La côte Gilmour et sa dérivation, le sentier des Plaines d’Abraham

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La côte Gilmour, autrefois Marchmont Hill, est une montée—très à pic—de la ville de Québec. Elle permet d’accéder aux Plaines d’Abraham à partir de l’Anse au Foulon. Son tracé remonte au Régime français. Lors de la bataille des Plaines en septembre 1759, c’est à cet endroit approximativement que les troupes britanniques sont parvenus à escalader le promontoire de Québec et à gagner la ville. La côte porte aujourd’hui le nom d’un marchand de bois, John Gilmour dont la famille possédait des quais pour le commerce du bois à l’Anse au Foulon et habitait un domaine situé en haut du tracé.

Pour le cycliste ordinaire que je suis, la côte Gilmour offre un défi de taille. Plus jeune, disons dans la quarantaine, je pouvais la monter aux trois quarts avant que les poumons me lâchent et les jambes me brûlent. Dans la cinquantaine, je réussissais à l’atteindre la moitié. Dans la soixantaine ? Ouf, peut-être le tiers ! L’an dernier, à l’âge de 72 ans, je n’arrivais qu’au quart du chemin. Pourtant, je suis en excellente forme physique !! C’est pour vous dire que je me suis réjoui cette année de l’ouverture du sentier des Plaines d’Abraham qui est, à vrai dire, une « dérivation » du tracé habituel. Ce nouveau lien, parallèle à l’autre, permet de raccorder les Plaines à la promenade Samuel-de-Champlain. Il s’agit d’une voie de circulation où les piétons et les cyclistes peuvent cohabiter paisiblement…à condition bien sûr que les cyclistes respectent la limite de vitesse qui est de 10 km/h. Ce sera facile pour le cycliste qui monte, mais très difficile pour celui en descente qui sera tenté à se laisser aller en casse-cou.

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La Commission des Champs de bataille nationaux nous rappellent que le nouveau tracé, long de plus d’un kilomètre en milieu naturel et libre d’infrastructures routières, mise sur la beauté et l’histoire des lieux. Les vues sur le fleuve sont imprenables et les six aires de repos et leurs panneaux interprétatifs rendent possible une meilleure compréhension des événements du 13 septembre 1759 qui ont scellé le destin d’un continent et des peuples. Par endroits sinueux, avec une pente moins prononcée que celle de la côte Gilmour, le sentier se prête à la détente, à la réflexion et au plaisir!

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Mais ce que j’aime le plus, c’est qu’aujourd’hui, grâce à la nouvelle dérivation qui est le sentier des Plaines d’Abraham, je peux monter la côte sans descendre de mon vélo. Je me sens si jeune !


Cris de coeur

Je regarde la date de mon dernier billet : le 17 mai dernier ! La paresse s’accapare-t-elle de moi ? Peut-être bien. Un article paru ce matin dans Le Soleil, quotidien publié à Québec, sous la plume de Pierre Vagneux, celui même dont je parlais le mois dernier, me ramène à l’ordre. Je vous invite, surtout mes lecteurs qui  habitent Québec, à le lire :

http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201606/11/01-4990902-une-victoire-a-la-pyrrhus-pour-la-ville-de-quebec.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B13b_points-de-vue_794_section_POS2

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Puisque j’étais propriétaire pendant 22 ans d’une maison située sur l’historique Chemin Gomin à Sillery, je partage l’inquiétude exprimée par Monsieur Vagneux et la Coalition pour l’arrondissement historique de Sillery. Comment protéger ce site patrimonial d’une valeur inestimable ? Portons attention à ce cri de cœur d’un homme engagé pour la préservation du bien commun et la culture et non pour le profit et le confort de quelques uns. Ne soyons pas comme certains édiles municipaux qui écoutent sans entendre, leur idée étant déjà faite.

 

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En parlant de cri de cœur, j’en ai poussé un aujourd’hui sur FaceBook dirigé vers les membres du groupe FB :French Canadian Descendants, composé largement, paraît-il, de rejetons de l’exode québécois, essaimés à travers les États-Unis. Pour eux, le Québec est la mère patrie. Ceux qui sont revenus en raffolent et ceux qui ne sont pas encore venus en rêvent. Voici quelques commentaires tirés au hasard :

We finally made it to Quebec City. We splurged and stayed 4 nights at the Frontenac. I can’t say enough about the city. It is truly special, the food was amazing, the people friendly and helpful. The wonderful old architecture and green parks and gardens, fountains and monuments are all beautiful to behold. A trip to remember, and make you even prouder of your heritage.

