L’année de la participation

En tant que résidente du Vieux-Québec, on peut dire que j’étais géographiquement privilégiée pour vivre à plein 2008, l’année du 400e anniversaire de la ville de Québec. C’est avec cette assurance que j’ai débuté les festivités dès le 31 décembre 2007.
Alors ce fut une année d’effervescence, une année d’émerveillement, de surprises et d’un peu de magie. Québec, ville de fonctionnaires? Laissez-moi rire. Vous avez été témoins, comme moi, du désir de participer et de s’amuser de ses citoyens, désir qui ne s’est pas démenti pendant toute l’année. Québec, c’était «the place to be». J’espère, tellement, que c’est cette image qui sera mise de l’avant quand on parlera de Québec désormais et pas les étiquettes faciles qui lui sont accolées depuis une dizaine d’années, et pas toujours par ceux qu’on pense en premier.
DSC05604.JPG DSC05768.JPG DSC05856.JPG
Oui il y a eu quelques ratés, mais ce que je retiens surpasse largement tout ça. La promenade Samuel-de-Champlain est certainement un magnifique legs je crois. Puis, je me suis plu à croiser les portraits de quelques personnages marquants de notre histoire du Musée du portrait d’Ottawa. Les voir sur nos édifices, j’ai trouvé ça, comment dire, émouvant.
DSC05211.JPG DSC05223.JPG DSC06539.JPG
DSC06650.JPG
En vrac donc, j’ai assisté à l’inauguration de l’exposition Or des Amériques au Musée de la civilisation, je suis allée voir le film Infiniment Québec de Jean-Claude Labrecque, j’étais au petit déjeuner donné à l’hôtel de ville marquant l’ouverture officielle le 3 juillet sous la pluie, au spectacle Rencontres, que je pouvais d’ailleurs entendre de la fenêtre de ma chambre, je suis arrivée trop tard pour le gâteau offert par le Château Frontenac, j’ai passé des après-midis complets à Espace 400e, plus particulièrement au bistro de la SAQ, et des soirées à assister à des spectacles, dont ceux de Jeanne Cherhal et de Yelle, j’ai participé au pique-nique gigantesque sur les Plaines, on peut me voir en tout petit sur la photo du 400 humains, je suis allée chanter «Chante-la ta chanson» bien fort au karaoké géant, j’ai participé à un rave silencieux, vu plus de feux d’artifice en une seule année que durant toute ma vie entière (j’exagère parce que j’adore vraiment les feux), j’ai presque pleuré en fredonnant «Hey Jude» au spectacle de Paul McCartney (avec qui j’ai deux degrés de séparation, oui oui), je suis allée à la baie de Beauport voir le merveilleux Chemin qui marche, j’ai grimpé les marches pour contempler le potager des Visionnaires une dizaine de fois, je suis allée aux expositions Le Louvre à Québec, les Juifs de Québec à la Gare du Palais, à Foule d’archives à l’église Saint-Jean-Baptiste, j’ai exploré les dessous de la terrasse Dufferin et j’ai été bénévole lors de l’inauguration du Centre de la francophonie des Amériques (cadeau de la France).
DSC05390.JPG DSC05395.JPG DSC05562.JPG
Est-ce que je suis fatiguée? Pas du tout, puisque en plus de tout ça, je suis allée comme à chaque année au Festival Antenne-A, au Festival d’été, au Festival de cinéma des trois Amériques et à l’International de musique folk de Québec. Bon, j’avoue, j’ai passé l’automne à dormir et mes cernes ne sont pas encore complètement disparus.
DSC05302.JPG DSC05306.JPG
Pour moi l’événement de tous les événements a été Québec plein la rue sur le boulevard René-Lévesque. Des artistes se sont produits sur les façades et les toits des édifices à la hauteur du Parlement. Il y avait du feu, de la neige artificielle, une boîte à musique géante dans les airs. J’ai plein de photos et de vidéos pour me rappeler ce merveilleux moment, j’étais comme une enfant éblouie. J’en parle et j’en ai encore des frissons. Je classe le Chemin qui marche juste en-dessous. C’était à couper le souffle, la mise en scène avec tous les personnages qui célébraient le fleuve, puis les rythmes de Champion et de Moby.
DSC02225.JPG
DSC01817.JPG
DSC04885.JPG
J’ai raffolé aussi du Moulin à images, création de Robert Lepage. Dès la sirène qui marquait le début du spectacle, j’étais captivée. Je l’ai bien vu à 5 reprises, parfois par une chaleur intense, mais aussi sous une pluie battante.
DSC04976.JPG DSC08520.JPG
Si les fêtes ont mal commencé pour moi (je parle du spectacle d’ouverture où je n’ai rien vu et de 400 ans chrono que je n’ai malheureusement pas pu voir également), je peux dire maintenant que le spectacle du Cirque du Soleil (que j’ai eu la chance de voir grâce à une amie bien ploguée) m’a fait vivre des moments que je ne suis pas prête d’oublier. Wow, wow, wow! Le numéro des trapèzes, avec la musique enveloppante, c’était ma-gi-que, je vous le dis.
