Inconquis : un lancement à la Librairie du Quartier…sur Cartier

Êtes-vous déjà passé par Chapleau, en Nouvel-Ontario ? Regardez bien la carte. C’est loin, très loin! Cette petite ville de 2 100 habitants, située au cœur du bouclier canadien, est à Toronto, en termes de distance, ce qu’est Sept-Îles à Montréal. Exprimé autrement, Chapleau se trouve à 1 283 km à l’ouest de Québec en passant par Montréal, Val d’Or et Rouyn-Noranda, à 1 232 km en roulant sur la fameuse 17 d’Ottawa vers Sudbury, et à 1 380 km pour ceux et celles qui oseraient s’y aventurer via Chibougamau, Chapais, Waswanipi, Lebel-sur-Quévillon, Senneterre et Amos.

Moi, oui, une seule fois…il y a longtemps ! Mais pourquoi donc?  Car, pour le faire, il a fallu m’éloigner de la route Trans-canadienne en empruntant à Iron Bridge la moins bonne et sinueuse piste des chevreuils (Deer Trail Route). La raison en est bien simple : j’aime Maria Chapdelaine !

Comment ? C’est quoi le rapport ?

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C’est qu’après avoir terminé son manuscrit sur cette héroïne fictive du Lac Saint-Jean et l’avoir envoyé à son éditeur en France, son créateur, Louis Hémon, a pris le chemin vers l’Ouest canadien où il espérait participer aux moissons. À Chapleau, le 8 juillet 1913, il se fait happer par un train. Un monument érigé en 1937 et inauguré l’année suivante en présence de sa sœur et de sa fille, marque l’endroit.

Cette semaine, le lancement d’un nouveau livre, Inconquis, recherché et rédigé par un jeune  historien inscrit au doctorat à l’Université Laval et fils de Chapleau, Joseph Gagné, me rappelait mon seul et unique passage chez lui…probablement avant même sa naissance !

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Non, le livre n’a rien à voir avec Louis Hémon, ni la ville où il a trouvé la mort et où ses restes sont enterrés. Il s’agit plutôt d’un livre qui lève le voile sur un pan oublié de l’histoire de la Conquête. Une fois la capitulation de Montréal signée le 8 septembre 1760 par le gouverneur de la Nouvelle-France et les forces françaises sommées de se rendre à l’ennemi britannique, deux officiers de la Marine du Canada, Pierre Passerat de la Chapelle et Louis Liénard de Beaulieu, l’un de Michlllimakinac et l’autre de Détroit, ont fait fi des ordres et se sont repliés en Louisiane, sous le contrôle—pour quelque temps encore—des Français.

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Quelle a été la suite des événements ? Que sont devenus ces braves hommes ? Comment se fait-il qu’il ait fallu attendre jusqu’en 2016 pour apprendre leurs noms ? Je vous invite à lire, en même temps que moi, ce récit fascinant de Joseph Gagné afin d’obtenir des réponses à toutes les questions que l’ouvrage suscitera.


Du nouveau en Franco-Amérique : un virage numérique

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Les lecteurs de ce carnet « Voyages et rencontres en Franco-Amérique » savent que je parcours et documente la Franco-Amérique depuis longtemps. À travers les gens qui l’habitent, les endroits qu’ils ont occupés et l’héritage qu’ils ont laissé, c’est toujours avec plaisir que j’ajoute de nouvelles aventures et découvertes. Après déjà plus d’une douzaine d’années sur l’Internet, le carnet est entré en « période d’adolescence » qui exige peut-être que je me tourne davantage vers les réseaux sociaux!

J’ai toujours regretté que les îles et îlots de l’archipel de la Franco-Amérique et les gens qui les habitent ne soient pas mieux liés les uns aux autres. Les communautés tendent à vivre leur francité de manière isolée. Bien sûr, plusieurs initiatives, habituellement institutionnelles, comme le Centre de la Francophonie des Amériques, le nouveau réseau des villes francophones et francophiles, essaient d’assurer un certain réseautage, mais rejoindre les gens plutôt isolés et pas toujours branchés représente un défi de taille.