Loved the Chateau Frontenac.

I stayed there many years ago. Yes the rooms are small compared to modern ones, but quite lovely. The rooftop is beautiful!

I remember thinking the chicken salad tasted strange, but it might have had tarragon or something I wasn’t used to.

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Would have loved to stayed there, but parents had heard the rooms were small and expensive. I thought it looked magical.

I love Montréal especially the old Montréal, BUT nothing beats Québec City ….so much history and every time I go I have to go to The Restaurant aux Anciens Canadiens….and then just down from them Chateau is the Crêpes Restaurant.

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En réponse à ce que je lisais, j’ai exclamé (en anglais bien sûr) :

Mais est-ce qu’il y en a qui quittent la vieille ville pendant leur séjour ? Là, je ne parle pas d’aller à Place Laurier ou à Place Sainte-Foy, les deux méga mails situés dans la lointaine banlieue. Québec est bien plus que le Vieux-Québec, le restaurant Aux Anciens Canadiens et le Château Frontenac. Limoilou ? Le Trait-carré à Charlesbourg ? Beauport, la Côte de Beaupré et le Chemin royal ? Vieux-Lévis, Lauzon ? Lorsque je me suis installé à Québec en 1971, le Vieux-Québec constituait encore un quartier viable. Au moins 12 000 personnes l’habitaient. Aujourd’hui, à peine 2 500. On pouvait y visiter le barbier, acheter son épicerie pour la semaine et promener le bébé en carrosse sans se faire bousculer par une horde de touristes ! Ces petites activités si simples du quotidien y sont aujourd’hui impossibles…

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2014/10/09/vieux-carre-et-vieux-quebec-35-ans-plus-tard/

Deux cris de cœur, l’un pour la préservation des nombreux sites patrimoniaux à Sillery et l’autre pour une déconcentration de l’offre  touristique pour les visiteurs de descendance canadienne française.

 


Pierre Vagneux, l’AARQ et les Acadiens

IMG_3668Le dimanche 15 mai au Centre culturel Noël Brûlart de Sillery, les membres de l’Association des Acadiens de la région de Québec (AARQ) se réunissaient pour écouter un conférencier de marque, Pierre Vagneux, leur parler du Traité de Paris de 1763 et sa signification pour les Acadiens et pour la Louisiane.

Qui est Pierre Vagneux ? Un Québécois d’origine française habitant aujourd’hui Tewkesbury, à la suite d’un passage remarqué en Acadie à titre d’ingénieur à l’Université de Moncton au cours duquel il a eu l’occasion de se lier par alliance avec la famille Chiasson de l’île Lameque. Aussi, un homme engagé, ayant récemment présidé la Coalition pour l’arrondissement historique de Sillery et siégeant à présent comme administrateur à l’Association des citoyens et citoyennes de Tewkesbury.

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Aidé d’une belle-mère remarquable, c’est en 1993 que Vagneux amorce sa recherche sur les ancêtres de ses enfants. Petit à petit, cela prend de l’ampleur. Au Congrès mondial acadien de 2009, tenu à Caraquet, il est invité à prononcer une conférence sur les Chiasson d’Amérique. Ceux-ci réagissent avec enthousiasme en grand nombre à son propos de sorte que sa « banque de données » s’amplifie au point où, en 2012, il est en mesure d’aller beaucoup plus loin et plus en profondeur. L’année suivante, lors d’un séjour en Floride, il bifurque vers la Louisiane où il prononcera trois autres conférences devant 80 descendants de Chiasson. La même année, à Sillery, il assistera à une conférence prononcée par Sophie Imbeault, des Éditions du Septentrion, devant les membres de la Société d’histoire de Sillery, sur son livre, 1763. Le traité de Paris bouleverse l’Amérique, ce qui l’incitera à mettre ses données sur la famille Chiasson et d’autres en rapport avec ces bouleversements historiques qui mirent fin à une véritable Guerre mondiale.

1763Compte tenu de mes nombreuses lectures sur l’histoire de l’Acadie et des Acadiens et de plusieurs visites en Acadie et en Louisiane, j’étais certain de ne pas apprendre grand-chose de ce conférencier qui m’était inconnu. Or, plus je vieillis et plus les années passent, plus je me rends compte que ce ne sont pas nécessairement des chercheurs chevronnés de réputation nationale ou internationale qui fassent des interprétations innovatrices ou nous apprennent de nouvelles choses. Non, souvent, ce sont des chercheurs « hobbyistes », travaillant à temps perdu, de manière passionnée et intéressée qui déterrent des trésors insoupçonnés qui assouvissent notre soif de connaître.

