Deux brefs comptes rendus: d’un documentaire, d’un livre

Film :

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Hôtel La Louisiane n’est pas en Louisiane. Non, il est à Paris, là où la rue de Buci et la rue de Seine se croisent, au cœur de Saint-Germain-des-Près. C’est ici, depuis 75 ans, que règne un esprit de créativité et de liberté devenu légendaire. C’est ici aux années 50 que Jean-Paul Sarte et Simone de Beauvoir se tenaient lorsqu’ils n’écrivaient pas au Café Flore, à côté. Les Américains, Ernest Hemingway and Miles Davis, entre autres, sont passés par là. Davis et Juliette Gréco y furent photographiés ensemble en 1949.

Michel La Veaux, directeur de la photographie d’une quarantaine de films tournés au Québec depuis 1982, dont les plus récents Pour l’amour de Dieu (2012) et Le démantèlement (2013), adore cet hôtel où il descend à chacun de ses séjours parisiens. Son nouveau  documentaire est un hommage à ce lieu dont la simplicité et la sobriété se maintiennent de nos jours et à des artistes, littéraires et philosophes qui y sont passés et qui y sont encore.

L’hôtel se laisse difficilement filmer. Les passages sont étroits, les chambres petites, le décor laid, la peinture défraîchie. Les jeunes écrivains et artistes qui y demeurent l’avouent sans ambages, mais reconnaissent d’emblée la nature quasi sacrée des lieux qui incitent à la réflexion et facilitent l’écriture jour et nuit.

J’ai particulièrement apprécié les brides de conversation avec Juliette Gréco et les « flashbacks » d’elle à l’autre époque. Peut-on parler de « vedette » quand il s’agit d’un film documentaire ? Si oui, la véritable « star » est Albert Cossery que je ne connaissais point. D’ailleurs, c’est à lui, décédé en 2008, que La Veaux dédie son film. Cossery, surnommé « le Voltaire du Nil », car né au Caire en 1913, vécut 63 ans à l’Hôtel La Louisiane, sortant chaque jour à 14h30 faire son tour en dandy. Pendant ses six siècles à l’Hôtel, Albert n’a écrit que huit romans, ce qui correspondait parfaitement à sa philosophie personnelle, à savoir que la paresse n’est pas un vice, mais plutôt une forme de contemplation et de méditation.

L’heure passée au Clap à visionner Hôtel La Louisiane, en pleine période de la cohue entourant les fêtes de Noël fut, pour moi, un pur délice. Je m’y sentais un véritable disciple d’Albert Cossery.

Livre :

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Quel lien existe entre l’Île d’Entrée, cet ilot peuplé de 800 anglophones faisant partie de l’archipel des Îles-de-la-Madeleine, et le canton de Lingwick en Estrie ? Pour le savoir ou pour l’approfondir, je suggère fortement la lecture du nouveau roman, Entry Island de Peter May, auteur écossais habitant la France.

Sime Mackenzie travaille à la Sureté du Québec, rue Parthenais, Montréal. Faisant partie de  la Division des enquêtes sur les crimes contre la personne, il est affecté, en raison de sa langue maternelle, à l’investigation d’un meurtre ayant été perpétré à Entry Island. En fait, Sime est de cette génération de jeunes Anglo-Québécois ayant maîtrisé sa langue seconde au point de bien se placer dans la fonction publique québécoise. Il vient de Bury, près de Scotstown et de Gould, dans le Canton de Lingwick, mais se considère néanmoins Québécois pure laine. Jeune, aux genoux de sa grand-mère, il écoutait les histoires de ses ancêtres chassés de leurs terres en Écosse à l’époque des fameux « clearings », ce processus brutal ayant conduit des milliers de paysans à quitter la patrie pour essayer de se tailler une place sur les marges de l’Amérique du Nord. Ces histoires, la grand-mère les avait pigées dans un journal intime comptant plusieurs chapitres, écrit par l’ancêtre et préservé de génération en génération.