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Je reconnais d’emblée ne pas être la meilleure personne à tenir le carnet en ce qui a trait à la nouvelle présence Internet de cette Franco-Amérique, mais en tant que vieux routier, je me dois néanmoins de vous faire part de son émergence. Par exemple, je suis devenu membre de groupes fort dynamiques sur Facebook, comme celui des Great Lake French Canadians, qui réussissent à communiquer entre eux et à partager, souvent en anglais, mais pas toujours. Les préoccupations des participants sont souvent de nature généalogique, de traçage d’ADN, d’histoire, de traditions ou parfois de simple nostalgie. Les participants y découvraient leur propre Franco-Amérique et une identité oubliée. D’après ce que j’ai observé, la participation à ces groupes peut servir à inciter à un retour à la langue ancestrale par ceux et celles qui ne la possèdent plus. Ces nouvelles initiatives me donnent espoir en vue d’un renouveau d’une francophonie autrement bigarrée.

Ma toute dernière découverte sur l’Internet et les médias sociaux porte sur Twitter. J’ai pu ainsi découvrir d’autres blogueurs de la Franco-Amérique qui portent des regards différents. En particulier, des internautes qui diffusent leurs contenus à travers  #AmFr. Le mot-clique (hashtag) tient pour ce que vous voudrez bien lui attribuer : « Amérique Française », « I am franco » ou « Franco-Amérique ».  Les lecteurs de mon carnet actifs sur Twitter pourront désormais observer que j’y diffuserai certains–pas tous–de mes nouveaux billets. De plus, afin d’assurer une plus grande diffusion, j’y ferai un retour sur certains des billets les plus pertinents ou percutants des années passées.

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Par la présente, je vous invite à appuyer cette initiative et à participer au virage numérique de la Franco-Amérique. Un nouveau média de cette Franco-Amérique pourrait en résulter!

 


Encore du Malheur

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Il y a un mois exactement, ici même, je vous ai fait part d’un commentaire concernant les événements se déroulant au Malheur Wildlife Refuge en Orégon. Ce qui devait être une occupation paisible ne l’a pas été. Inévitablement, quand il y a port d’armes d’un côté comme de l’autre, la confrontation vire en geste(s) violent(s). Le 26 janvier, à la veille de son cinquante-cinquième anniversaire de naissance, Robert LaVoy Finicum, un rancher de Cane Beds, en Arizona, a trouvé la mort, criblé de plusieurs balles décochées par les forces de l’Ordre. Qu’est-ce qui s’est passé au juste ? Comment est-il mort ? Pour l’instant, personne ne le sait. Les autorités prétendent être en mesure de fournir une réponse dans quatre à six semaines. Elles n’ont pas encore fait connaître les résultats de l’autopsie et la famille qui a fait faire une autopsie indépendante non plus. Ce qui est certain, c’est que les funérailles de LaVoy Finicum eurent lieu hier à Kanab, petite ville de l’Utah, à une heure et demie de route d’où je séjourne à présent. Je me suis rendu sur les lieux.

Des milliers de membres de sa famille nombreuse, d’amis, de connaissances, de frères d’armes de diverses milices défendant âprement des causes conservatrices, de sympathisants idéologiques, de curieux et de parfaits inconnus se sont massés au Centre de pieu Kaibab de l’Église de Jésus-Christ des Saint des derniers jours pour rendre hommage à celui que les uns considèrent un « patriote » et que les autres considèrent un fanatique de l’Extrême droite.

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À l’extérieur, on voyait des cowboys comme LaVoy, qui guettaient les entrées leurs armes dissimulées, des agents du FBI dont on ne pouvait être certain de l’identité, des médias qui tournaient, un avion de surveillance qui survolait la scène à 2 000 pieds d’altitude et des chevaux en attente, car à la suite des funérailles il y aurait défilé de ranchers vendus à la cause. En tête, le cheval de LaVoy, la selle vide !