IMG_3679Alors, qu’est-ce que j’ai appris au juste de la bouche Pierre Vagneux que je ne savais pas auparavant ? Au moins huit choses.

  1. L’arrivée de Cornwallis à la suite de la fondation d’Halifax en 1749 constituait un élément clé de la violence qui s’en suivrait. Celui-ci participait au troc des « scalpes », fixant une prime sur chaque bout de chevelure prélevé d’un Amérindien tué… ou d’Acadien, pas de différence !
  2. Le terme « choc des victoires », faisant référence aux résultats des batailles de Louisbourg, Québec et Montréal.
  3.  La stratégie de la Déportation était bien élaborée d’avance. Bien calculée, basée sur d’excellentes données recueillies sur le terrain, elle procédait par sélection préalable. Les Acadiens, les plus « difficiles », « militants » ou « menaçants » comme ceux de Chignectou, furent déportés aux destinations les plus lointaines: les Carolines et la Georgie. Les plus paisibles et probablement plus âgés « jouissaient » d’un exil plus proche, au Massachusetts, par exemple.
  4. Avant d’atteindre leur ultime destination en Angleterre, à Bristol, Falmouth et Southampton, certains déportés passaient obligatoirement par la Virginie y subissant des injures, insultes et barbaries.
  5. Lors de la deuxième Déportation de 1758, il y a eu 56% de perte. Autrement dit, plus que la moitie de cette population résiduelle de la première Déportation a disparu.
  6. Beausoleil Broussard et ses compagnons de voyage, relâchés de la prison d’ile George, ne visaient pas le pays des bayous, mais plutôt les Pays des Illinois. En arrivant à la Nouvelle-Orléans, ils avaient pour but de monter le Mississippi prendre possession des terres fertiles de l’intérieur, mais l’accueil en Louisiane fut tel qu’ils ont changé d’idée.
  7. La répartition des Acadiens en 1800 : Louisiane (5 400), Maritimes (7 700), Québec (4 500)
  8. L’importance d’Haïti non seulement comme point de ravitaillement pour les Acadiens, comme Beausoleil, se dirigeant vers l’embouchure du Mississippi, mais aussi, 20 ans plus tard, comme point d’embarcation de la flotte française destinée à se joindre aux forces américaines, lors de la bataille victorieuse contre les Anglais à  Yorktown.

Ce que je savais, mais que la plupart des gens ne savent pas et que Pierre Vagneux nous a rappelés, c’est qu’il n’y a jamais eu de déportation d’Acadie vers la Louisiane. Le peuplement acadien de Louisiane s’est fait en trois vagues, toujours avec des étapes intermédiaires. Commençant en 1763, les prisonniers libérés à l’Île George, au large d’Halifax, dont Beausoleil Broussard et compagnie, sont transportés à Saint-Domingue. Ensuite, une deuxième vague en provenance de Pennsylvanie et du Maryland consistant largement  d’Acadiens de la région de Grand Pré. Enfin, le plus gros contingent d’Acadiens arrivera en Louisiane de France en 1785 dans sept navires nolisés par le gouvernement d’Espagne. Bon débarras pour la France et belles acquisitions pour l’Espagne désirant  coloniser ce territoire maudit hérité à la suite des ententes découlant du Traité de Paris!

Dimanche, je devais me faire accompagner à la causerie/conférence par Sophie Imbeault qui m’avait dit ne pas connaître Pierre Vagneux. Elle a dû se désister. Dommage ! Elle aurait appris de la bouche de Pierre Vagneux que s’il prononcait sa conférence devant les membres de l’AARQ, c’est parce qu’il avait été présent à la conférence prononcée par Sophie trois ans auparavant devant les membres de la Société d’histoire de Sillery. Inspiré, il a pu passer outre la famille Chiasson et élargir son champ de recherche. Comme de quoi, le monde des chercheurs en francophonie nord-américaine est petit!


Jean Barman nous rappelle…French Canadians and Indigenous Women

Si vous avez aimé l’émission « Les remarquables oubliés », animée sur les ondes de Radio-Canada (Je ne m’habitue pas à l’« Ici », mais, de toute façon, à l’époque où cette émission exceptionnelle occupait les ondes, l’« Ici » n’était pas encore là !) par Serge Bouchard ou si vous vous êtes régalés à la lecture de Elles ont fait l’Amérique : de remarquables oubliées et Ils ont couru l’Amérique : de remarquables oubliés réalisés en collaboration avec Marie-Christine Lévesque et si vous lisez couramment l’anglais, vous allez adorer French Canadians, Furs and Indigenous Women in the Making of the Pacific Northwest de l’historienne britanno-colombienne, Jean Barman.

