Vu hier le film de Jean-François Pouliot, Champlain retracé, au Centre d’interprétation de Place-Royale, une annexe du Musée de la Civilisation. Un film impressionnant qui combine le jeu de Pascale Montpetit (incarnant une peintre qui essaie de réaliser un portrait de Champlain) et des séquences d’animation, le tout réalisé en stéréoscopie 3D, une technologie nouvelle qui, pour la première fois, sort des murs de l’ONF. Le film s’inscrit dans une « exposition » où on peut voir une immense maquette de la ville de Québec et 16 artéfacts amérindiens (des pointes de flèches) trouvés en 1966 pendant la construction du boulevard Champlain et montrés pour la première fois (ce qui n’est pas nécessairement une preuve de leur grand intérêt…).
Du point de vue historique, le contenu du film se résume à peu de chose : la question du portrait de Champlain, quelques paragraphes sur les premières années de Québec et le rôle du fondateur… On n’échappe évidemment pas à l’incontournable « clin d’œil » (décidément le mot-clé du 400e) au prétendu cofondateur.
Vue au printemps, Québec, une ville et ses artistes, qui rendait hommage à 22 artistes ayant œuvré depuis le XVIIe siècle jusqu’à la fin des années 1970. Une exposition fantastique qui est malheureusement passée en coup de vent pour faire place au Louvre.
Vue également l’exposition intitulée Espace Champlain à l’Hôtel du Parlement. Peut-on parler d’espace ? L’endroit est minuscule (un passage) mais il contient des choses intéressantes dont une gigantesque toile d’Henri Beau, L’arrivée de Champlain à Québec, une œuvre qui est « déroulée » pour la première fois depuis environ 75 ans, ainsi que les illustrations d’un manuscrit exceptionnel qui relate un voyage de Champlain aux Antilles et se trouve exposé pour la première fois au Canada. Le bien ne fait pas de bruit : l’Assemblée nationale a fait beaucoup de choses très pertinentes pour le 400e mais la presse n’assure pas toujours l’écho. Et ça se termine cette semaine.
Vue récemment l’exposition Foules d’archives (où on devine un jeu de mots…) organisée par l’Institut canadien et la ville de Québec. Des problèmes techniques ayant empêché sa présentation à la bibliothèque Gabrielle-Roy, elle squatte un recoin de la bibliothèque Saint-Jean-Baptiste et un passage (elle aussi !) du Parc de l’Artillerie : on l’a donc qualifiée d’« éclatée » pour ne pas dire « écartelée »… Divisée en quatre grands thèmes (Pouvoir et prestige, Honneurs et hommages, Châteaux et carnavals, Cultes et charité), elle « ouvre l’album-souvenir des grands événements et des lieux de rassemblements qui ont marqué l’histoire de la ville de Québec ». Des événements comme la Superfrancofête, la Conférence de Québec, les carnavals d’hiver, la visite du pape et le 300e anniversaire de la ville de Québec, mais aussi des parades, des cérémonies religieuses, et plusieurs autres « rencontres » sont évoquées avec documents d’archives de la ville (photographies d’époque, gravures anciennes, films, cartes postales, etc.). Le tout fait très « fin XIXe et XXe siècle » : il ne faut pas y chercher un survol de l’histoire de la capitale mais, à l’automne, dans le prolongement de l’exposition (qui se termine à la mi-octobre), une série de conférences sur Québec sera donnée par des historiens réputés dans les succursales de la bibliothèque de Québec. Pourquoi à l’automne et pourquoi pas à l’Espace 400e (où elles auraient remplacé avantageusement certaines rencontres écolos-gastronomiques) ?
Vus enfin les éphémères Souvenirs impérissables d’Expo-Québec, une présence inhabituelle dans ce genre de foire, des tableaux commémoratifs sculptés dans le sable et bien expliqués aux visiteurs qui prenaient la peine de se munir d’un audio-guide préparé avec l’aide des historiens de Cap-aux-Diamants.
À voir encore, quand on aura le temps (et on devrait l’avoir car elles durent longtemps, elles) :
·François, premier evesque de Québec, exposition consacrée à monseigneur de Laval (elle aussi littéralement écartelée entre Québec et Sainte-Anne-de-Beaupré),
·Plusieurs fibres, une même étoffe, qui raconte l’histoire des Juifs de Québec (gare du Palais),
·Une présence oubliée, qui expose l’histoire des huguenots (protestants) en Nouvelle-France (Musée de l’Amérique française).
En attendant l’exposition sur les familles-souches (les vraies oubliées du 400e, alors qu’elles sont de réelles «fondatrices de Québec»), que faut-il retenir du volet « exposition » de 2008 (en incluant Passagers/Passengers dont il a été question dans une note le 20 juin) ?
Notons d’abord qu’il faut payer pour voir Champlain retracé, Québec, une ville et ses artistes, Souvenirs impérissables, François, premier évesque de Québec et même Passagers/Passengers, alors qu’on peut avoir Aznavour, McCartney, Deschamps, Céline, Garou, l’OSM, et presque toute la partie chantante de l’Union des artistes gratis. Un « gros festival d’été », disait-on ?
Les expositions sont nombreuses mais de maigre envergure du point de vue du thème ou des moyens, quand ce n’est pas les deux. L’Espace Champlain de l’Hôtel du Parlement aurait mérité un peu plus… d’espace. Foules d’archives encore plus, évidemment, car c’est la seule qui s’est approchée de ce qu’aurait pu être une exposition sur Québec. Le très original Champlain retracé a dû coûter cher la ligne. Québec, une ville et ses artistes ainsi que l’exposition sur le premier évêque ont sûrement exigé beaucoup de ressources pour des sujets limités (dans le cadre de 2008), sauf le respect que je dois à monseigneur et aux artistes.
En d’autres mots, 2008 passera à l’histoire pour avoir célébré le 400e anniversaire du berceau d’une nation sans avoir offert aux Québécois et aux autres francophones d’Amérique une seule exposition d’envergure sur le berceau ou la nation. Le 400e a mis tout son budget d’exposition dans Passagers/Passengers, qui pourrait servir de message publicitaire à Immigration-Canada, le Musée de la Civilisation a préféré l’or des Amériques et le Musée national des beaux-arts, les trésors du Louvre.
Comme disait mon professeur de latin : Qui potest capiere capiat.