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À l’intérieur, 90 minutes avant la cérémonie, une cinquante d’offrandes florales se trouvaient déjà au devant de la chapelle et d’autres entraient à la minute. En arrière, des centaines de personnes faisaient le pied de grue avant de pouvoir passer quelques secondes devant le cercueil ouvert fabriqué en planches de pin sur lesquelles furent gravés les mots: Cowboy Died for Freedom.

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Dehors, hissés sur de nombreux pick-up et gros VUS  des étendards de miliciens anti-gouvernementaux venus des États de l’Utah, de l’Arizona, du Nevada et de Californie. Sur le premier, cet écriteau particulièrement poignant tiré du Livre de Mormon, livre canonique des Saint des Derniers Jours que LaVoy portait constamment sur lui :

En souvenir de notre Dieu, de notre religion, et de notre liberté, et de notre paix, de nos épouses et nos enfants

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Accompagnant ce livre d’écriture, une vieille copie fripée d’un autre document tout aussi sacré, la Constitution des États-Unis avec en souligné ses premier et deuxième amendements :

  1. Amendement qui interdit au Congrès des États-Unis d’adopter des lois limitant la liberté de religion et d’expression, la liberté de la presse ou le droit de rassembler pacifiquement.
  2. Amendement garantissant à tout citoyen américain le droit de porter des armes.

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Des « R.I.P LaVoy » partout, avec, à l’occasion, bien en évidence, un petit autocollant du nom de celui qui ne laisse personne indifférent aux États-Unis : « TRUMP ».

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Les sympathisants de Robert LaVoy Finicum, nouveau martyr de l’Extrême droite, claironnent haut et fort que ce n’est qu’un début. D’autres manifestations et contestations vont se répandre comme une trainée de poudre à travers l’aride West où la vaste majorité des terres appartiennent au gouvernement fédéral. Aux yeux de certains de ceux qui doivent y faire paître leur bétail pour gagner leur vie, le Bureau of Land Management (BLM) les tient en esclavage, le gouvernement de Washington étant de plus en plus tyrannique!

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Source: Salt Lake Tribune, 6 février 2016


La tonnelle du livre à Hurricane

En 1869, les fondateurs de cette ville qui compte aujourd’hui 14 000 habitants, Erastus Snow, David Cannon et Nephi Johnson, descendaient la côte sur une ancienne piste amérindienne lorsqu’un tourbillon soulevait le toit de leur boghei tiré par des mulets.

—Oups, dit Snow, ça, c’était un ouragan, on va baptiser cet endroit Hurricane.

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Ici, depuis 11 ans, Margaret Sorensen tient le Book Arbor. Elle est originaire de Vancouver, en Colombie-Britannique.

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« Qui prend mari, prend pays », n’est-ce pas ? Le couple a vécu et élevé leur famille en Californie du sud. Au moment de la retraite, Monsieur désire retourner en Utah, son pays d’origine. Comme tant d’autres ces dernières années, au cours desquelles Hurricane est passée une bourgade à une véritable petite ville, ils l’ont choisie en raison de son climat clément et de sa proximité de la ville de St. George et des villages ancestraux du mari. Madame a néanmoins imposé une condition : qu’elle puisse ouvrir une librairie pour occuper ses heures dans cette région désertique.

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Margaret a un lien étroit avec la Franco-Amérique. Sa mère était une Bellerose dont la famille métisse venait de la région de Lac La Biche, en Alberta. Émue, elle m’a raconté son voyage d’il y a quelques années au cimetière de Kikino (40 km au sud de Lac La Biche) où elle a pu se recueillir devant les sépultures de ses grands-parents.

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Tous et toutes les libraires que je connais sont d’une gentillesse, d’une politesse et d’une serviabilité exemplaires. Margaret « Bellerose » (cela lui fait sourire !) ne fait pas exception. Elle montre fièrement sa collection de signets. C’est que tous ses livres sont des livres d’occasion à l’intérieur desquels les lecteurs et lectrices, en se débarrassant du livre, ont eu tendance à oublier le signet. En dépoussiérant et rangeant les bouquins dans les rayons bien catégorisées, Margaret enlève le signet et l’ajoute à sa collection collée sur une porte qui en déborde.