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Si je vous ai parlé hier (billet précédent) de mes années passées à Seattle, c’est pour mieux montrer mon ignorance de cette région à l’époque où j’y vivais. Il a fallu que je traverse un continent, que je m’installe au Québec, que je découvre la Franco-Amérique et que je la parcoure moi-même pour savoir jusqu’à quel point les voyageurs, coureurs de bois et missionnaires de la Vallée du Saint-Laurent avaient fixé les jalons et jeté les bases pour l’établissement d’une société dans le Pacific Northwest—bien avant l’arrivée des Anglo-Américains. En 1969, venant de rédiger une thèse de maîtrise à l’Université de Washington intitulée Non-Urban Stagnation in a Regional Setting, je croyais connaître passablement la région. Hélas, non ! Ce n’est qu’en 2004, lors d’un passage comme conférencier à mon alma mater, que j’ai rencontré Robert Foxcurran, historien amateur passionné et francophile, qui se souciait depuis toujours de l’absence des Canadiens et Métis dans les livres d’histoire de sa région. Il m’explique de long en large le rôle fondamental qu’avaient joué ces précurseurs dans la formation du territoire qui deviendrait par la suite les États d’Orégon, de Washington, d’Idaho et du Montana, ainsi que la province de Colombie-Britannique….et tout cela, je répète, bien avant le traçage de la célèbre Oregon Trail qui amorcerait un véritable torrent composé d’Anglo-Américains vers la région.

Enfin, ce n’est qu’en 2014 que paraîtra sous la plume de Jean Barman un livre qui constitue une véritable réécriture de l’histoire du Pacific Northwest, cette fois-ci du point de vue des Canadiens français, engagés à fond dans la traite des fourrures, et de leurs épouses aborigènes qui les ont, en quelque sorte, ancrés à ce territoire si loin de leur Québec natal. Pendant plus d’un demi-siècle, au début du XVIIIe, les Canadiens constituaient le groupe immigrant le plus important. En plus d’exploiter la faune, ils fondaient des villages, construisaient les routes, assuraient la traversée des cours d’eau, développaient des pratiques agricoles et participaient à la vie politique. Sans la présence de cette population franco-métisse, il est fort à parier qu’en 1846, quand la région fut divisée à des fins politiques entre la Grande Bretagne et les États-Unis, la Colombie-Britannique aurait été perdue au futur Canada.

C’est tout cela que Barman raconte dans son ouvrage … et plus ! Ce que j’ai trouvé de particulièrement fascinante et utile est l’annexe à la fin. En 30 pages, l’auteure dresse la liste de Canadiens français arrivés dans le Pacific Northwest qui figurent dans son récit. Cela en fait environ 250 personnes, toujours avec une courte description. Je vous en donne cinq exemples tirés au hasard :

Étienne Lucier : Né à Montréal en 1796, ce Montréalais a voyagé de 1810 à 1812 par voie terrestre jusqu’à Astoria. À la déconfiture d’Astoria, il s’établit dans la vallée de la Willamette, à proximité de Joseph Gervais, Louis Labonté et plusieurs autres [Canadiens]. Actif politiquement, en 1844, il est fort probablement le seul Canadien français dont la venue dépendait du commerce des fourrures à avoir voté en faveur d’un gouvernement provisionnel. Peu de temps après la mort de sa femme aborigène, Josephte Nouite, avec qui il avait vécu depuis 1813, il prend comme épouse une femme Chinook du nom de Marie Marguerite. Une de ses filles s’est marié avec André Lachapelle.

André Lachapelle : arrivé en Orégon en 1817, âgé de 15 ans, de l’Assomption. Pendant deux décennies, il travaille à Fort Vancouver comme forgeron.  En s’installant dans la vallée de la Willamette, vers 1841, il se marie avec la fille d’Étienne Lucier.

Joseph Morin : ce natif de Maskinongé s’est joint à la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1823 alors qu’il avait déjà 30 ans. Il faisait partie des brigades qui traversaient régulièrement le continent et à chaque retour au Québec, il recrutait de nouveaux employés pour l’Ouest.

François Xavier Vautrin : À 19 ans, en 1834, il quitte Saint-Philippe, au sud de La Prairie, accompagné de son frère. Il travaillera surtout à Fort Langley. Malgré une séparation de son frère, en 1852, les deux se retireront ensemble dans la vallée de Cowichan, île de Vancouver.

