Sainte-Geneviève, Missouri : trésor architectural de l’époque coloniale française

Sainte-Geneviève compte aujourd’hui environ 12 000 habitants. Il est le plus ancien village du Missouri, ayant été fondé par des Canadiens français en 1737. Il est parmi les plus anciens lieux d’habitation à l’ouest du Mississippi et au nord de la Nouvelle-Orléans. D’ailleurs, bien avant Saint-Louis, il constituait le chef lieu de la Haute Louisiane. Au moment de sa fondation, Sainte-Geneviève formait un des trois points d’un triangle enjambant le Mississippi, les autres étant Fort de Chartre et Kaskaskia, en Illinois. À partir de ce triangle, la France exerçait son contrôle sur le « Pays des Illinois ». Tout a basculé en 1763 avec la signature du Traité de Paris mettant fin à la guerre de Sept Ans qui a eu pour effet la cession de tous les territoires à l’est du Mississippi à la Grande-Bretagne.

Sainte-Geneviève se trouvant à l’ouest du grand fleuve connut à ce moment-là une augmentation rapide de sa population, les Canadiens et Créoles provenant de l’est qui ne désiraient pas vivre sous le drapeau britannique. Peu de temps après, ceux-ci apprennent le passage de Saint-Geneviève sous contrôle espagnol. L’influence espagnole demeurera minimale. La langue et la culture françaises continueront à dominer jusqu’au moment de la rétrocession de la Louisiane par l’Espagne à la France et de sa vente par la France aux États-Unis en 1803.

À partir de ce moment-là, le caractère ethnique de Sainte-Geneviève changera rapidement sous l’influence d’une forte émigration allemande. Malgré tous les aléas de l’histoire, de nombreuses maisons érigées et habitées par les Canadiens et Créoles sont encore visibles. En voici trois :

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La maison Bolduc

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La maison Ménard et Vallé

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La maison Marie Laporte

Ce n’est qu’un petit échantillon du trésor architectural et patrimonial qui est Sainte-Geneviève.


Fête d’automne à la Vieille Mine

Depuis 1977, existe l’OMAHS (Old Mines Area Historical Society). Son but est la préservation et la promotion de la culture et du patrimoine des Français et Canadiens qui ont peuplé le corridor qui est la vallée du Mississippi. La Vieille Mine fait partie du premier territoire peuplé de l’État du Missouri remontant au XVIIe siècle lorsque le gouvernement français octroyait à Philippe François Renault une vaste superficie à l’ouest du Mississippi au pied des Montagnes aux arcs (Ozarks). Il s’agissait d’un prolongement outre fleuve de ce que l’on appelait à l’époque « Le pays des Illinois ». C’est en 1836, après avoir été passées à l’Espagne (1763-1799) et achetées de la France par les États-Unis (1803), que ces terres furent cédées à 31 familles par le gouvernement. Elles forment aujourd’hui « the Old Mines Concessions » sur lesquelles bon nombre des descendants de ses premiers habitants continuent à vivre.

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Depuis une vingtaine d’années, ces gens, leurs amis et leurs voisins se réunissent le premier dimanche du mois d’octobre pour souligner leur présences en terre d’Amérique : « 300 ans et on est toujours icitte ». Voilà matière à célébration !

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Les participants se rassemblent autour d’un kiosque de musique, fabriqué par Kent Beaulne. Dennis Stroughmatt et son groupe L’Esprit créole tiennent la foule en haleine pendant des heures, entonnant en français de vieilles chansons de la région et, à l’occasion, des « tounes » en anglais à saveur bluegrass. Stroughmatt n’a rien de Français, sauf son âme. C’est sans doute l’aspect la plus important! Natif de la région, il a découvert la culture franco des Pays des Illinois et l’a faite sienne. Il a appris le français et vient régulièrement au Québec se ressourcer. À ma grande surprise, il s’est aperçu de moi circulant dans la foule  mon petit drapeau du Québec au bout des bras, et a crié au micro « Hé, le drapeau du Québec [pause]…mais n’es-tu pas Dean Louder ? On se connaît ! » Ému, je lui ai offert mon drapeau qu’il a mis bien en évidence avec les trois autres se trouvant sur des mâts.

