Le café préféré du personnel des Éditions du Septentrion est le Faks, situé à deux portes, sur l’avenue Maguire, artère commerciale de Sillery. Les prix sont abordables, la bouffe savoureuse et l’ambiance conviviale. J’ai un parti pris : mon fils, Zac, y travaille!
C’est au Faks que nous nous sommes donnés rendez-vous aujourd’hui, mon épouse, moi et nos compagnons d’infortune, Pierre et Jo Bonavent de Perpignan, en France.
Compagnons d’infortune? Hélas, oui! Lors du retour de France le 9 décembre dernier, arrivant à Paris, de Nice et de Perpignan respectivement,.les deux couples ont eu ce rare privilège de se trouver à l’aérogare Charles-De Gaulle sous des rafales de neige suffisamment fortes pour exiger le dégivrage du Boeing 777 qui devait les transporter à Montréal. Peu habitué à ce genre de défi à ce temps-ci de l’année, le personnel des aérogares de Paris a mal répondu à l’appel, avec le résultat que nous avons passé trois heures et vingt minutes sur la piste à faire la queue avant de pouvoir nous faire arroser et décoller.
Impossible pour le gros appareil de combler le retard. Les voyageurs en correspondance à l’aéroport Pierre Elliot-Trudeau, dont les Bonavent et nous qui cherchions à nous rendre à Québec, ont été réaffectés à d’autres vols qui ne partiraient pas au cours de la soirée, car la première vraie tempête de l’hiver se déferlait tout au long de la vallée du Saint-Laurent : neige, pluie verglas!
À 22h50, nous avons appris que le vol de 23h15 sur Québec venait d’être annulé. Rien ne bougerait avant le lendemain matin! Les agents d’Air Canada, sans panique, se dépêchèrent de distribuer le numéro 800 d’un service de dépannage hôtelier. Débordés, les préposés des bagages ne purent ramener nos valises au carrousel domestique qu’à 1h30. Un peu tard pour prendre un hôtel et dormir à peine trois ou quatre heures. Aussi bien trouver un petit coin tranquille à l’aéroport et se coucher sur un banc. Voilà ce que nous avons fait, moi et mes compagnons d’infortune!
Aujourd’hui, avec Stéphanie, leur fille, et Kenza, leur petite-fille, nous pouvions en rire. Il y a à peine 15 jours, ce n’était pas rigolo! Si tout va bien, si Dame nature collabore, les Bonavent verront arriver la nouvelle année chez eux à Perpignan. Ils auront échappé à ce pays de neige et de glace pour retrouver la douceur de la mer au pied des Pyrénées.
Author Archives: Dean Louder
Ouvrages « franco-amériquains » de Michel Tremblay : traversées de continent et de ville
Pendant un quart de siècle, moi et mes collègues à l’université Laval offrions un cours au Département de géographie qui portait l’intitulé « Le Québec et l’Amérique française ». Ses objectifs généraux étaient au nombre de cinq :
(1) Situer dans le temps et l’espace les minorités francophones en Amérique du Nord.
(2) Connaître les circonstances qui ont donné naissance à une Amérique française et qui ont été à l’origine de son éclatement.
(3) Se familiariser avec le rôle que le Québec a traditionnellement joué en tant que foyer et source d’appui pour les francophones de la diaspora.
(4) Comprendre les notions d’ethnicité et de minorité à travers l’expérience des isolats francophones.
(5) Examiner la dynamique actuelle des rapports minorité/majorité dont l’assimilation, la prise de conscience ethnique, la solidarité, les politiques et les stratégies gouvernementales.
À ces cinq objectifs généraux s’adjoignaient deux objectifs spécifiques :
(1) Mettre en évidence l’une des réalités francophones canadienne ou américaine par le biais d’une excursion.
(2) Découvrir et approfondir les liens profonds qui lient chaque Québécois de souche à la diaspora canadienne-française.
