Paroles de documentaristes : Gladu et Lafond

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Cette semaine, au congrès de la Société canadienne d’anthropologie (CASCA), dans le cadre d’une séance consacrée à l’anthropologie visuelle, André Gladu a projeté et commenté son documentaire, Marron, réalisé en 2006. Celui-ci fait découvrir la culture créole de la Louisiane—« créole » dans le sens de « créole de couleur » ou « créole noir »—et ses influences sur le jazz et la musique Zydeco. Le film évoque l’esprit des Marrons, ces esclaves en fuite qui ont marqué l’histoire des Antilles et de la Louisiane et souligne, par le biais de la musique, la transmission de cet esprit à travers les générations dans deux contextes fort différents, l’un urbain (Nouvelle-Orléans) et l’autre rural (communauté de Soileau). La projection de Marron, d’une durée de 85 minutes, fut précédée de celle d’un court métrage (10 minutes). Noah présente un chant interprété de manière impromptue par trois Noirs créoles âge mûr habitant Opelousas. En rappelant, dans la tradition Gospel, la légende biblique du Déluge, ils font en même temps un clin d’œil à la Louisiane qui, à l’occasion, connaît, elle aussi, le déluge.

IMG_2615À la suite de la prestation, Eric Waddell et Louis-Jacques Dorais, professeurs de géographie et d’anthropologie respectivement, maintenant à la retraite, prirent la parole pour commenter les films et amorcer un débat qui fut bref, mais riche.

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Il s’agit de poser une simple question à ce cinéaste chevronné qui suit depuis 40 ans la piste des francophones d’Amérique pour qu’il disserte de manière intelligente, convaincante et passionnante pendant de longues minutes. En 2009, en le recevant à l’Ordre des francophones d’Amérique, le Conseil supérieur de la langue française a reconnu l’immense contribution d’André Gladu au rayonnement de la langue et de la culture françaises en Amérique:

(https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2009/10/02/andre-gladu-recu-a-lordre-des-francophones-damer/)

(https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2014/04/19/trois-courts-metrage-dandre-gladu/).

En parlant de ces cinéastes qui réalisent les documentaires, cette semaine j’ai lu Un désir d’Amérique du documentariste, Jean-Daniel Lafond. Je dirais que Lafond est davantage connu aujourd’hui comme le conjoint, de Michaëlle Jean, ancienne gouverneure générale du Canada et actuelle Secrétaire générale de la Francophonie. Il n’en a pas toujours été ainsi.

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Dans ce livre autobiographique, Lafond raconte ses humbles origines dans un bled perdu de France au cœur de la deuxième Guerre mondiale, sa quête d’éducation, ses études en philosophie, ses rencontres avec de grands penseurs français, sa découverte du cinéma, et, enfin, son exil en 1974 au Canada/Québec qui lui valut la séparation de sa première conjointe et ses enfants. À Montréal se reproduira ce qui s’était déjà passé à Paris dans son cas, des rencontres avec l’intelligentsia et certaines personnalités du monde culturel dont Gaston Miron et Pierre Perreault, entre autres. Ce dernier lui aurait initié au terrain et l’aurait transmis non seulement de nouvelles techniques de la cinématographie, mais aussi sa passion pour la nature et les paysages.

Lafond ne nous épargne ni de ses nombreuses sautes d’humeur ni de ses combats occasionnels contre la langueur. Il partage aussi certains moments d’intimité extrême, comme celui vécu au Chili auprès d’une femme exilée en France à l’époque du putsch de 1973 que l’auteur a rencontrée à Montréal avant son retour au Chili. Dans ce pays longiligne, Jean-Daniel réalisera un rêve de toujours : visiter l’Île de Chiloé que son père lui avait montré dans un vieil atlas alors qu’il avait à peine six ans.

En ce qui concerne sa vie de vice-roi du Canada, ce lecteur reste sur son appétit. Peut-être sera-ce le sujet d’un nouveau livre…ou d’un film, pourquoi pas, c’est un cinéaste !

 



Écrivains et artistes franco-américains se réunissent à Walpole

Il y a une semaine exactement, j’ai eu le plaisir de participer au rassemblement annuel des écrivains, artistes et créateurs franco-américains. Un genre de retraite d’une durée de 36 heures à Walpole, sur à côte du Maine, plus précisément au Darling Marine Center, surplombant la rivière à marées Damariscotta.

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Au cours de la fin de semaine, une trentaine d’écrivains et d’artistes de tous âges et d’expérience variable prenaient le crachoir pour partager les uns avec les autres, à raison de 15 minutes chaque, des extraits d’œuvres déjà publiées ou en voie de l’être, le tout agrémenté de succulents repas communautaires et d’un « jam » à saveur « soirée canadienne ».

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De l’octogénaire, Norman Beaupré, auteur d’une vingtaine de livres (romans et recueils de contes et légendes, en français et anglais) au jeune poète Stephen Roberts, en passant par Robert Perreault, bibliothèque ambulante et mémoire vivante de Manchester, les artisans, amateurs de la parole, se gavaient de propos livrés avec aplomb et souvent émotion.

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DSCN5308Choisissant des morceaux de mon livre Voyages et rencontres en Franco-Amérique, j’étais seul à lire en français, ce qui a causé un certain émoi chez l’un des participants qui m’a chuchoté après « Maudit que ça fait du bien d’entendre du français ! »

La question de la langue est loin d’être réglée chez les Franco-Américains ! Quand la langue est partie, que reste-il de la culture ? Can one be French and not speak it ? Voilà le genre de question qui obsède depuis une génération les artisans de la culture franco-américaine et qui tracassait encore en fin de semaine le petit noyau réuni à Walpole.