Moi qui a couru toutes les activités jusqu’à épuisement, je dois dire que c’est mon côté «divertissement» qui a été satisfait. Mon côté historien, lui, cherche toujours. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Parce qu’un anniversaire, c’est se rappeler un peu tout ce qu’il y a derrière, non? C’est l’occasion de faire un petit bilan. Qui plus est, avoir 400 ans pour une ville en Amérique, c’est un peu comme souligner ses 30 ou 40 ans, ce n’est pas un anniversaire comme les autres. C’est marquer la beauté du geste de ceux qui ont choisi et construit l’endroit où j’habite aujourd’hui, c’est-à-dire la fondation d’une ville et d’un continent par les Français.
De quoi parlerons-nous pour nous rappeler le 400e? Certainement pas du spectacle de Céline Dion, auquel j’ai eu le grand bonheur de ne pas assisté étant à l’extérieur du pays au même moment. Et pas des expositions ou du feu d’artifices. De toute évidence, je dois déplorer l’absence d’un grand événement à caractère historique. Dans le fond, je pense que tout historien, parce que c’est ce que je suis avant tout, rêvait un peu à quelque chose comme le grand rassemblement de 1908 sur les plaines. Cent ans plus tard, c’est certain, on ne fête pas de la même manière. Quelle formule cela aura pu prendre, je ne sais pas trop. Une espèce de projection numérique sur les principaux édifices de Québec de scènes, de personnages, d’événements, tout au long de l’année, un peu comme ce qu’on a pu voir à 400 ans chrono? S’il est maintenant trop tard, ce n’est pas une raison toutefois de ne pas relever les lacunes. Peut-être que nous sommes seuls à nous plaindre de cela mais, comme nous sommes un peu les gardiens de la mémoire de cette ville et de ce pays, c’est notre premier devoir.
Tant qu’à parler d’histoire, que dire du débat stérile autour de Dugua de Mons et Champlain. Penser que des organisations que je respecte énormément sont embarquées là-dedans, ça me dépasse. En histoire comme en toute chose, le maître mot est lobbying. J’aurai appris cela.
Et la foule que j’ai côtoyée pendant près de 365 jours. Pu capable. Je pense entre autres au spectacle de McCartney. Je n’avais jamais vu autant de déchets – inimaginable – à mon arrivée sur le site, et ce, avant même le spectacle. Car j’en ai vu de toute sorte cette année. Oh oui et pas des plus roses. Je vous ai vu employés municipaux manifester à l’hôtel de ville le 3 juillet (vous cherchiez quoi, je n’ai pas encore compris), je vous ai vu hurler et vous battre pour un stationnement, marcher dans les fleurs du Jardin Jeanne-D’Arc à la sortie d’un spectacle pour sauver 2 minutes, je vous ai vu casser ô combien de bouteilles de bière, j’ai été assommé plus d’une fois par vos chaises pliantes sans excuses, et je me garde une gêne pour le reste. À la fin, j’en avais vraiment marre.
Parce que cette ville, c’est un peu la mienne (j’y vis depuis 12 ans) et de tels comportements, eh bien ça m’horripile. Moi, en tant que résidente de la partie historique, la ville m’a envoyé un beau dépliant pour m’inviter à ne pas laisser traîner mes déchets afin de montrer la plus belle image qui soit à nos visiteurs. C’est ma nature, je respecte les règlements. Alors que pour plusieurs, c’est la déresponsabilisation à la première occasion. Tout cela n’a pas altéré mon envie de célébrer mais j’avoue que j’ai eu besoin d’un long moment de repos.
Ce que je souhaite pour l’avenir? Des choses plus terre à terre comme le développement du transport en commun (dont l’interdiction des autobus touristiques au bruit infernal dans le Vieux-Québec) qui est anémique. Mais avant tout, je souhaite qu’on se rappelle de nous, de ce qu’on était en 2008, qu’on se rappelle des hommes comme Jacques de Blois qui ont tout donné pour donner à la ville ce visage qu’on se plaît tant à admirer. Moi je dis ça, je ne dis rien. Je souhaite finalement ce que toutes les générations ont rêvé avant moi, que cette utopie en Amérique vive et survive.
Personnellement, je me souhaite de conserver de ces petits frissons que j’ai connu en 2008, frissons face à la beauté, à l’ingéniosité, à la créativité, à l’audace des gens qui m’entourent dans cette ville et ceux d’ailleurs qui ont pris soin de nous offrir de ces cadeaux inoubliables.
Je vous invite à aller lire l’opinion d’autres blogueurs de la ville sur les fêtes du 400e : http://400ans400blogues.com/
DSC05059.JPG DSC05105.JPG
DSC08653.JPG DSC08682.JPG