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À l’époque des concessions, les ancêtres s’installaient dans les petites cabanes en rondins dont plusieurs, comme celle-ci, ont été déménagées et regroupées sur les lieux de la fête.

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Aujourd’hui, jour de fête, ils fréquentent les diverses expositions d’artisanat, d’alimentation et de généalogie.

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Il y en a bien sûr pour les enfants. À l’ancienne, le vieux pépère Thibo (Thibeaux, Thibeau, ou Tibo) apprend aux jeunes à faire de la corde..

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En fin de journée, les résultats du tirage seront annoncés. Le ou la gagnant(e) recevra ce magnifique couvre-lit fait à la main et orné d’une douzaine de fleurs-de-lys.

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À plusieurs reprises, ici même, j’ai raconté mes aventures à la Vieille Mine.

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2005/03/07/retour-a-la-vieille-mine-mo/

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/11/12/deux-journees-memorables-au-missouri-et-au-kansas/

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/11/21/journee-memorable-au-missouri-suite/

Je ne suis plus le seul.

http://courrierdefloride.com/2015/04/05/la-vieille-mine-un-village-francais-perdu-dans-le-missouri-etats-unis/

http://www.npr.org/2014/09/23/349853440/saving-a-french-dialect-that-once-echoed-in-ozarks

https://www.youtube.com/watch?v=cRDN5Axs-DI


Jesse Dubois, ami d’Abraham Lincoln

Springfield, en Illinois, est la ville d’Abraham Lincoln, c’est bien connu.

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Maison de Lincoln à Springfield

Ce qui l’est moins, c’est que l’un de ses voisins, bons amis et organisateurs politiques s’appelait Jesse K. Dubois dont le père, Toussaint, est né à Montréal. La relation entre Jesse et Lincoln, fut telle qu’à la suite de l’assassinat du président et lors de son enterrement, Jesse fut l’un porteurs du cercueil.

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Maison de Jesse Dubois à Springfield

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Toussaint Dubois est né à Montréal le 8 octobre 1762, fils de Charles Quintin dit Dubois et Cécile Couvret. Jeune, il s’est joint aux forces de la nouvelle république des États-Unis en émergence. La légende veut qu’il se soit battu du côté du héros français, le Marquis de Lafayette, mais rien n’est sûr. Ce qui est certain, c’est qu’après la Geurre de l’indépendance, il s’est pointé à Vincennes, en Indiana, où il devint coureur de bois et commerçant. Il s’est marié en premières noces à Jeanne Bonneau. Ils eurent quatre fils et une fille. Jeanne vit le jour à Vincennes en 1770 et y décède en 1800. Cinq ans plus tard, Toussaint se marie avec une Anglo, Jane Baird, qui lui donnera trois autres fils, dont Jesse le 22 novembre 1811. Toussaint décède accidentellement en 1816.

Quant à Jesse, après des études, il se lance en politique, étant élu à l’Assemblée de l’Illinois en 1834. Il sera réélu pour un mandat de deux ans en 1836, 1838 et 1842. C’est en 1837 qu’Abraham Lincoln s’établit à Springfield, capitale de l’Illinois, et lance sa carrière d’avocat. Les deux, Jesse et Abe, se voisinent et s’entraident pendant de longues années.

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Chariot de campagne électorale se trouvant devant la maison Dubois à Springfield

En 1860, Dubois participait vivement à la campagne présidentielle de son illustre collaborateur, sans doute dans l’espoir de pouvoir profiter du patronage de Lincoln, une fois élu, pour obtenir un poste prestigieux à Washington. Or cela ne s’est jamais réalisé. Après la disparition de Lincoln, Jesse s’est souvent plaint d’avoir tant donné à Monsieur Lincoln sans rien recevoir en retour.