Le premier de ces derniers objectifs se réalisait en groupe. À la fin de tous les mois d’octobre, pendant la semaine de relâche, nous partions en minibus ou en avion et minibus vers un « milieu minoritaire », c’est-à-dire vers l’Acadie, l’Ontario français, l’Ouest canadien ou l’une des communautés francophones aux États-Unis. D’ailleurs, la carte de nos péripéties se dresse de la manière suivante :
Avant de partir en excursion, dans le but de réaliser le deuxième objectif spécifique, chaque étudiant devait entreprendre une recherche personnelle sur un ou des membres de sa famille ayant pris la clé des champs, autrement dit, ayant pris la décision de s’établir ailleurs en Amérique du Nord. Inévitablement, les jeunes étudiants inscrits au cours prétendaient, dans un premier temps, ne pas en avoir ou, du moins, ne pas en connaître. Ils disaient toujours « nous sommes les gens d’ici », « personne de chez nous n’est parti ». Quelques conversations, cependant, avec grands-parents, « mononcles » ou « matantes » révélaient rapidement l’imprécision de telles perceptions. Nous osions leur dire—et j’y crois encore—qu’il n’y a pas de famille souche au Québec qui ne fasse pas partie de la diaspora canadienne-française. Il n’y a pas de famille souche au Québec dont une partie de l’histoire n’ait pas été écrite ailleurs en Amérique!
Un nouvel élément de preuve nous parvient ces jours-ci de nul autre que Michel Tremblay qui, en publiant La traversée du continent et La traversée de la ville, les deux premiers tomes de ce que deviendra, avec La traversée des sentiments, une trilogie, dévoile les origines franco-américaine et fransaskoise de sa mère « Nana », celle qui inspirera les Belles-Sœurs et tant d’autres histoires issues de l’imaginaire du plus montréalais de nos écrivains.
La Traversée du continent raconte le départ de Rhéauna, en 1913, de Sainte-Maria-de-Saskatchewan où elle vit en compagnie de ses petites sœurs chez leur grand-mère. En trois jours et trois rêves, elle traversera le Canada faisant connaissance avec des membres de la parenté—trois femmes aussi colorées et curieuses les unes que les autres—à Régina, Winnipeg et Ottawa. À Montréal, elle retrouvera sa mère dont elle sait si peu et que le lecteur découvrira dans le deuxième tome.
En effet, aux premières pages de La Traversée de la ville, on apprend la triste histoire de Maria Desrosiers, en rupture avec sa Saskatchewan natale. Établie à Providence, au Rhode Island, elle donne naissance à trois enfants, Rhéauna, Béa et Alice, qu’elle devra faire élever par sa mère à Sainte-Maria-de-Saskatchewan, car, devenue veuve d’un Français [de France], possiblement mort en mer, et dont la famille est installée au Rhode Island depuis la guerre de sécession, elle ne peut plus subvenir adéquatement à leurs besoins. Après des années de veuvage volontaire et une série de dépressions, elle autrefois si joyeuse, avait rencontré Monsieur Rambert qui lui donna, à son insu, un autre enfant. Se découvrant enceinte, Maria doit choisir. Rester au Rhode Island et faire face aux railleries et aux préjugés du petit milieu franco-américain, se faire avorter dans des conditions insalubres et dangereuses, chercher l’anonymat de la grande ville. Elle choisira Montréal, mais pour y vivre et élever l’enfant qui y naîtra, elle aura besoin d’aide. Qui mieux que la grande demi-sœur du nouveau-né, Rhéauna, dit « Nana », pour apporter ce secours, d’où la traversée du continent de Nana.
La publication de cette trilogie de Tremblay est à louanger, car de lecture facile et agréable, contrairement à Vandal Love de D.Y. Béchard (une nouvelle coqueluche de la littérature québécoise et un Kerouac réincarné selon plusieurs) et à La Grande Tribu, cette « grotesquerie », selon les mots de son auteur, Victor-Lévy Beaulieu.
*
Le premier aborde, lui aussi, la dimension continentale de la civilisation canadienne-française, relatant sous forme romanesque les aventures d’une famille dont les racines se trouvent en Gaspésie. Elle souffre d’une malédiction génétique qui a pour conséquence la production de rejetons aux deux extrêmes de l’échelle des grosseurs, des géants, d’une part, et des nains, d’autre part. Elle est aussi maudite sur les plans géographique et historique, ses membres à la dérive, sans repères, perdus dans le vaste continent.
Beaulieu poursuit, lui aussi, cette dualité compliquée, sauf que, pour lui, elle est incarnée au sein du même être. L’auteur de Trois-Pistoles postule qu’avant d’arriver au Québec les ancêtres de Habaquq Cauchon étaient moitié homme et moitié cochon. C’est cela qui aurait fait d’eux des rebelles, brigands et indisciplinés…des voyageurs et coureurs du continent.
Cette nouvelle préoccupation continentale des auteurs populaires fait plaisir aux géographes. Depuis une génération, les Morissonneau, Morisset, Trépanier, Waddell et Louder sont convaincus que la mobilité géographique tient la clé de la mémoire québécoise, ainsi que celle de la Franco-Amérique tout entière. C’est pour cela qu’ils font toujours attention de mettre sur le même pied patrimoine et destin, un destin qui est sans équivoque « amériquain ».
