Faire parler les morts

L’amour filial, un peu de partisanerie, et « quelque diable aussi [le] poussant », aurait ajouté La Fontaine, un fils de l’ancien premier ministre Jean Lesage s’est scandalisé de voir Jacques Parizeau « se lancer dans des envolées vitrioliques contre les politiques de Jean Charest » lors de son passage à TLMP. « Il n’est pas candidat et son seul titre est d’avoir été premier ministre. Comme tel, il devrait s’imposer un devoir de réserve des plus stricts. [Jamais mon père] n’aurait même songé un instant à avoir un tel comportement après s’être retiré » (La Presse, 18 novembre 2008).
Jean Lesage est mort plus jeune que monsieur Parizeau; il a eu moins d’occasions de participer aux campagnes électorales. En 1970, il venait de « quitter » la direction du Parti libéral et n’avait probablement pas le goût de faire campagne avec ceux qui l’avaient poussé vers la sortie; en 1973 et 1976, c’est le Parti libéral qui demandait de nouveaux mandats; finalement, sa mort (1980) ne nous a pas permis de voir ce qu’il aurait pu faire contre René Lévesque aux élections de 1981. Entre-temps, toutefois, il était remonté dans l’arène pour combattre le projet souverainiste. Pendant la campagne référendaire de 1980, il est intervenu dans un rassemblement monstre où il aurait été le meilleur orateur, selon Dale C. Thomson, son biographe, qui précise que Lesage avait tenu à respecter cet engagement même s’il avait appris le matin même qu’il était atteint de cancer de la gorge. Louons sa détermination mais, pour ce qui est du devoir de réserve, on repassera.
Il ne serait pas difficile de trouver d’autres cas de premiers ministres sortis de leur retraite et de leur réserve. Pierre Elliot Trudeau est intervenu tellement « efficacement » dans le débat sur l’accord du lac Meech qu’on peut lui en attribuer une bonne partie de l’échec. Et, en ce moment même, Jean Chrétien négocie pour faire tomber le gouvernement Harper.
Qu’aurait fait Jean Lesage dans de telles circonstances? La même chose, peut-être, mais il est bien hasardeux d’essayer de faire parler les morts.

Une réflexion au sujet de « Faire parler les morts »

  1. Mais d’où nous vient ce « devoir de réserve » que l’on exige des politiciens qui ont quitté la scène ? On peut le comprendre d’un chef démissionnaire qui s’abstient de commenter le mandat de son successeur, d’autant plus si ce successeur est en partie responsable de son départ. Même chose s’il est défait aux élections. Les perdants se doivent d’encaisser les coups. Pour un certain temps du moins.
    On tolère qu’un député en exercice, André Arthur, qui siège comme indépendant, mais appuie le gouvernement conservateur, de jouer à nouveau les animateurs et d’interviewer des élus. Pourquoi se priver de l’expérience, personne n’est naïf et on sait très bien où loge « Monsieur ». Pourquoi exiger le silence de tous ceux et celles qui se sont engagés en politique dans le passé avec tout le dévouement et la passion que cela implique ?

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