Goggle pas Google

Alors qu’au Québec, on cherche des solutions pour recycler des édifices faisant partie du patrimoine religieux, dans le nord-est des États-Unis, on explore des avenues pour mettre en valeur des immenses bâtiments, le plus souvent en briques rouges, laissés à l’abandon depuis des années (voir billet précédent sur Holyoke, Massachusetts). À Reading, en Pennsylvanie, ville industrielle comptant aujourd’hui 88 000 habitants (cinquième plus grande ville de l’État) et ayant déjà connu des jours meilleurs, une solution fut trouvée : Goggle Works, un Centre pour les Arts.

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C’est ici sur les rives de la rivière Schuykill, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Philadelphie, qu’en 1871 la compagnie appartenant à Thomas A. Willson ouvre une usine vouée à la fabrication de lentilles optiques. Cinq ans plus tard, Monsieur Willson obtint le brevet pour un processus d’endurcissement de verre, ce qui lui permit de fabriquer des bouteilles de bière pour une brasserie locale, Reading Premium, mais plus important encore, pour des lentilles à l’épreuve du fracassement. C’était l’étape qui fit de la compagnie le plus important fabricant de goggles aux États-Unis et fort probablement dans le monde. Ces lunettes protectrices seraient portées par une multitude d’hommes et de femmes travaillant à la chaine, dans les aciéries, dans les mines et les raffineries. Elles protégeraient les yeux des pilotes et des soldats en temps de guerre. Lorsque, autour des années 40, le port de lunettes fumées devenaient la mode, Willson en fabriquait de marque Arundel.

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Cent ans après son établissement, Goggle Works, appartenant toujours à la famille Willson, se trouvait en difficulté—de moins en moins rentable. Au début des années 80, la compagnie, ne faisant plus le poids contre les géants de l’industrie comme Bosch et Lomb, Foster-Grant et American Optical, dut fermer les portes de son usine. Quoi faire du colossal immeuble situé à cinq minutes de marche du Palais de justice, au cœur de la ville ? En 2003, on propose de la démolir pour faire place à un nouveau stationnement. Solution trop facile qui n’en est pas une ! En 2005, le Centre des arts. aménagé dans le vétuste édifice, ouvrit ses portes, acueillant des artistes de tout acabit : musiciens, écrivains,  peintres,  sculpteurs, céramistes,  ballerines en herbe, photographes, ébénistes et j’en passe.

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De plus, le Centre loge divers bureaux ethno culturels et la bibliothèque généalogique du comté de Berks.

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Certaines œuvres produites ici par des artistes qui louent des locaux pour en faire leurs ateliers sont exposées dans deux grandes galeries.

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D’autres sont à vendre dans la jolie boutique occupant ce qui était autrefois la glass cutting room.

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Dans une salle pouvant accueillir jusqu’à 130 cinéphiles, on passe chaque semaine des films indépendants. Hier, à l’affiche en version originale le film français, La chambre bleue.

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Google Works est une organisation à but non lucratif  appuyé par une cinquantaine de partenaires du secteur privé.  Sa vocation éducative qui lui permet d’obtenir des subventions de diverses provenances. Un coup d’œil sur l’offre de cours en 2014 révèle une véritable pléthore artistique : céramique, calligraphie, arts culinaires, danse, dessin, tissage, joaillerie, peinture, photographie, vitrail, ébénisterie…

Bref, un bel exemple de recyclage urbain et industriel qui devrait en inspirer plus d’un. À l’époque de GOOGLE,  le fait de porter le nom GOGGLE ne devrait pas nuire non plus.

 


Holyoke, Massachusetts le jour de la Toussaint

Holyoke, quel beau nom ! Quel triste spectacle de déchéance qui marque son centre et celui de la plupart des « milltowns » de la Nouvelle-Angleterre vers lesquelles des centaines de milliers de Canadiens français se sont autrefois expatriés dans le but d’améliorer leur sort !  À la longue, ils ont réussi. Aujourd’hui, ils ont échappé à l’emprise du « ghetto ethnique » s’établissant de l’autre côté de la rivière Connecticut dans les beaux secteurs de South Hadley. Cela ne n’est pas fait d’un coup sec. Au passage, ils ont quitté les bas fonds de South Holyoke, avec ses canaux, usines et institutions ethno religieuses pour monter la côte vers High Street, toponyme qui reflète à la fois une réalité topographique et socio-économique.

