie, qui m’ait surpris que son nom! Chaput, d’où vient-il? Justement, du comté Cloud, au cœur du Kansas!

III

En arrivant au village de Clyde la semaine dernière, le premier nom que je vois affiché en tant que raison sociale est nul autre que « Chaput » (voir billet précédent). Je constate rapidement sur la rue Principale la présence, entre autres, des Girard et des Boudreau.

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Ayant froid et désirant me réchauffer, je décide d’entrer au restaurant prendre un thé. Avant de franchir le seuil de la porte, je dois attendre que sorte un couple de mon âge. Je leur demande si, par hasard, ils ont connu Victor et Mélanie Hamel? Quelle coïncidence! « Oui », dit Laverne Hamel, accompagné de sa femme, Roxanne Marcotte, « c’était mon oncle, je suis son neveu! » Très ému, moi! Vingt-sept ans après avoir rencontré en Arizona un Hamel du Kansas avec lequel je m’étais lié d’amitié en chantant les cantiques de Noël, je tombe pile sur son neveu dans la rue Principale de Clyde.

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Mais ce n’est pas fini! Dix minutes plus tard se pointe devant moi et le groupe de femmes avec lesquelles je me tenais, Ray Hamel. Celui-ci n’a jamais connu Victor, mais il en avait entendu parler. Ray raconte l’histoire fascinante de sa famille et la mort en 1919 de son grand-père en Saskatchewan. À la création de cette province canadienne en 1905, la famille Hamel avait décidé d’abandonner leur « homestead » au Kansas pour retourner au Canada en prendre un autre en Saskatchewan. Se rapatrier, donc, après deux ou trois générations passées aux États-Unis! Or, l’installation en Saskatchewan fut de courte durée. Accompagné de son fils, le père de Ray, le grand-père est mort lors d’un accident de chasse. Son épouse, peu de temps après, prit la décision de retourner au Kansas avec sa marmaille. D’autres, comme Michel Bouchard, dans le contexte de sa famille franco-albertaine, ont documenté ce va-et-vient fréquent des Canayens entre les prairies canadiennes et américaines.

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St. Joseph se trouve à dix minutes de Clyde. Il s’agit d’une église magnifique, mais désacralisée en raison du peu d’adeptes de nos jours, d’un magasin général qui fonctionne malgré tout et d’une demi-douzaine de maisons. C’est ici que nous avons fait la connaissance de Ray Tremblay qui nous a fait visiter l’enceinte et qui nous a raconté brièvement l’histoire de cette cathédrale de la prairie construite en 1910, autour de laquelle des centaines de familles d’origine acadienne et québécoise sont enterrées.

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Les pierres tombales en témoignent.

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Sans doute que l’ancien Ministre des finances du Québec, Raymond Bachand, serait surpris de voir qui est enterré ici.

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Il en serait de même pour Gilles Kègle, la Mère-Theresa de la Basse-Ville de Québec.

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Le lieu de rencontre par excellence à St. Joe est le magasin général. Pat et Jo Girard, jeune couple dynamique, offrent de succulents repas trois fois par semaine (lundi, mercredi et vendredi) et encouragent la vente de marchandise dont les profits servent au maintien de l’église désaffectée. En mangeant, nous avons parlé avec d’autres clients comme MM. Provost, Bachand, Leclerc et Michaud qui avaient quitté leurs champs le temps d’un repas en bonne compagnie.

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Au restaurant de Clyde, j’avais constaté la popularité du jeu de cartes. À Saint-Joseph, c’était d’autant plus évident. Le jeu préféré des Canayens d’ici est la « pelote » dont les résultats des parties sont affichés au-dessus du comptoir

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Venant d’apprendre d’où nous venions, Jolene, la propriétaire, était convaincue que je pouvais lui expliquer les origines de ce jeu et du nom qu’il porte. Hélas, je ne connais que la pelote basque qui est un jeu de balles et non de cartes!

S’il y en a parmi les lecteurs de ces lignes qui sauront aider Jo et Pat, je les invite à prendre contact avec eux au St. Joe Store afin de leur donner l’heure juste sur la « pelote ».

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Journée mémorable au Missouri (suite)

En mai 1978, j’ai rencontré à la Vieille Mine, au Missouri, Kent Bone, 23 ans. Il s’intéressait vivement à la culture et à la langue de ses ancêtres installés au pied des montagnes aux Arcs (Ozarks) depuis 1623. J’épargne le lecteur de ce blogue le récit de cette rencontre qui est rendue en grands détails dans Vision et Visages de la Franco-Amérique, publié chez Septentrion en 2001.

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Suffit de dire que peu de temps après cette rencontre fortuite qui donna lieu à une invitation à visiter sa mère patrie et à rester aussi longtemps qu’il le voulait chez moi, Kent Bone a choisi de se mettre sérieusement à l’apprentissage de la langue française et d’utiliser son vrai nom, Beaulne, qu’il venait de découvrir. Au Québec, il a su repousser la frontière généalogique et historique qui avait jusque-là été infranchissable chez lui. De retour à la Vieille Mine, Kent s’est lancé dans l’organisation de célébrations de la culture locale et, à l’aide de ses compétences en charpenterie et en menuiserie, dans la reconstruction (reconstitution) du patrimoine franco de la région. Dans le billet précédent, quelques exemples ont été retenus. Ici, je fournirai deux exemples supplémentaires, mais d’abord je tiens à signaler le sens de l’humour de cet homme remarquable qui a baptisé le chemin en terre battue extrêmement raboteux, qui mène à sa maison située profondément dans le bois, la « Traverse des lutins ».

