Serge Bouchard, encore lui !

Je viens de vérifier. Ce billet marque la neuvième fois que je mentionne le nom de Serge Bouchard dans une mes chroniques. J’ose croire que nous avons des atomes crochus. Le 4 mars 2012, au moment de la parution de son bouquin C’était au temps des mammouths laineux, dans un texte intitulé « Ode à l’amitié… » (https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/03/04/ode-a-lamitie-cetait-au-temps-des-mammouths-laineux-de-serge-bouc/), j’avais écris :

On pense bien connaître l’homme à la voix de soie, celui qui, sur les ondes de Radio Canada, nous entraîne régulièrement dans les sillons dissimulés de la Franco-Amérique, sur les traces des remarquables oubliés de notre histoire et vers plein d’autres sujets et phénomènes tout aussi beaux et bons les uns que les autres. On le redécouvre et l’apprécie encore davantage à la suite d’une lecture attentive de la plus récente publication de cet anthropologue-poète-philosophe-toponymiste-géographe—et avant tout humaniste—dont la plume est aussi douce que la voix.

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Or, Mammouth laineux, n’est plus sa plus récente publication. Elle est remplacée par Les yeux tristes de mon camion, paru ces jours-ci chez Boréal. Serge a trouvé une formule gagnante, le petit livre, presque format de poche, composé de récits de longueur raisonnable, rarement plus de dix pages, à prime abord anecdotique, mais incitant à la relecture dont découle inévitablement une réflexion profonde. Cette fois-ci je m’intéressais plus particulièrement aux histoires de camions : des White, des Mack, des Kenilworth, des Peterbilt et j’en passe. Serge s’y connaît en camion car il en a vu passer dans sa vie et il en a conduit pas mal aussi. Mon père était camionneur et je me souviendrai toujours des jours et des nuits passés avec lui sur la route. Jeune, j’ai appris à tester le gonflement des pneus, à chaque arrêt, à l’aide d’un coup de masse ou de barre, et à faire mes petits besoins en pissant sur l’une des gigantesques roues de son « rig ».

Grâce à ses émissions nocturnes, comme les Remarquables oubliés, Bouchard à réussi à créer des liens avec des « truckers » québécois sillonnant jour et nuit les « freeways » des États-Unis. En parlant de la Franco-Amérique, des lieux comme Fond du Lac, Des Moines, Belle Fourche, Pierre, Laramie, Provo, Boisé, Coeur d’Alène, Saint-Paul, Saint-Louis, et des nombreuses Frenchville ou Frenchtown figurant leurs cartes routières, il les éduque et ces camionneurs, une fois de retour au Québec, viennent à sa rencontre, lors d’une de ses innombrables conférences ou causeries afin de le remercier.

Aussi, Serge fait une part importante dans Les yeux tristes au baseball, un autre domaine où mes intérêts rejoignent les siens. Comme elle manque à Serge, la voix de Jacques Doucet des défunts Expos de Montréal me manque tout autant. En camion ou en voiture seul, surtout un soir ou une nuit d’été, y a-t-il quelque chose de plus paisible, plus agréable, plus rassurant qu’une partie de baseball ? Un match à San Diego, dans la lointaine Californie alors que tu roules sur la 138 ver Sept Îles, la voix de Doucet et le cri subit de Rodger Brulotte : « Et elle est partie…circuit pour Warren Cromartie ! » Écouter aujourd’hui ces deux voix en studio à Montréal, en train de nous retransmettre à RDS les parties des Geais bleus de Toronto, ce n’est plus pareil. C’est de l’imitation ! Selon Serge—j’en suis bien d’accord—nous devons célébrer les Expos dont la trop brève existence a alimenté et enrichi la langue québécoise : circuit, chandelle, flèche, roulant, voltigeur… Des mots français qui ont pris de toutes nouvelles significations au Québec !

Contrairement à bien du monde, Serge Bouchard aime le stade Olympique. Il avoue peut-être faire partie d’une « confrérie des morons », mais il en est néanmoins fier. Lui-même, ancien joueur de football, il en est aujourd’hui grand amateur, surtout de la NFL, et s’ennuie aux rencontres familiales dans le temps des fêtes lorsque les éliminatoires battent leur plein dans les grandes villes états-uniennes et les beaux-frères et belles-sœurs ne s’allument pas et éteignent la télé ou changent de postes. Fâchant en maudit !

Bien que la virilité soit importante chez les camionneurs et les sportifs, Serge Bouchard fait place aussi à la féminité et à la tendresse. Sa rencontre avec la dame en Cadillac en Californie et sa conversation avec le chauffeur à bord du traversier à Tadoussac sur la triste fin d’un petit oiseau jaune ayant eu le malheur de ne pas voler assez vite et assez haut pour éviter la collision avec son bolide colossal sont des histoires touchantes.

Lire Serge Bouchard est, pour moi, un pur délice. Si aujourd’hui, c’est la neuvième fois que j’en parle, il y aura sûrement une dixième…et après.

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