Les malheurs de la vice-reine sortante ont occulté les premiers pas du nouveau représentant royal, ce qui a probablement fait son bonheur. Le jour de sa nomination, les journalistes étaient frustrés de ne pas obtenir d’entrevue mais on n’en a pas entendu parler depuis.
Plusieurs ont été étonnés par cette nomination. Le nouveau titulaire a occupé l’un de plus hauts postes de la fonction publique québécoise (secrétaire général de l’Assemblée nationale) pendant plusieurs années tout en demeurant presque inconnu du public. On pouvait le voir à la télévision tous les jours de session dans un rôle quasi muet, sa contribution la plus bruyante étant de donner le résultat des votes. Autrefois, il officiait lors l’élection du président, au début de la législature, mais le casting parlementaire veut maintenant que ce rôle soit joué par le doyen de l’Assemblée.
Du point de vue administratif, le rôle du secrétaire général est semblable à celui d’un sous-ministre : il dirige les services administratifs de l’Assemblée nationale; mais l’essentiel de sa fonction consiste à servir de « secrétaire » à l’Assemblée qu’il conseille en matière de procédure parlementaire. C’est sous sa responsabilité que sont préparés ou conservés les documents officiels : Feuilleton, Procès-verbal, originaux des lois, documents déposés, etc. Cette fonction requiert une stricte neutralité, une attitude réservée en toutes circonstances et la capacité de demeurer imperturbable, malgré tout ce qu’il peut entendre au Salon bleu. Et, de ce point de vue, le nouveau titulaire est sûrement bien préparé pour occuper une fonction qui n’a plus de contenu politique et qui implique un devoir de réserve. Il n’a pas joué sur le terrain politique jusqu’à maintenant et il y a peu de risques qu’il s’y aventure compte tenu des circonstances.
Cette nomination tranche radicalement avec la tradition. Depuis 1867, tous les lieutenants-gouverneurs avaient une expérience politique. Gouin et Chapleau étaient d’anciens premiers ministres. Sauf madame Thibault (qui a échoué dans ses tentatives pour se faire élire à Québec et à Ottawa), tous les autres avaient été parlementaires (député, conseiller législatif ou sénateur) ou ministres, à Québec mais surtout à Ottawa, et d’ailleurs exclusivement sur la scène fédérale depuis près d’un demi-siècle (Comtois, 1961).