Ceux et celles qui lisent régulièrement ce billet ont sûrement remarqué mon penchant pour les traversiers. Au moins six textes traitent de traversées entreprises d’un bout à l’autre du continent, sans parler des références fréquentes à la traversée du Saint-Laurent entre Québec et Lévis :
https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/08/28/la-traverse-oka-hudson-raccourci-vers-ottawa/
https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2008/07/23/passer-la-nuit-sur-le-quai-a-tobermory-on/
https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2005/06/23/st-barbe-et-blanc-sablon-la-traversee-au-labrador/
https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2005/01/25/cape-may-nj/
https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2004/03/29/la-traverse-galveston-port-bolivar/
https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2003/11/09/peut-on-se-lasser-des-traversiers/
Il y 10 ans déjà, j’ai raconté ici la réalisation d’un rêve d’enfance : une visite à Saint-Pierre et Miquelon en partance de Fortune, à Terre-Neuve :
https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2005/06/29/saint-pierre-et-miquelon-la-realisation-dun-reve-denf/
Cette semaine, j’en ai réalisé un autre : une tournée rapide à l’île de Grand Manan, située dans la baie de Fundy à 30 km au large de Black’s Harbour, au Nouveau-Brunswick, là où on embarque pour une traversée de 90 minutes. L’aller s’est fait sous la couverture de brume épaisse.
Par contre, le retour le lendemain s’est effectué sous un soleil radieux.
L’histoire m’ayant conduit à Grand Manan est fascinante. Elle ne me touche que tangentiellement, mais peu importe. Karl est le mari de ma nièce, fille aînée de ma seule sœur (je n’ai pas de frères). Il est à la recherche de son arrière-grand-père, Austin Wormall, né à Grand Manan en 1904, mais donné en adoption familiale en bas âge à une tante. Au moment où les parents biologiques réclamaient l’enfant, la mère adoptive a pris la fuite, mettant autant de distance que possible entre l’île et l’enfant, s’installant à Vancouver, en Colombie-Britannique. À l’âge d’environ 25 ans, au début de la Crise économique qui secouait le monde, le grand-père à Karl a mis le cap sur Los Angeles, sous une nouvelle identité, celle de son beau-père. Ce n’était qu’au moment de la mort de ce M. Libby en 1977 que la vraie histoire fut révélée par sa veuve. Imaginons la surprise, voire la déception de cette révélation choc chez la postérité du fils d’Austin Wormall, mort à Grand Manan en 1937.
Toutes les recherches effectuées pour retrouver la pierre tombale de celui-ci dans les six cimetières de Grand Manan se sont avérées vaines. Trop pauvres pour prendre soin de leur propre enfant, peut-être la famille était-elle trop pauvre aussi pour s’acheter une dalle funèbre. On ne saura probablement jamais à moins que le contact fortuit avec Nancy, descendante du frère d’Austin—une « long lost cousin » selon les dires de Karl—donne des résultats à long terme.
Nancy habite une belle maison, construite en 1872 qui appartenait à sa grand-mère.
Celle-ci s’étonnait du fait qu’au cours de la conversation, je m’intéressais à autre chose qu’Austin Wormall. Par exemple, étant donné ses connaissances historiques très évidentes, je l’interrogeais sur la visite annuelle à Grand Manan, au cours des années 20 et 30, de la grande écrivaine américaine, Willa Cather, et sa partenaire, Édith Lewis. Nancy a offert de nous montrer le chalet que le couple occupait au bord de la falaise surplombant l’anse portant le nom Whaler’s Cove.
Au Québec, nous devons un roman très important à Willa Cather. Shadows on the Rock, publié en 1931, qui raconte un an (1698) dans la vie de Cécile Auclair et son père, Euclide, parmi les premiers habitants de la Nouvelle-France.. Cather et Lewis, résidentes du Nebraska, passaient par Québec chaque année en route vers Grand Manan. Pendant l’un de ces voyages, Lewis fut hospitalisé plusieurs semaines à Québec. Par conséquent, Willa a eu le temps d’arpenter à satiété les rues du Vieux-Québec et de s’en inspirer suffisamment pour rédiger Shadows. une œuvre, avec celle de Louis Hémon, Maria Chapdelaine (en traduction anglaise) que je recommande à tous mes amis anglo-américains qui mettent les pieds pour la première fois au Québec et qui désirent se faire une idée rapide sur le passé lointain du Québec et sur ses us et coutumes.
À ce temps-ci de l’année, à Grand Manan, la dégustation du homard frais est de rigueur. Le prix est raisonnable et la saveur locale ! Un goût très différent des homards consommés à Québec et à Montréal !
North Head, Grand Harbour, Seal Harbour, Southwest Head : rien qu’un petit échantillon de la beauté et de l’agrément du lieu qui est Grand Manan.