À cause de son divorce d’avec Marie-Ange, agente elle aussi à la Sûreté, qui l’avait trompé à la faveur de son patron, Sime souffre de l’insomnie. Il est hanté par des rêves, sinon des cauchemars, concernant l’histoire de sa famille, mais il ne réussit jamais à ramasser tous les morceaux. C’est parcellaire son affaire ! Une fois rendu aux Îles-de-la-Madeleine, en interrogeant Kirsty Cowell, celle qui est soupçonnée d’avoir tué son mari mal aimé, la chose se complique. Sime est convaincu d’avoir déjà vu cette dame quelque part, sauf qu’elle n’a jamais quitté, à toute fin utile, l’Ile d’Entrée. Le hasard veut que pendant les interrogatoires les deux, le policier et le suspect, découvrent qu’ils possèdent des bijoux arborant des symboles identiques. Lui une bague, elle un pendentif qui font évidemment partie du même ensemble. Comment résoudre les deux mystères, celui du meurtre et celui de la familiarité et de la similarité ?

Ce n’est qu’après avoir été mis en disponibilité par son supérieur à la suite d’une altercation au sujet de Marie-Ange et après être retourné en Estrie, auprès de sa seule sœur avec laquelle il avait entretenu peu de contact depuis des années et en plongeant dans les récits de son ancêtre que possède la soeur qu’il arrivera à résoudre les deux mystères, à mettre Marie-Ange derrière lui, à développer une relation affective avec Kirsty…et à dormir enfin.

Entry Island est une histoire remarquable. Son genre est certes celui de crime-fiction, mais bien plus encore, car grâce aux « flashbacks » il lève le voile sur les abominations du capitalisme britannique telles que pratiquées à l’endroit des paysans écossais. Le lecteur ou la lectrice est plongé dans l’histoire tragique de ce pays. Le roman est d’autant plus poignant pour nous au Québec par le clin d’œil qu’il fait sur les questions identitaire et linguistique. Non seulement sur les rapports entre l’anglais et le français, mais aussi par rapport au gaélique, car à leur arrivée ici, comme les Irlandais, les Écossais parlaient cette langue.


Paroles de documentaristes : Gladu et Lafond

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Cette semaine, au congrès de la Société canadienne d’anthropologie (CASCA), dans le cadre d’une séance consacrée à l’anthropologie visuelle, André Gladu a projeté et commenté son documentaire, Marron, réalisé en 2006. Celui-ci fait découvrir la culture créole de la Louisiane—« créole » dans le sens de « créole de couleur » ou « créole noir »—et ses influences sur le jazz et la musique Zydeco. Le film évoque l’esprit des Marrons, ces esclaves en fuite qui ont marqué l’histoire des Antilles et de la Louisiane et souligne, par le biais de la musique, la transmission de cet esprit à travers les générations dans deux contextes fort différents, l’un urbain (Nouvelle-Orléans) et l’autre rural (communauté de Soileau). La projection de Marron, d’une durée de 85 minutes, fut précédée de celle d’un court métrage (10 minutes). Noah présente un chant interprété de manière impromptue par trois Noirs créoles âge mûr habitant Opelousas. En rappelant, dans la tradition Gospel, la légende biblique du Déluge, ils font en même temps un clin d’œil à la Louisiane qui, à l’occasion, connaît, elle aussi, le déluge.

IMG_2615À la suite de la prestation, Eric Waddell et Louis-Jacques Dorais, professeurs de géographie et d’anthropologie respectivement, maintenant à la retraite, prirent la parole pour commenter les films et amorcer un débat qui fut bref, mais riche.

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Il s’agit de poser une simple question à ce cinéaste chevronné qui suit depuis 40 ans la piste des francophones d’Amérique pour qu’il disserte de manière intelligente, convaincante et passionnante pendant de longues minutes. En 2009, en le recevant à l’Ordre des francophones d’Amérique, le Conseil supérieur de la langue française a reconnu l’immense contribution d’André Gladu au rayonnement de la langue et de la culture françaises en Amérique:

(https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2009/10/02/andre-gladu-recu-a-lordre-des-francophones-damer/)

(https://blogue.septentrion.qc.ca/dean-louder/2014/04/19/trois-courts-metrage-dandre-gladu/).

En parlant de ces cinéastes qui réalisent les documentaires, cette semaine j’ai lu Un désir d’Amérique du documentariste, Jean-Daniel Lafond. Je dirais que Lafond est davantage connu aujourd’hui comme le conjoint, de Michaëlle Jean, ancienne gouverneure générale du Canada et actuelle Secrétaire générale de la Francophonie. Il n’en a pas toujours été ainsi.

