L’affaire Fortier et le prix du « gaz »

Jean Lapierre a suivi les séances de la Commission parlementaire de l’administration publique (CAP) sur l’affaire Fortier et n’aurait pas aimé « le spectacle ». « C’est le prix du gaz qui intéresse les gens », juge-t-il. Ses auditeurs auront naturellement compris que les parlementaires ont perdu leur temps et qu’ils devraient se consacrer aux vraies affaires.
Comme plusieurs autres observateurs, le chroniqueur vedette joue les « gérants d’estrade ». Il est trop facile de dire après coup que l’initiative de la CAP était inopportune, un « cirque » (comme on a pu malheureusement le lire dans Le Devoir), une « totale perte de temps » (selon La Presse, qui n’avait pourtant pas manqué d’attiser le feu dans les jours qui ont précédé les auditions) alors que personne n’a sourcillé, protesté ou émis le moindre doute dans les médias quand la CAP a décidé d’examiner cette affaire. Au contraire ! Un délégué du Québec congédié (rareté !), interdit de séjour (inédit !), pour une affaire de harcèlement (« psychologique ou sexuel ? », a-t-on entendu…) qui implique un intime du premier ministre (qui l’aurait protégé?) : toute la Tribune de la presse se délectait à l’avance et certains auraient payé leur place s’il y avait eu un « cover charge ». Monsieur Lapierre lui-même n’a-t-il pas fait un voyage spécial à Québec, pour voir ce qu’il aurait pu suivre à la télévision, lui qui n’en avait probablement jamais fait autant pour assister à un débat parlementaire « provincial »?
La comparaison que le chroniqueur de TVA fait entre le sujet qui a occupé la CAP (l’affaire Fortier) et celui qui intéresse les gens (le prix du gaz), paraît-il, est démagogique. Examiner la gestion du ministère des Relations internationales est dans les responsabilités et les capacités du Parlement du Québec. C’était le devoir des parlementaires de poser des questions sur le congédiement exceptionnel d’un délégué du Québec, et les « explications » nébuleuses de la ministre. Par bonheur, les oppositions ont pu faire convoquer une commission (ce qui aurait été impossible en situation de gouvernement majoritaire) et l’exercice s’est fait de façon civilisée (contrairement à certains interrogatoires du passé). Après deux jours, les députés ont compris qu’ils ne verraient pas le fin fond de l’affaire (à moins de revoir le mandat de la commission) et ils se sont résignés à fermer le dossier, laissant malheureusement les journalistes sur leur faim. Mais que voulait-on qu’ils fissent? S’acharner sur l’ex-délégué qui serait vite apparu comme une victime collatérale d’une opération politique? Étirer l’enquête pendant vingt-quatre séances comme l’Opposition officielle l’a fait en 1983, sans jamais réussir à démontrer que le premier ministre Lévesque avait menti sur son rôle dans l’affaire du « saccage de la Baie-James »?
Le prix du gaz (qui s’est ajouté aux déplaisirs du voyage de monsieur Lapierre) entre dans une autre catégorie. S’il existait une solution « praticable » par le Parlement, on serait justifié de déplorer son inaction dans ce dossier mais y a-t-il un spécialiste du pétrole ou du commerce international qui a proposé une solution législative (à la hausse du prix de l’essence) qui serait à la portée de l’Assemblée nationale ? S’il en existait une, il y aurait probablement déjà un ou deux parlements à l’œuvre quelque part en Amérique…
La loi de l’offre et de la demande n’est malheureusement pas « dans nos statuts », comme disait Maurice Bellemare.