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Le quartier canadien de South Holyoke n’est plus. Aujourd’hui, il s’agit d’un quartier portoricain, mais certains vestiges du milieu bâti témoignent du passage des Canayens devenus Franco-Américains.

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Usines à papier abandonnées

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Terrain vague, occupé jusqu’à la fin des années 80 par l’église de la paroisse du Précieux Sang, en arrière plan la résidence des sœurs

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Façade de la résidence des sœurs, où la « soupe populaire » est servie, mais pas par les sœurs qui n’y sont évidemment plus.

L’école secondaire du Précieux Sang, elle aussi est partie remplacée par un terrain de jeu peu fréquenté par les enfants du quartier. C’est ici que notre guide, René Beauchemin, fit son cours secondaire au début des années 1960. L’enseignement se faisait encore dans les deux langues, les matières « molles » en français et les sciences et mathématiques en anglais. Les élèves parlaient anglais entre eux en dehors de l’école.

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Aujourd’hui, la clientèle qui fréquente les clubs sociaux de South Holyoke parle espagnol, mais les raisons sociales de langue française sont maintenues.

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La boulangerie appartenant au père de René Beauchemin se trouvait en face de l’église du Précieux Sang. Elle y est encore, Langelier’s Bakery, mais fermée. Quand notre guide avait 13 ans, son père a acheté de Monsieur Langelier son entreprise, gardant le nom. Cinq ans plus tard, en 1965. le père décède laissant la boulangerie à René qui en fera son gagne-pain pendant 39 ans avant de devoir abandonner en 2003. Chez les Franco-Américains de la région, sa recette pour la tourtière demeure légendaire !

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Aujourd’hui, dans une école de métiers, René enseigne les arts culinaires aux élèves portoricains. Lorsqu’ils parlent entre eux en espagnol en sa présence, René prend sa revanche en leur parlant en français. Ils n’ont aucune notion de ce qu’était South Holyoke avant l’arrivée de leur communauté et s’en fichent éperdument.

Cette tournée à Holyoke, nous la devons à Stephen Gazillo dont la petite histoire mérite d’être racontée ici.

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Sur le campus de Mount Holyoke College  : Billie Kase, René Beauchemin, Dean Louder, Joe Gazillo, Stephan, Joanie (son épouse)

*          *          *         *

En 1976, après avoir terminé son baccalauréat en géographie à l’Université Clark (Worcester, Massachusetts), Steve s’est inscrit à la maîtrise dans la même discipline à l’Université Laval. C’est comme cela que nous nous étions connus. Il avait d’ailleurs passé quelques semaines à se loger au sous-sol chez nous. L’une des raisons qui avait incité Steve à étudier au Québec, c’est qu’il s’agissait d’une sorte de retour aux sources, car sa mère était venue au monde à Thetford Mines. Lorsqu’elle n’avait que huit ans, sa famille a quitté le Québec à la faveur de Biddeford, dans le Maine. Plus tard, un autre déplacement vers le centre du Massachusetts, à Holyoke, où elle a rencontré Monsieur Gazillo, bel homme d’origine italienne. Cinq enfants sont nés de leur union dont les deux derniers figurent dans la photo ci-haut.

Une fois son diplôme obtenu, Steve est rentré aux États-Unis et nous n’avons eu que des contacts sporadiques. Je savais que Steve travaillait à New York dans le domaine de l’aménagement des systèmes de transport. Ce que je ne savais pas, c’est qu’il travaillait au 91e étage du World Trade Center. Le matin du 11 septembre 2001, avant d’entrer au bureau, il s’était arrêté chez Krispy Kreem acheter des beignes en vue d’une réunion plus tard en matinée. Cela lui a fort probablement sauvé la vie. Ce jour-là, treize personnes de son entourage immédiat furent victimes des terroristes.

Aujourd’hui, chez lui à Longmeadow, banlieue cossue au sud de Springfield, Steve peut en parler de manière posée, ce qui ne fut pas toujours le cas. Il m’a emmené dans son bureau me montrer une œuvre d’art, intitulé « Moving toward Manhattan », réalisée bien avant l’attaque sur le WTC par un artiste peu connu du nom de Green. Un jour, longtemps après l’attaque, assis dans une réunion, Steve fut estomaqué de voir, accroché au mur de la salle de conférences, un tableau montrant la silhouette de Manhattan et 13 marcheurs déambulant vers les Twin Tours.

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Bouleversé, Steve fit les recherches nécessaires pour en obtenir une lithographie qui lui rappelle quotidiennement la folie des hommes et la force de l’amitié !

