J’aimais bien Jean O’Neil, le maître du tourisme littéraire. En fait, par chauvinisme, je me suis intéressé aux livres qui contenaient des récits sur la Côte-du-Sud, comme Promenade et tombeaux, Géographies d’amour et surtout L’Île aux Grues.
Dans son dernier ouvrage, il traite des grands auteurs français qui l’ont inspiré, les Claudel, Montpassant, Rimbaud, Péguy, Daudet, etc. Pour ce faire, il est allé revoir les lieux où ces auteurs ont vécu.
À l’intention de ceux qui n’avait pas noté son absence, il a laissé quelques mots, dans le premier chapitre de son ouvrage, pour exprimer son bonheur de se retrouver « en congé provisoire dans ce Paris libérateur » après un exil de « quarante ans dans le péquisme grisouilleux de [son] pays » : « Car le bonheur m’est plutôt interdit au Québec. Le péquisme politique agonise comme une vieille chandelle qui fume au dernier bout de sa mèche, mais le péquisme culturel est toujours florissant, omniprésent, larmoyant, voire misérabiliste, heureux dans un nationalisme culturel plus taré que la consanguinité des villages perdus. La peinture seule semble avoir eu la grâce d’y échapper. La musique, je ne sais trop. Mais la littérature, j’en suis tellement loin que je ne la lis plus et que je m’en sauve. »
Il est donc parti, « en congé partiellement subventionné […], gracieuseté du Conseil des Arts du Canada » pour aller voir les « maîtres » qu’il a tant aimés, « faute de trouver des frères » dans son pays.
Le chroniqueur de L’Actualité a fait sa recension sans sourciller, apparemment; celui du Devoir a noté que le voyage commençait mal. « Pour justifier le bonheur français que lui ont procuré ces pèlerinages, O’Neil se sent obligé, en ouverture, de vomir sur un Québec qu’il dit vénérer […]. Que veut-il, au juste, dénoncer? On ne le saura pas vraiment. […] cette hargne, qui emprunte ses accents aux brouillons et colériques Jean-Paul Desbiens et René-Daniel Dubois, restera gratuite et navrante. […] J’ai toujours cru, quant à moi, que l’amour des cousins ne gagnait rien à se nourrir du mépris des frères ».
Pour ma part, ne bénéficiant pas du « service de presse », je me suis arrêté aux premières pages que j’ai lues au comptoir où le livre est resté.