Grand Manan : autre visite rêvée

Ceux et celles qui lisent régulièrement ce billet ont sûrement remarqué mon penchant pour les traversiers. Au moins six textes traitent de traversées entreprises d’un bout à l’autre du continent, sans parler des références fréquentes à la traversée du Saint-Laurent entre Québec et Lévis :

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2012/08/28/la-traverse-oka-hudson-raccourci-vers-ottawa/

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2008/07/23/passer-la-nuit-sur-le-quai-a-tobermory-on/

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2005/06/23/st-barbe-et-blanc-sablon-la-traversee-au-labrador/

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2005/01/25/cape-may-nj/

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2004/03/29/la-traverse-galveston-port-bolivar/

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2003/11/09/peut-on-se-lasser-des-traversiers/

Il y 10 ans déjà, j’ai raconté ici la réalisation d’un rêve d’enfance : une visite à Saint-Pierre et Miquelon en partance de Fortune, à Terre-Neuve :

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2005/06/29/saint-pierre-et-miquelon-la-realisation-dun-reve-denf/

Cette semaine, j’en ai réalisé un autre : une tournée rapide à l’île de Grand Manan, située dans la baie de Fundy à 30 km au large de Black’s Harbour, au Nouveau-Brunswick, là où on embarque pour une traversée de 90 minutes. L’aller s’est fait sous la couverture de brume  épaisse.

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Par contre, le retour le lendemain s’est effectué sous un soleil radieux.

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L’histoire m’ayant conduit à Grand Manan est fascinante. Elle ne me touche que tangentiellement, mais peu importe. Karl est le mari de ma nièce, fille aînée de ma seule sœur (je n’ai pas de frères). Il est à la recherche de son arrière-grand-père, Austin Wormall, né à Grand Manan en 1904, mais donné en adoption familiale en bas âge à une tante. Au moment où les parents biologiques réclamaient l’enfant, la mère adoptive a pris la fuite, mettant autant de distance que possible entre l’île et l’enfant, s’installant à Vancouver, en Colombie-Britannique. À l’âge d’environ 25 ans, au début de la Crise économique qui secouait le monde, le grand-père à Karl a mis le cap sur Los Angeles, sous une nouvelle identité, celle de son beau-père. Ce n’était qu’au moment de la mort de ce M. Libby en 1977 que la vraie histoire fut révélée par sa veuve. Imaginons la surprise, voire la déception de cette révélation choc chez la postérité du fils d’Austin Wormall, mort à Grand Manan en 1937.

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Toutes les recherches effectuées pour retrouver la pierre tombale de celui-ci dans les six cimetières de Grand Manan se sont avérées vaines. Trop pauvres pour prendre soin de leur propre enfant, peut-être la famille était-elle trop pauvre aussi pour s’acheter une dalle funèbre. On ne saura probablement jamais à moins que le contact fortuit avec Nancy, descendante du frère d’Austin—une « long lost cousin » selon les dires de Karl—donne des résultats à long terme.

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Nancy habite une belle maison, construite en 1872 qui appartenait à sa grand-mère.

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Celle-ci s’étonnait du fait qu’au cours de la conversation, je m’intéressais à autre chose qu’Austin Wormall. Par exemple, étant donné ses connaissances historiques très évidentes, je l’interrogeais sur la visite annuelle à Grand Manan, au cours des années 20 et 30, de la grande écrivaine américaine, Willa Cather, et sa partenaire, Édith Lewis. Nancy a offert de nous montrer le chalet que le couple occupait au bord de la falaise surplombant l’anse portant le nom Whaler’s Cove.

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Au Québec, nous devons un roman très important à Willa Cather. Shadows on the Rock, publié en 1931, qui raconte un an (1698) dans la vie de Cécile Auclair et son père, Euclide, parmi les premiers habitants de la Nouvelle-France.. Cather et Lewis, résidentes du Nebraska, passaient par Québec chaque année en route vers Grand Manan. Pendant l’un de ces voyages, Lewis fut hospitalisé plusieurs semaines à Québec. Par conséquent, Willa a eu le temps d’arpenter à satiété les rues du Vieux-Québec et de s’en inspirer suffisamment pour rédiger Shadows. une œuvre, avec celle de Louis Hémon, Maria Chapdelaine (en traduction anglaise) que je recommande à tous mes amis anglo-américains qui mettent les pieds pour la première fois au Québec et qui désirent se faire une idée rapide sur le passé lointain du Québec et sur ses us et coutumes.

À ce temps-ci de l’année, à Grand Manan, la dégustation du homard frais est de rigueur. Le prix est raisonnable et la saveur locale ! Un goût très différent des homards consommés à Québec et à Montréal !

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North Head, Grand Harbour, Seal Harbour, Southwest Head : rien qu’un petit échantillon de la beauté et de l’agrément du lieu qui est Grand Manan.

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