 


Kirby parmi les immortels

Si, au Québec, on s’enorgueillit de la sélection de l’un des nôtres comme membre de l’Académie française, Dany Laferrière en l’occurrence, imaginons la fierté  des Cadiens de Louisiane—et non Cajuns, mot anglais—de voir un des leurs recevoir le prix Henri de Régnier (soutien à la création littéraire), attribué par l’Académie en reconnaissance de son recueil Petites Communions : Poèmes, chansons et jonglements dont je vous sers ici un petit échantillon.

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dépêcher pour espérer

espère ‘oir

j’arrive, j’arrive

 

j’ai passé devant ta porte

j’ai crié « bye bye ma belle »

Il y a personne qui m’a répondu…

 

ça se fait je réponds à moi-même

 

j’aimerais oublier que j’sus obligé

de me garocher contre l’entourage de grands cailloux qui bloque le

chemin qui lève le pont entre moi et tout ce qu’il faut faire, faut bâtir,

faut créer, faut accomplir,  faut achever, faut amener, faut ramener, faut

assembler, faut arranger, faut nettoyer, faut soigner, faut pratiquer, faut

étudier, faut lire, faut écrire, faut apprendre, faut comprendre, faut

 enseigner, faut instruire, faut compléter, faut finir, faut être capable et

 responsable et même aimable, obéissant, des fois défiant, mais non pas

négligeant.

 

Oh yé-yaille mon cœur me fait mal

 

Et pour compléter, cet extrait  de « La patate j’ai pas pu lâcher » :

C’est la patate j’ai pas pu lâcher,

Et même si ça m’a fâché,

Et quand devant sa porte, j’ai passé,

Et j’ai vu les deux s’embrasser

 

Ce qui fait la force de Petites Communions, à mon sens, est le dernier chapitre, « La messe en solitude », organisé en 26 points de la Célébration : introït, salutation, kyrie, gloria, collecte, première lecture, graduel, seconde lecture, acclamation, proclamation, réclamation, homélie, credo, prière universelle, pénitentielle, charité fraternelle, offertoire, sanctus, institution-élévation-consécration, anamnèse, intercession et doxologie, Notre Père, fraction—Agnus Dei, communion, postcommunion-bénédiction-commission, envoi. Fiouf!

Depuis 30 ans, les enfants du sud de la Louisiane profitent de la présence de Kirby Jambon dans une salle de cours. Depuis 20 ans, ce natif de la paroisse Lafourche, au sud de la Nouvelle-Orléans, enseigne en immersion française à l’École Prairie, située à Lafayette. Cet été nos chemins se sont croisés deux fois. D’abord le 4 juillet à San Francisco, au Congrès du Conseil international d’études francophones où Kirby a fait un tabac, récitant ses vers devant des spécialistes de la grande littérature de la Francophonie .

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CIEF, San Francisco, Kirby à gauche

Ensuite, au Congrès mondial acadien. Un dimanche soir à Edmundston , Kirby et ses complices, Brenda Mounier, Zachary Richard et Barry Ancelet, aka Jean Arcenaux,  inspirèrent l’assistance tassée dans la salle de spectacle de la Vieille église par la richesse de l’œuvre littéraire de la Louisiane française contemporaine. Puis, à Grand Sault, comme animateur à la Journée de la Louisiane, il prêtait concours à de nombreuses séances d’information consacrées à sa région, à ses cultures et à ses langues.

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Kirby, Zachary, Brenda, Barry

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Nathan Rabalais et Kirby

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Clint Bruce, Barry Ancelet et Kirby

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Ancelet, Brenda Mounier, Earlene Broussard Rabalais, Kirby et Zachary Richard

En juillet 2008, j’écrivais ici sur un grand Cadien disparu

(https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2008/07/28/la-louisiane-francaise-perd-une-partie-de-son-ame-je-perds-un-tres-grand-ami/).

Je pensais qu’il n’y en aurait jamais un autre comme lui. Je me suis trompé! Cet été, j’ai découvert un Kirby Jambon qui chausse admirablement bien les bottines de Richard Guidry… mais à sa manière!

Je souhaite que lors de son passage à Paris chercher ses 5 000€ que l’Académie lui accorde la tribune nécessaire pour épater tout à la fois les immortels, le grand public et le petit public! Il en est capable!