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Si la visite à Hurricane m’a permis de découvrir la Tonnelle du livre et sa gentille propriétaire descendant des Franco-Métis, mon principal but fut tout autre. Je devais y rencontrer Beverley que je n’avais pas vue depuis 1950, à l’époque où nous avions chacun 7 ans et étions tous deux élèves de Mme Irène Carlson, en deuxième année, à Park City (Utah).

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2e Année, École Marsac, Park City, Utah : Beverley Cook (deuxième rangée, quatrième de la gauche) ; moi-même (deuxième rangée, neuvième de la gauche)

Après

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Malheur à Malheur

Si on examine la carte toponymique de l’Orégon, on est frappé par le nombre de noms de langue française : Dalles, Saint-Paul, Saint-Louis, Gervais, Grande Ronde, LaGrande, Nonpareil, Coquille, Deschutes, Marion et, oui, Malheur !

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Or, en ce moment, dans le comté de Malheur, il se passe un malheur. Juste avant Noël, un groupe d’hommes armés, organisés en milice, ont saisi les bâtiments et les équipements appartenant au Malheur National Wildlife Refuge, situé à une cinquantaine de kilomètres de la petite ville de Burns. Ils prétendent que le gouvernement fédéral n’a pas respecté la Constitution du pays en expropriant et en chassant de ces terres une centaine de ranchers et de fermiers qui les avaient depuis plus de cent ans exploitées.

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Ammon Bundy qui prétend agir au nom de Dieu

La position de ces cowboys est de rester sur les lieux jusqu’à ce que le Fédéral rende aux victimes de la saisie leur bien ou, en d’autres mots, d’y rester « jusqu’à ce que Hell freezes over ».

Depuis peu, il y a un autre intervenant, la tribu Paiute, eux, dont l’histoire dans la région remonte à 9 000 ans et qui, en 1879, ont été chassés de ces terres, à la suite de la signature d’un traité, afin de faire place aux  ranchers and fermiers d’autrefois.

À l’heure actuelle, les autochtones jouissent d’une bonne relation avec le Refuge et tiennent à ce que la « milice » quitte au plus sacrant. La porte-parole des Paiutes—notez bien le nom—,Charlotte RODRIGUE, prétend que, dans les bureaux du Refuge. il existe des documents officiels attestant de la légitimité de leurs droits sur ce territoire que leurs ancêtres ont occupé et où ils sont enterrés.

Dans cette nouvelle guerre entre cowboys et Indiens, les cowboys ne sont, aux yeux de Charlotte Rodrigue et de Jarvis Kennedy, que les abrutis et les criminels. « Il est temps qu’ils fichent le camp », disent-ils.

Ce que je retiens, personnellement, dans toute cette histoire est que l’Orégon constituait un territoire de prédilection dans l’histoire de l’Amérique française et du Canada français.

https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2003/11/24/french-prairie-oregon/

Lorsque les premiers Américains y sont arrivés, au cours des années 1840, en suivant l’Oregon Trail, qui est-ce qu’ils ont trouvé? Des voyageurs et coureurs de bois canadiens-français bien implantés avec leurs épouses amérindiennes. Les communautés franco-métis en Orégon ont devancé d’une génération celles des Américains. Sans pouvoir l’affirmer catégoriquement, je gagerais néanmoins un 20$ que Charlotte Rodrigue descende de ces intrépides francophones.

Autre petite note en passant, à quelques kilomètres du Malheur Wildlife Refuge se trouve la sépulture de Jean-Baptiste Charbonneau, fils de Toussant Charbonneau et Sacagawea, les deux principaux responsables du succès de l’expédition de Lewis et Clark, montée en 1804 par le président des États-Unis, Thomas Jefferson.

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Alors, le célèbre « Pomp », ‘ti nom attribué à Jean-Baptiste, trouve aussi malheur dans le comté de Malheur.