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Kent, sur la galerie d’une autre de ces nombreuses maisons en rondins, a du plaisir à montrer aux passionnés comme lui, l’oeuvre qui devrait un jour être au centre de la mise en valeur de cette culture franco méconnue autant des Québécois, Français et Canadiens d’expression française que des Américains.

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Lors de son passage au Québec en 1978, Kent a beaucoup circulé sur la côte de Beaupré et le long du chemin Royal pour étudier la construction des fours à pain. Ceux-ci avaient existé autrefois à la Vieille Mine et à Sainte-Geneviève, mais avaient disparu depuis belle lurette. À son retour au Missouri, grâce à ses efforts, les fours à pain ont commencé à revoir le jour et sont aujourd’hui au centre des grands festivals locaux qui attirent de plus en plus de monde des environs : la Fête de l’automne en octobre et la Fête à Renaud en mai.

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Deux journées mémorables au Missouri et au Kansas

À l’heure actuelle, j’effectue un long voyage, assez rapide, depuis Québec jusqu’à St. George, en Utah. Je n’ai pas le temps de vous faire part, comme je voudrais, de ce que j’observe, de ce que je vis. Mais ce soir, c’est plus fort que moi. Je ferai mention brièvement de deux journées mémorables, quitte à y revenir en plus de détails, une fois rendu à destination.

Le 10 novembre 2012

À chaque consultation de ce blogue, le lecteur voit obligatoirement cette photo de Kent Beaulne, prise le 5 mars 2005. Elle orne la page couverture de notre livre, Franco-Amérique.

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Samedi, de passage à la Vieille Mine, nous avons eu l’occasion de revoir Kent au restaurant, chez lui et sur le terrain où il travaille toujours aussi fort à la reconstitution historique du patrimoine de son patelin.

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Au resto

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Chez lui

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Sur le terrain

Le 12 novembre 2012

Depuis 27 ans, je désire visiter les « colonies canadiennes-françaises » du Kansas. Aujourd’hui, c’est chose faite. Il y a 140 ans, les Franco en provenance de l’Illinois (Kankakee, Bourbonnais et Sainte-Anne), d’origine québécoise et acadienne, arrivèrent dans le comté Cloud. Ils ont laissé leur marque dans le paysage et dans les cimetières. Et comme à la Vieille-Mine, ils sont encore « icitte ». Je les ai vus et je leur ai parlé.

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Église Saint-Joseph

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Salon mortuaire Chaput

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Au cimetière

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Au café

Bientôt, je reviendrai sur ces rencontres heureuses. C’est promis !


À l’île Verte, un moment de repos m’a été offert

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Et j’en avais besoin! Arrivé par la Richardière à 13h45 et, au gré de la marée, devant déjà repartir par ce même bateau à 22h30, j’avais pédalé fort d’un bout à l’autre de cette île, située dans le Saint-Laurent à mi-chemin entre Rivière-du-Loup et Trois-Pistoles. Elle mesure 14 km de long et 1,5 km de large et compte une trentaine d’habitants permanents.

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Du quai au phare de l’île Verte, plus vieux feu de navigation sur le Saint-Laurent, érigé en 1809 pour guider les navires dans les dangereux hauts-fonds et courants de l’embouchure du Saguenay, il faut mettre une vingtaine de minutes en vélo sur un chemin sinueux et raboteux. Pendant 137 ans, de 1827 à 1964, le phare fut gardé par quatre générations de la famille Lindsay. En 1969, une balise automatique a remplacé le feu, mais la tour a conservé ses traits originaux.

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Le côté nord de l’île sur toute sa longueur est rocailleux. La géologie y est très particulière. En se promenant sur les « crans », on ne peut que s’interroger au sujet des rochers et des pierres. Pourquoi une aussi grande variété de pierres, passant du granit aux pierres volcaniques et aux pierres sédimentaires? Pourquoi des rochers sédimentaires sont-ils à la verticale plutôt qu’à l’horizontale? Pour obtenir l’heure juste, il me faudrait explorer les berges en compagnie de mon ancien collègue Jean-Claude Dionne, géomorphologue. Mais pour l’instant, contentons-nous des explications publiées sur le site internet du Regroupement pour la pérennité de l’île Verte :

La première question trouve plus facilement réponse. La grande variété de pierres y a été laissée lors de la fonte des glaciers, il y a 6 000 ans. La réponse à la deuxième question est plus complexe. Il faut savoir que l’Île Verte est le sommet d’un mont de la chaîne des Appalaches, ces monts anciens et érodés qui s’étendent d’est en ouest dans les parties sud du Québec et nord-est des États-Unis. Les Appalaches sont composées en partie de roches sédimentaires et volcaniques. Il faut aussi savoir qu’en face de l’île, sous le fleuve Saint-Laurent, se trouve la faille Logan, une faille qui longe le fleuve Saint-Laurent et qui marque le front de la chaîne des Appalaches. Enfin, le Bouclier canadien, formé de roches très dures, débute de l’autre côté de la faille. Du côté nord, donc, l’Île Verte est un des derniers remparts de la chaîne des Appalaches.

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Tout un contraste du côté sud de l’île, surtout dans son extrémité ouest, là où le défrichage de la forêt permit l’agriculture le long du seul chemin (de l’Île).

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Des maisons ancestrales et des granges modernes et vétustes en témoignent.

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Les artistes en font un festin.


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Et le clou de ma journée ! Une rencontre fortuite avec Chloé Sainte-Marie qui m’a entretenu de sa vie dans l’île avec Gilles Carle, de sa vie depuis sa disparition, de sa carrière et de sa joie de vivre. Merci, Chloé.

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