La disparition d’un autre Renoir (Alain, 1921-2008)
Les fidèles lecteurs de ce blogue ont découvert avec moi en 2008 quelques « secrets » de la famille étendue de l’artiste peintre, Pierre-Auguste Renoir. Il en est question dans deux entrées:
À la recherche de Victor Charigot, beau-père de Pierre-Auguste Renoir (13 septembre 2008)
Essoyes : une journée en présence d’un Pharisien (20 octobre 2008)
Ce matin, grâce à Bernard Pharisien, j’ai appris le décès d’Alain, petit-fils du grand peintre, et fils de Jean Renoir, cinéaste de renommée internationale. Sur son blogue, Serge Toubiana, directeur de la cinémathèque française, nous fait part aujourd’hui de sa rencontre en 2004 avec cet homme simple et advenant, figure emblématique d’une certaine Franco-Amérique:
http://blog.cinematheque.fr/?p=95
Le propos de M. Pharisien sur le décès d’Alain Renoir peut être lu dans les commentaires qui suivent les deux articles mentionnés ci-haut (Charigot et Essoyes).
« Villages québécois » sur la Côte d’Azur: un euro fait découvrir
De Nice…
…à Monaco,…
…quel beau chemin que la Basse Corniche et quelle aubaine! Pour la modique somme d’un euro, confortablement assis dans le bus numéro 100, le passager dévale en moins de deux heures les 100 km séparant Nice de Menton, petite ville située sur la frontière franco-italienne. Évidemment, entre les deux, c’est la côte d’Azur à son meilleur : Villefranche-sur-mer, Beaulieu-sur-mer, Eze-sur-mer, Cap d’Ail, Monaco et Roquebrune Cap-Martin. Depuis bientôt 20 ans, le Conseil général aura créé le réseau TAM (Transport Alpes-Maritimes) pour permettre à chacun d’organiser et de faciliter ses déplacements interurbains, qu’ils soient scolaires, professionnels ou ludiques.
Monaco, lieu de rêves, milieu mythique : Formule 1, Monte Carlo, Grace Kelly, Prince Rainier, les princesses Stéphanie et Caroline…et le Québec!
Et oui, le Québec, de grosses pancartes affichées à tous les cents mètres sur les principales artères de la Principauté : « Le Québec s’invite à Monaco ». Surprise! Je m’informe :
La commémoration du 400e anniversaire du [sic] Québec, trouve son prolongement en Principauté, avec une semaine entière consacrée à la Belle Province, où rencontres institutionnelles, culturelles, économiques et gastronomiques vont se succéder. À n’en pas douter, le sirop d’érable va couler à flot sur le « Village québécois », créé sur le Port Hercule. Des chalets attendent les visiteurs : produits régionaux et de l’érable, micro-basserie, expositions de photos, informations touristiques avec « Destination Québec ».
La gastronomie sera mise à l’honneur à l’Hôtel Fairmont Monte Carlo avec Jean-Michel BRETON, Chef Exécutif du Fairmont, Manoir Richelieu du Québec qui, à partir du 5 décembre, partagera à « l’Argentin » ses secrets culinaires avec tous les fins gourmets. « Le Café de Paris » accueillera du 11 au 14 décembre le Chef Stéphane MODAT du restaurant l’Utopie à Québec, en proposant trois menus thématiques, spécialement créés pour l’occasion.
En suivant les flèches, il est facile de trouver le village québécois…et les toilettes. Les petits écriteaux préparés « soigneusement » à la main annonçant cabane à sucre, cidre et viande de bison amènent l’eau à la bouche! Ce sera certes pour les Monégasques leur petite cabane au Canada!
Deux Montréalaises, engagées par une firme de la métropole et un Québécois, dans la vingtaine, exilé à Nice depuis sept ans y tiennent boutique, invitant les passants à goûter aux échantillons de ce lointain pays exotique. Chose inusité, le « village » est installé tout à côté de la patinoire où quelques jeunes de la place essaient, sans trop réussir, de démontrer leurs prouesses sur patins. Je demande aux dames de Montréal pourquoi on n’avait pas fait venir une équipe pee-wee du Québec pour épater la galerie en affrontant les meilleurs espoirs de la France. « L’année prochaine », a-t-elle dit en riant. Personnellement, je suis convaincu que cela aurait plus de « punch », attirerait plus de monde et ferait mieux connaître le Québec que la vente de tire sur neige et de viande de bison, aussi « savoureuses » soient-elles!