« Québec est comme une femme, désirée, mais pas possédée »

Ces paroles ne sont pas de moi! Elles aurait pu être de mon collègue et ami, Luc Bureau, qui a écrit plusieurs essais aux titres tout aussi évocateurs les uns que les autres : Le Rat des villes, Terra Erotica, Il faut me prendre aux maux, L’idiosphère, Pays et mensonges… , mais elles ne le sont pas non plus. Elles sont de Roger Lemelin, qui décrit sa ville natale. Je les ai apprises hier en réalisant ma troisième promenade littéraire de l’année, celle qui a conduit une vingtaine d’hommes et de femmes du Parc des Braves jusqu’ à la résidence des Franciscains, en descendant la Pente douce, en traversant une partie du quartier Saint-Sauveur et en remontant l’escalier des Franciscains. Autrement dit, nous avons arpenté l’ancienne paroisse Saint-Joseph, rendue célèbre par Lemelin dans ces trois romans Au pied de la pente douce, Les Plouffe et Le Crime d’Ovide Plouffe, le premier publié en 1944 et situé en1937, le deuxième en 1951 et 1948 et le dernier en 1982 et 1951.

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Départ du Parc des Braves, aux années 30 et 40, oasis des ouvriers de la Basse-Ville

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Au sommet de la Pente douce

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Le calvaire situé au pied de la Pente douce, érigé en année sainte 1950

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L’énorme presbytère de l’Église Saint-Joseph

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Le trou béant créé par la démolition il y a deux ans de l’église Saint-Joseph, laissée en décrépitude depuis des années, coin Franklin et Montmagny

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L’ancienne Caisse populaire en face de l’église

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La maison blanche « boîte à beurre » de la famille Lemelin

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L’escalier des Franciscains

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Vue sur la Basse-Ville à partir de l’escalier des Franciscains

Lorsque Au pied de la pente douce paraît en 1944, il fait fureur, vendant dans le temps de le lire 40 000 exemplaires. Du jamais vu! Il fut rapidement mis à l’index, ce qui a sûrement eu pour effet d’en accélérer la lecture! À l’âge de 24 ans, Roger Lemelin devient une figure littéraire de proue. Peut-être ce succès le doit-il à la maladie qui l’a  cloué à un fauteuil roulant pendant cinq ans, des années où, s’il avait été en santé, il aurait fort probablement entamé sa vie d’ouvrier comme les autres membres de la famille et les jeunes de son âge et de son entourage. De 16 à 21 ans donc, il eut l’occasion d’étudier, de scruter et d’analyser son milieu, et de rencontrer—parfois au Parc  des Braves—certains résidents de la Haute-Villé dont l’intellectuel Jean-Charles Bonenfant qui lui servit en quelque sorte de mentor.

En plus d’être un littéraire très doué, Lemelin possédait le sens des affaires et un réseau de contacts très élaborés qui lui ont permis, à la suite de la publication de son deuxième roman, de gravir les échelons de la société, de s’établir à la campagne (Cap-Rouge) et, plus tard, Montréal où il devint PDG du journal La Presse, frayant avec, entre autres, Paul Démarais et les Trois Colombes (Trudeau, Pelletier et Marchand). Lemelin réussit également à gravir la falaise, se portant, bien avant que le gouvernement du Québec ne le fasse, acquéreur de la maison située au 1080, Avenue des Braves, celle que l’on appellerait « L’Élysette », très brièvement résidence officielle, à la fin des années quatre-ving-dix, du Premier Ministre du Québec, Jacques Parizeau en l’occurrence.

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Compte tenu de son vécu, de son ascension fulgurante et de la place qu’il a atteinte dans le tissu social, culturel et politique du Québec avant de mourir en 1992, Il aurait été salutaire que Roger Lemelin  écrive au moins un quatrième roman faisant entrer la famille Plouffe, modelée sur la sienne, dans les tourments, trépidations et transformations de la Révolution tranquille.

Si Québec est comme une femme, Roger Lemelin, l’a rendue séduisante, moins par sa beauté que par sa personnalité attachante. Sylvain Lelièvre chantait « Quand on est d’la basse ville, on n’est pas d’la haute ville ». Roger Lemelin fit preuve du contraire!

* * *

À chaque promenade littéraire à Québec, je retrouve, sans avertissement et avec émoi, de mes anciens étudiants de l’Université Laval. Cette fois-ci, il s’agissait de Stève Dionne et Lucie Rochette.  Rencontrés au cours de leur formation en géographie à l’Université Laval il y a une vingtaine d’années, Ils se sont établis par la suite à Saint-Roch-des-Aulnaies, d’où ils étaient venus en cette belle matinée automnale rendre hommage à l’auteur dont l’œuvre fit découvrir à Stève la société urbaine québécoise de la génération avant lui. Heureux de renouer, Stève, Lucie et moi sommes fiers de partager ce moment avec Roger-Lemelin à sa Place (coin L’Aqueduc et Saint-Gemain).