François Morigeau : Trappeur libre, Morigeau prit comme femme une Métisse de la rivière Rouge [Manitoba]. En 1845, quelques temps avant leur installation sur une ferme près de Fort Colville [près de Spokane], le missionnaire catholique [d’origine belge] Pierre Jean de Smet décrivait sympathiquement la famille dont la fille, Sophie, était elle-même une trappeuse libre en Nouvelle-Calédonie (Colombie-britannique) et au Montana.

Ce ne sont pas les vedettes de l’histoire nationale, mais les gens du peuple partis sous d’autres cieux participer à la conquête d’un continent.

En écrivant ces lignes, je me rappelais une conversation que j’ai eue en octobre 2010, au tout premier Frenchtown Rendezvous, tenu près de Walla Walla, dans l’État de Washington. Frank Munns venait de s’adresser en français à ceux et celles assemblés pour le souper. En faisant allusion à la devise inscrite sur les plaques d’immatriculation québécoises, il rendait hommage à la mère patrie, un pays qui a de la mémoire, un pays qui se souvient, un pays qui a su survivre contre vents et marées ! À la suite de son intervention, j’ai dû lui avouer que les Québécois n’avaient pas si bonne mémoire que cela, qu’en fait il y en avait très peu qui se souvenaient des Canayens et Métis de la région du Pacific Northwest, qui savaient qu’une partie importante de leur propre histoire s’était déroulée dans la vallée de la Walla Walla. On a du chemin à faire !


Mettre ses pieds pour la première fois à Québec

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J’ai passé quatre ans de ma vie à Seattle dont le symbole depuis l’Exposition mondiale de 1962 est le « space needle ». C’est là, entre 1967 et 1971 que j’ai poursuivi mes études de maîtrise et de doctorat. C’est là que j’ai rencontré mon premier Québécois, Paul Villeneuve, qui, comme moi étudiait au Département de géographie de l’Université de Washington.

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2003/11/15/alma-mater/

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Si, aujourd’hui, je demeure à Québec et si j’ai passé 32 ans comme professeur de géographie à l’Université Laval, c’est, en grande partie grâce à Paul, qui a placé un bon mot auprès de la direction concernant son ami américain qui parlait « passablement bien » le français et qui cherchait du travail. L’idée sembla sourire au directeur, Louis Trotier, d’autant plus que le département venait de perdre son seul professeur d’origine états-unienne. L’offre me fut faite. Mais je ne pouvais tout de même pas accepter un poste au Québec sans visite préalable. Je n’y avais jamais mis les pieds et la situation sociopolitique y semblait « dangereuse ». Non, le risque était trop grand ! Après tout, en plus d’une épouse j’avais trois enfants en bas âge. Qui plus est, les paroles d’un de mes confrères de Seattle, étudiant d’origine britannique récemment arrivée de l’Université de Victoria (Colombie-Britannique), criées à plein poumons à la suite de l’enlèvement chez lui à Westmount de James Cross par le Front de libération du Québec (FLQ), résonnaient encore à mes oreilles : « All those separatist bastards should be hung up by their balls ! » (Tous ces bâtards de séparatistes devraient être pendus par leurs couilles !).

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Je suis arrivé au Québec au début de novembre 1970. Pierre Laporte venait d’être enlevé. Son corps serait découvert quelques jours plus tard dans le coffre d’une voiture à Saint-Hubert—victime du FLQ ! Auto-patrouilles de la « police montée » autour des aéroports, soldats canadiens aux portes des principaux édifices publics, rumeurs de toute sorte concernant l’éventuelle capture de tous les felquistes…et les Alouettes de Montréal en finale de la Coupe Grey !

À Québec, de la fenêtre de ma petite chambre donnant sur la rue Laporte, en face du Parc des gouverneurs, je faisais connaissance avec le majestueux Saint-Laurent, surveillais la traverse de Lévis et apercevais au loin l’Île d’Orléans en me disant : « En effet, ce n’est pas un endroit comme les autres ! » Il me plaisait et j’ai pris la décision d’essayer de convaincre les autres membres de la famille de l’intérêt que nous avions à nous installer à l’autre du bout du continent…pour trois ou quatre ans.

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Le 20 août prochain marquera le quarante-cinquième anniversaire de notre arrivée à Québec, capitale de l’îlot principal de l’archipel de la Franco-Amérique que je n’ai de cesse de découvrir.