Deux jours plus tard, avant de quitter Nice pour rentrer au pays, j’ai de nouveau emprunté le réseau TAM, bus 200 cette fois-ci, direction ouest, destination Cannes, toujours un euro. Oups, rendu dans la ville du Festival du film, que vois-je? D’autres pancartes arborant la fleur de lys annonçant « villages de Noël, 400 ans de la ville de Québec et crèches québécoises ».
Autre visite d’un village québécois sur la French Riviera s’impose. Celui-ci ressemble beaucoup à celui de Monaco, sauf que les deux vendeuses sont de Rivière-du-Loup et non de Montréal. Celle qui dirige la faune humaine cannaise vers le « village », constitué d’un stand et d’une maison enneigée autour de laquelle se promènent ours polaires et phoques, est Française, membre de l’Association Cannes-Québec. Elle prévoit réaliser en octobre prochain, avec une quarantaine d’autres membres de l’Association, sa première visite au pays de l’érable, du bison, de la chemise carottée, du phoque et de l’ours polaire!
À la suite de ces visites aux « villages québécois » situés sur la Côte d’Azur, je me pose de sérieuses questions sur l’image que le Québec veut se donner en Hexagone…et peut-être ailleurs en Europe et dans le monde!
Pour nous attirer dans leur pays, est-ce que les Français emploient l’image vieillotte d’une baguette, d’une bouteille de vin rouge et d’un béret basque?
Un début de l’avent à Marseille
Phare spirituel de Marseille, Notre-Dame de la garde, douce et maternelle, veille sur sa ville, la plus vieille et la plus bigarrée de France. Le sanctuaire si cher aux Marseillais catholiques est l’œuvre d’Henri Espérandieu, réalisée sur une vingtaine d’années (1853-1874). La basilique est de style romano byzantin, aux marbres et aux mosaïques superbes. Elle est dominée par une statue colossale de la Vierge (9,7 m et 9 tonnes) dorée à la feuille, tenant dans ses bras l’Enfant Jésus.
Ce que je retiens, cependant, de mon bref passage dans la ville de Pagnol, c’est moins ce haut lieu—c’est le cas de le dire—que les choses simples, familières et familiales, les choses si courantes dans l’œuvre de cet auteur tant aimé. La chaleur et l’amabilité des hôteliers au Lutétia, situé à l’angle de la rue Gambetta et de la magistrale Canebière, faisaient reflet à l’esprit qui régnait ici en ce début de la période de l’Avent. Trois activités marquèrent mon passage à Marseille : la constitution sous mes yeux d’une crèche vivante, la vente au public de santons et la plantation du blé de l’espérance.
Crèche vivante. « Les animaux de Marino, une animation clé en main pour vos marché de Noël, foire, salon, événementiel, etc. » Et voilà, là, à côté du Lutétia, devant la mairie des 1er et 7e arrondissements de la ville de Marseille, une ferme a pris forme, accessible sans frais, aux enfants de la ville, leur rappelant dans un contexte semi biblique, la provenance de certains de leurs produits alimentaires et une vie campagnarde : âne, poney, chèvre, chien de berger, lapin, cochon d’Inde, chinchilla, dinde, caille, faisan, hérisson, renard, marmotte, sanglier…
Vente de santons. Des artisans marseillais tenant des kiosques de vente le long de la Canebière offraient des santons, ces figurines miniatures en argile, cuites, estampées et décorées à la main. La totalité de la production est réalisée en Provence, surtout dans la région immédiate d’Aubagne, petite localité située entre Marseille et Toulon. Chaque sujet est unique, le fruit d’une élaboration entièrement artisanale, les gouaches étant constitués à partir de pigments et de colles.
Plantation du blé. Le 4 décembre, jour de la Sainte Barbe est, selon une tradition venue de Provence, le jour où l’on plante du blé et des lentilles dans de jolies coupelles décoratives. Cette tradition, issue d’un antique rituel de fécondité, fournit l’occasion de partager avec des enfants une activité ludique et d’ensuite utiliser ces plantations pour décorer la crèche de Noël ou la table du réveillon. Partout à Marseille, aujourd’hui, le jour de la Sainte Barbe, les commerçants font la vente de petits sachets de blé. En achetant ces grains, on perpétue la tradition du blé de la Sainte Barbe et on soutient l’opération « Blé de l’Espérance » organisée par une association ayant pour but de récolter, grâce à la vente des sachets de blé, des fonds qui serviront à l’achat de matériel (médical, pédagogique, audiovisuel, informatique) en faveur des enfants hospitalisés.