7 thoughts on “L’année de la participation

  1. Beau bilan de 2008 à Québec. Superbe témoignage personnel. Il faut lire ta chronique et la dernière de Gaston Deschênes en même temps. Au début de ton long texte, je te croyais en désaccord avec lui, mais non. Plus loin, les grands esprits se rejoignent. Que la nouvelle année nous permette de nous épanouir autant que celle qui vient de s’écouler.


  2. Comme vous mon côté historien diplômé (en plus de l’avoir enseignée quelques années) sort déçu de cette année de célébrations mais en même temps content de tout ce qu’il a vu. Je vis en très proche périphérie du Vieux et je ne me lasse jamais d’aller m’y promener. Merci de ce beau témoignage tout en images et souvenirs. Je crois bien qu’on va l’avoir longtemps en nous, ce 400e ;-)



  3. J’ai lu avec beaucoup de plaisir ta rétrospective de l’année, qui m’a rappelé combien j’avais plusieurs activités et me fait encore regretter d’être resté chez moi le soir du Chemin qui marche… Je souligne la qualité de tes photos, la qualité de ton propos sur l’absence de l’histoire mais surtout tes commentaires sur les foules. Dans ma revue de fin d’année -publiée 1 journée en retard sur mon blogue http://acompted-auteur.blogspot.com/, j’ai évoqué le manque de classe des foules. Mais la bousculade d’hier soir me porte à m’interroger sur ma participation future à des activités gratuites. Un festival d’égocentrisme. Vivement les partys du 31 entourés simplement de mes proches.
    Bonne année 2009, chère Sophie!


  4. Très très beau tour d’horizon qui donne une juste place à la dimension festive (réussie) de 2008.
    Mais, « il suffisait de presque rien », pour inscrire cette fête dans un meilleur cadre historique et identitaire. Un peu, très peu de sous (par rapport au budget total), juste une sttitude difféente, pour changer les couleurs notamment, organiser au moins un « événement » à contenu résolument historique, entretenir un « préjugé favorable » envers les propositions venant des sociétés d’histoire et des intellectuels en général, au lieu de leur imposer de concevoir des prestations « festives » pour avoir du financement.
    Dommage, car on ne pourra pas se reprendre de sitôt, et, dans neuf mois, ce sera le 13 septembre 2009.


  5. Wow! Quel résumé Sophie! Tu fais vraiment le tour de cette année de célébrations et je me mords les doigts à la lecture de certains événements que j’ai manqués (mais on ne peut pas tout voir/faire n’est-ce pas?).
    Une bonne et belle année de 401è!


  6. Effectivement désolant que l’histoire passe en dernier dans un événement comme le 400e de Québec. Et j’ai bien peur que ce soit pareil à Gaspé cette année. Que restera-t-il de ces festivités sinon que les ouvrages historiques publiés hors des organisations en place.
    MM


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>