À la suite d’une excellente prestation du blogueur franco-américain et historien à ses heures, David Vermette, (http://frenchnorthamerica.blogspot.ca) qui fit un véritable plaidoyer en faveur d’une vision continentale de la francité et d’un ramassis des forces vives des îles et îlots de l’Archipel franco, au cours duquel, il est allé jusqu’à proposer un nom pour tous ceux et celles faisant partie de ces communautés essaimées d’un bout à l’autre de l’Amérique du Nord : « Les Enfants de la Nouvelle-France ». Faute de mieux, c’est pas pire !

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Par un rappel à mon « philosophe » préféré, le troubadour de la Franco-Amérique, Zachary Richard, qui déclara, au moment du lancement de son album « Cœur Fidèle », que chez les Franco d’Amérique « l’isolement est plus fort que la fraternité », j’ai essayé d’amorcer à Walpole une discussion sur cette vision panaméricaine que proposait Vermette.

Peine perdue, impossible, même après avoir, en plus, visionné la veille le documentaire de Claude Godbout et Bruno Boulianne, « Un rêve américain », de passer outre le malaise d’une langue française en fuite et d’une survivance à peine perceptible.

 


Affichage…par la bande

Ce matin, la chronique d’André Robitaille dans Le Devoir (http://www.ledevoir.com/politique/quebec/438699/bannieres-en-anglais-le-temps-d-agir) concernant les bannières unilingues anglaises au Québec, me rappelle un texte publié le 22 avril dernier dans l’Acadie Nouvelle, le quotidien francophone du Nouveau-Brunswick. Et puisqu’une nouvelle série de la Coupe Stanley, opposant  le Canadien à l’Éclair de Tampa Bay, commencera demain soir au Centre Bell, il est de mise de lire ce texte de Rino Morin Rossignol qui traite, à sa manière, du même phénomène (http://www.acadienouvelle.com/chroniques/2015/04/22/le-nez-dans-la-cup/).

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Pas grave ! L’affichage sur la bande est à l’image des joueurs sur la glace ! Desharnais, Parenteau….à part cela ? Ah oui, Beaulieu…français de nom, anglais de langue et de culture !

 


Deux Allemands sur le pouce

Vendredi dernier, en route vers Walpole, sur la côte du Maine, pour assister au rassemblement annuel des écrivains, artistes et créateurs franco-américains, j’ai eu une belle surprise. À peine deux minutes après avoir franchi la frontière internationale, j’ai pris sur le pouce deux jeunes qui marchaient d’un pas haletant le long de la route 201,  la tête basse, d’énormes sacs leur pesant lourdement sur le dos. Voici leur histoire :

Jeunes Berlinois,  Ben et Pablo ont été parmi les 4 000 récipiendaires à travers le monde d’un visa du gouvernement canadien leur permettant de séjourner et de travailler temporairement au pays. En octobre dernier, ils ont choisi de s’installer à Vancouver. Pendant cinq mois, ils travaillaient dans une épicerie tout en profitant des atouts de cette belle région et en économisant assez d’argent pour l’achat d’une voiture. Fin février, mission accomplie. Pour 4 000$, ils s’achètent une bagnole de 15 ans et  se lancent à la découverte du Canada, un long « road trip » qui les emmènera jusqu’à Québec où ils comptaient bifurquer vers Boston et New York avant de regagner le Canada aux chutes Niagara pour ensuite revendre à Toronto leur véhicule, au montant de 3 000$. De là, ils retourneraient chez eux sur les ailes de Lufthansa.

Ça allait bien jusqu’à Sainte-Marie-de-Beauce où le « char » a rendu l’âme ! Heureusement pour eux, le remorqueur du CAA parlait passablement bien anglais et avait un grand cœur. Pendant deux jours, il s’occupait d’eux, leur ouvrant la salle de bains de son garage à côté duquel leur voiture continuait à servir de chambre à coucher. Enfin, un type de la cour à « scrappe » de Saint-Sylvestre est venu chercher la voiture/chambre à coucher, leur donnant 350$ en retour. Une fois, l’affaire réglée, M. CAA les a conduits à la frontière.

Ensemble, nous avons eu beaucoup de plaisir. Ils m’ont dit qu’ils avaient 19 ans et expliquaient que ce qu’ils faisaient n’était point rare chez eux, que beaucoup de jeunes Allemands, après le secondaire, partent à l’étranger pendant un an. Ils me parlaient des copains et copines en Nouvelle-Zélande, Australie, Thaïlande, Inde et au Japon. En chemin, nous faisions très attention de ne pas frapper d’orignaux. À leur grande déception, nous n’en avons même pas vu. De ces magnifiques bêtes grandes comme un cheval, ils avaient été fort impressionnés aperçues dans les montagnes Rocheuses quelques semaines auparavant.

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Au restaurant Governor’s, à Waterville, je leur ai payé la traite. Ils ont surtout apprécié l’énorme dessert : chausson aux pommes (apple fritter) noyé de crème glacée ! Ils s’en léchaient les babines longtemps après. Alors, nous nous sommes rendus chez J&S Service (débit d’essence), car on nous avait dit que l’autocar de Bangor à Boston y faisait halte, ainsi qu’à Augusta et à Portland. Vérification faite des heures, je les ai conduits à Augusta, capitale du Maine, suggérant qu’ils prennent le gîte au Motel 6, confort maximal à prix minimal.

C’est là que je les ai laissés s’exclamant : « Wow, a real bed tonight ! »

Je suivrai avec joie, sur leur blogue, les péripéties de ces jeunes Berlinois si débrouillards et fiers.

Pabloundben.tumbir.com (mot de passe : adanak124)