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Vieux-Carré et Vieux-Québec, 35 ans plus tard

En 1979, j’ai publié dans les Cahiers de géographie du Québec un article intitulé « Vieux Carré et Vieux Québec : Vestiges urbains de l’Amérique française » dans lequel je comparais ces deux quartiers historiques déplorant le virage touristique qu’avait pris le premier et louangeant légèrement le maintien de l’authenticité historique et culturelle du deuxième.

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Vieux-Carré vu de l’International Trade Mart, circa 1978

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Vue aérienne du Vieux-Québec et ses environs, circa 1977

Je ne reprendrai pas ici le texte au complet. Contentons-nous de l’introduction et de la conclusion.

Introduction :

Pour un Québécois, se trouver à 3 000 km de chez lui sur des rues portant les noms de Chartes, Bourbon, Esplanade, des Ursulines et des Remparts est une expérience émouvante. Son ravissement risque cependant de devenir désarroi lorqu’il entendra les gens dans la rue « vociférer », avec un fort accent américin, ces doux noms français : Char-ters, Bur-bun, Esplan-aid, Ram-parts et St. Peter ! L’orgueil de ce Québécois, tout comme son oreille d’ailleurs, sera piqué à vif.Il se trouve à la Nouvelle-Orléans, dans le Vieux-Carré, la vieille ville française située au-dessous du niveau d’un Mississippi qu’il ne peut apercevoir, caché qu’il est par des levées alluviales et artificielles. Il vient de Québec, peut-être du Vieux-Québec, le berceau de la civlisation française en Amérique,une cité vieille de 370 ans, construite à trois niveaux autour et sur un promontoire rocheux qui s’élève à 125 mètres au-dessus du Saint-Laurent. Dans ces deux vieilles cités (Vieux-Carré et Vieux-Québec) qui ne forment plus aujourd’hui que de petits quartiers submergés dans des grandes agglomérations, se trouve une substance physique et spirituelle qui leur accorde un charme et unesplendeur rappelant les grands explorateurs français d’autes fois et l’existence d’une Amérique française s’étendant, en amont, sur les rives du Saint-Laurent, depuis le golfe jusqu’à Montréal, puis à travers la vallée de l’Outaouais jusqu’aux Grands Lacs, et de là, au Golfe du Mexique en passant par la vallée du Mississippi.

Depuis quelques années la singularité de ces villes intra-muros est devenue un objet vendable, nécessitant de fait l’intervention publique afin de freiner les projets parfois trop ambitieux des promoteurs. On peut discuter longuement sur l’efficacité de ce freinage. On se demande d’ailleurs aujourd’hui jusqu’à quel point le Vieux-Carré et le Vieux-Québec sont des vestiges urbains authentiques de l’Amérique française ?

Conclusion :

Certes, le Vieux-Québec et le Vieux-Carré sont des endroits sans pareils. Constituent-ils des vestiges urbains de l’Amérique française ? En dépit de toute la rhétorique d’un « Disneyland nordique », on peut répondre dans l’affirmative pour le Vieux-Québec. Pour l’instant il est le symbole d’un passé, d’un présent et d’une culture vivante. Bien sûr, il existe des cancers au sein du Vieux-Québec, dont Place Royale, un artefact rappelant le passé mais ne le symbolisant guère et encore moins le présent. Ce diagnostic est encore plus précis pour le Vieux-Carré ! Ce qui se passe à Place Royale et un peu partout dans les rues et ruelles les plus fréquentées du Vieux-Carré constitue l’appropriation de la culture pour des fins commerciales. L’utilisation des formes culturelles vidées de tout rapport organique avec leur contenu est non seulement absurde, mais elle entraine l’aliénation. Aux yeux de plusieurs, le French Quarter est aussi français que Ronald McDonald !

Trente-cinq ans plus tard, force est de constater qu’à Québec, la vieille ville n’est plus l’ombre d’elle-même. Elle a pris la voie du Vieux-Carré. Sa population résidente continue à diminuer, chassée par l’envahissement constant de touristes à la recherche de sensations fortes, de la bonne bouffe et de l’éternel t-shirt. Essayez d’y trouver une école publique ou une épicerie ! Aux yeux de certains, le Vieux-Québec, est aussi québécois que Red Bull.