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Dans ce livre autobiographique, Lafond raconte ses humbles origines dans un bled perdu de France au cœur de la deuxième Guerre mondiale, sa quête d’éducation, ses études en philosophie, ses rencontres avec de grands penseurs français, sa découverte du cinéma, et, enfin, son exil en 1974 au Canada/Québec qui lui valut la séparation de sa première conjointe et ses enfants. À Montréal se reproduira ce qui s’était déjà passé à Paris dans son cas, des rencontres avec l’intelligentsia et certaines personnalités du monde culturel dont Gaston Miron et Pierre Perreault, entre autres. Ce dernier lui aurait initié au terrain et l’aurait transmis non seulement de nouvelles techniques de la cinématographie, mais aussi sa passion pour la nature et les paysages.

Lafond ne nous épargne ni de ses nombreuses sautes d’humeur ni de ses combats occasionnels contre la langueur. Il partage aussi certains moments d’intimité extrême, comme celui vécu au Chili auprès d’une femme exilée en France à l’époque du putsch de 1973 que l’auteur a rencontrée à Montréal avant son retour au Chili. Dans ce pays longiligne, Jean-Daniel réalisera un rêve de toujours : visiter l’Île de Chiloé que son père lui avait montré dans un vieil atlas alors qu’il avait à peine six ans.

En ce qui concerne sa vie de vice-roi du Canada, ce lecteur reste sur son appétit. Peut-être sera-ce le sujet d’un nouveau livre…ou d’un film, pourquoi pas, c’est un cinéaste !

 


Maggie, Maggie, Maggie

J’admire tellement les gens capables de jouer sur plusieurs plans ou registres. On connaît bien l’œuvre de Gérard Bouchard, frère de l’autre et co-président de la Commission d’enquête sur les accommodements raisonnables. Ses analyses érudites et parfois percutantes de la société québécoise, de son histoire et de son destin font de lui un intellectuel engagé et, par conséquent, un polémiste redoutable. À l’occasion, cependant, il se transforme en romancier. Mistouk, Pikauba et Uashat, publiés respectivement aux Éditions du Boréal en 2002, 2005 et 2009, lui ont permis d’atteindre un autre public.

Il en est de même pour Daniel Lessard, ce Beauceron que nous apprécions depuis 30 ans à l’antenne de Radio-Canada. Fin observateur de la scène politique, Daniel animait pendant de nombreuses années l’émission hebdomadaire d’affaires publiques « Les Coulisses du pouvoir ». En assumant un rôle moins actif au sein de l’équipe de journalistes du diffuseur public, Lessard, lui aussi, s’est transformé en romancier, publiant en quatre ans, en raison d’un livre par année, quatre romans dont l’action se situe dans sa Beauce natale. Après avoir lu son ouvrage le plus récent, Le Puits (Pierre Tisseyre, 2014), inspiré d’un fait divers publié dans le journal local, je suis tombé par hasard, il y a 15 jours, sur son excellente trilogie qui suit Maggie, jeune hybride irlando-canadienne-française, depuis sa jeunesse pendant la Première Guerre mondiale jusqu’aux débuts de la Révolution tranquille.

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Maggie est une femme d’avant son temps. Très indépendante, elle ne peut sentir des curés—sauf un qui deviendra son ami et confident. Ils profitent du confessionnal pour se raconter des choses pas toujours très catholiques. Elle ne connaît pas « sa place ». Elle se croît égal aux hommes. Elle ne fait pas son « devoir » auprès d’un bon mari catholique qui lui est imposé par les paroissiens. Elle fréquente des Protestants de la petite communauté avoisinante de Cumberland et tombe amoureuse de Walter Taylor. Pour se libérer de l’emprise campagnarde de leurs deux communautés, les deux amoureux feront leur vie à Québec pendant une vingtaine d’années, jusqu’à temps que la mort emporte son compagnon et que Maggie retourne à Saint-Benjamin veiller sur sa vieille tante Mathilde qui lui avait servi de mère à la suite de la mort de sa propre mère insouciante et déséquilibrée. En y arrivant, elle découvre rapidement que les paroissiens n’ont pas oublié ses frasques d’autrefois et qu’ils ne demanderaient pas mieux qu’elle s’en retourne à Québec au plus sacrant ! Sauf un, le veuf, Athanase Lachance, père de deux filles, qui est éprise de cette femme pas comme les autres.

Maggie doit choisir : lier son destin à celui d’Athanase et ses filles, Laetitia et Madeleine, ou retourner à Québec poursuivre sa vie seule. L’amour étant parfois plus fort que la raison, elle reste à Saint-Benjamin. Elle et Athanase auront un fils, Maxime. Mais Maggie n’est pas à sa place. Se sentant constamment jugée et diminuée par les gens autour et limitée dans sa propre quête d’une vie à la hauteur de ses ambitions, Maggie se donne pour mission de convaincre Athanase, très attaché à sa terre et à ses animaux, de déménager en ville. Non, pas Québec, la distance de la Beauce et la grosseur de la ville ne jouant pas en sa faveur, mais plutôt Waterville dans le Maine, destination de prédilection pour tant d’émigrants beaucerons, y compris des cousins d’Athanase, ou Saint-Georges, ville en plein essor économique en raison de la guerre et grâce à ses légendaires entrepreneurs.

Un court voyage aux États suffit pour convaincre les deux, Maggie et Athanase, que, pour eux, cela ne pourrait pas marcher. C’est trop différent, surtout pour Athanase qui ne parle pas anglais. Sa vie avec Walter avait permis à Maggie de franchir la barrière linguistique. Non, ce serait injuste de demander à son mari de quitter le Canada. Ils se porteront plutôt acquéreurs d’une beurrerie à Saint-Georges et s’y installeront.

Athanase apprend vite son nouvel métier, les enfants s’adaptent à leur nouveau milieu, mais Maggie tarde à s’accomplir tant et aussi longtemps qu’elle restera à l’intérieur des quatre murs. Elle s’engage dans l’une des grandes usines du textile où elle observe les conditions de travail exécrables, tout en étant, comme les autres travailleurs et travailleuses, déplorablement exploitée par les patrons. Elle se lance évidemment dans le syndicalisme naissant, ce qui l’emmènera en conflit avec le gouvernement de l’époque : Duplessis et ses chasseurs de « communisses ».

Au printemps 1947, la Chaudière déversera son fiel sur les habitants de ses rives  et emportera la beurrerie et son mari. La vie de famille de Maggie en sera à jamais transformée. Quand la trilogie, prend fin—en 1962—Maggie se trouve enfin en paix, à sa manière, avec la religion, car Laetitia, toujours excessivement pieuse comme son père, prennent ses vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. Ô qu’Athanase aurait été fier ! À 62 ans, dans ce nouveau Québec dont les vents de changement soufflent si fort, elle fera face à de nouveaux défis à la mesure de ses aspirations et capacités.

Pourrait-on donc s’attendre à un quatrième tome qui accompagnera Maggie jusqu’à la mort. C’est à souhaiter, car Daniel Lessard, ce journaliste défroqué (à la retraite) a le don de faire vivre à ses lecteurs et lectrices, par le biais de ses connaissances profondes, de son imagination féconde et de sa plume si belle, les soubresauts et aleas de notre histoire !

 


« Coureurs des toits » : ode à l’hiver

Chaque fois que je fais le « snowbird » en quittant le Québec l’hiver, je me sens coupable ! Il me semble que si j’ai choisi de faire ma vie ici, je n’ai pas le droit de fuir les rigueurs de la saison froide. Je me devrais de vivre en vrai habitant : tuque sur la tête, gants couvrant les mains,  bottes dans les pieds, foulard autour du cou et paletot d’hiver ! Comment vraiment aimer le Québec sans aimer l’hiver ?

Heigi Piccinin, que j’ai rencontré pour la première fois en août 2010 à Moncton, dans le cadre du premier Forum des jeunes ambassadeurs, organisé par le Centre de la Francophonie des Amériques, aime l’hiver. C’est clair, tout comme les acrobates de haute voltige dont il fait l’éloge dans son nouveau documentaire « Coureurs des toits ».

« Coureurs des toits » s’apparente à « coureurs de bois », ces Canadiens (Canayens) légendaires qui parcouraient le continent en quête de liberté et de défis. Équipés comme des alpinistes, ces coureurs des temps modernes, ont comme montagnes à grimper des édifices à toits abrupts donnant directement dans la rue. Et pourquoi escaladent-ils le Château Frontenac, la basilique, l’église Saint-Roch et de nombreux autres points de repère du Vieux-Québec, des faubourgs et de la basse ville ? La raison est bien simple, même si la tâche ne l’est pas. Pour déneiger, pour déglacer, pour protéger les piétons et automobilistes qui seraient autrement susceptibles de se faire écraser par le poids des masses de glace et de neige qui pendent au-dessus de leurs têtes.

Pour moi, assis dans une petite salle bondée du cinéma Cartier, mais récemment rentré de deux mois passés dans le désert du Sud-Ouest américain, ce documentaire d’une durée de 41 minutes, m’a ramené à l’ordre, m’a rappelé la terrible beauté des tempêtes hivernales, m’a fait regretter ce que j’avais manqué.

« Coureurs des toits », des images à couper le souffle. Je ne peux qu’endosser l’articulation d’Éric Moreault, journaliste au quotidien Le Soleil :

Le panorama de la capitale n’est jamais aussi beau que dans cette lumière hivernale avec le Saint-Laurent, l’Île d’Orléans et les Laurentides comme horizon.

Ces quelques photos croquées sur le vif dans une salle de cinéma assombrie ne peut que donner une petite (et piètre) idée de la force, de la splendeur et de la sublimité de la nature et du courage des jeunes hommes et femmes qui essaient, à leur façon, de la dompter en courant les toits de la ville de Champlain.

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FullSizeRender-9Avec une bande sonore d’une légèreté et d’une douceur féériques, il s’agit, ce documentaire, d’une véritable ode à l’hiver !


Jack Waterman, vieillit-il mal?

Autant j’ai adoré Volkswagen Blues, publié il y a trente ans déjà, autant je trouve les romans plus récents de Jacques Poulin insipides et sans intérêt, y compris—et surtout—la dernière parution, Un jukebox dans la tête.

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Est-ce que c’est Jack Waterman qui vieillit mal ou son créateur ? Dans ce livre, Waterman habite toujours sa tour dans le Faubourg Saint-Jean-Baptiste. Dans ce récit, Mélodie, une jeune femme dans la vingtaine habite le même étage que lui, ainsi qu’un autre locataire mystérieux, invisible et inaudible. C’est dans l’ascenseur que Waterman rencontre la jolie rousse qui le charme en lui disant qu’elle admire beaucoup son œuvre littéraire, qu’elle a lu tous ses livres. Flatté, il l’invite à prendre le thé. Elle accepte et un dialogue s’amorce entre eux qui va les rapprocher de plus en plus. À tour de rôle, ils se racontent leurs parcours respectifs. Celui de Mélodie est tragique. Adolescente en fugue, elle prend refuge dans un kiosque surplombant le fleuve à Cap-Rouge qui appartient à un videur de bar du nom de Maurice aka Boris (Boris le bouncer). Jusqu’à temps que celui-ci lui fasse des avances, Mélodie s’y sent en sécurité. Lorsqu’il arrive enfin que Boris veut son « dû », la jeune fille lui flanque un coup de pied aux couilles et prend la fuite en « jumpant » un train de marchandise roulant lentement vers Estimauville. Un employé du CN a pitié d’elle et  la dirige vers une maison pour les femmes et les filles en difficulté, située sur la 3e avenue, où la directrice, la soeur de Waterman, l’accueille le temps de lui obtenir les papiers nécessaires pour réaliser son rêve d’aller en Californie. La directrice possède tous les livres de son frère et les étale tous dans la bibliothèque de la maison. Avant de partir, Mélodie a le temps de tomber en amour avec ces écrits qui vont l’inspirer sa vie durant.

Sa destination : San Francisco, bien sûr, où elle sera engagée par Lawrence Ferlinghetti pour travailler dans son City Lights Bookstore. Voilà ce qui revient inévitablement dans l’œuvre de Paulin : un lien, d’une manière ou d’une autre, avec Kerouac et les « beats ». Les dix années passées auprès des adeptes de « peace and love » suffisent pour convaincre Mélodie de rentrer au bercail, de renouer avec son passé et d’entamer une relation avec son auteur préféré. Entre alors dans le portrait l’« homme mystérieux » qui s’avère être Boris qui, par des gestes violents, enverra les deux à l’hôpital !

À leur sortie de l’hôpital, vivront-ils, Jack et Mélodie, « happily ever after » ? Je ne vendrai pas la mèche ici. À chacun de parcourir en deux heures ce petit roman de Jacques Poulin qui, malgré son manque de profondeur, nous épate en nous faisant sourire!