Dans La Presse du 18 février 2009 (« Détournement de l’histoire »), un docteur en histoire dénonce le « kidnappage » de l’interprétation de la bataille des plaines d’Abraham par « les tenants de l’option souverainiste » qui imposent une « version misérabiliste de l’histoire du Québec ». Le docteur Marc Simard plaide que « la Conquête n’a pas eu que des effets négatifs sur les Canadiens français, au contraire. Doit-on rappeler, entres autres, que… ». Et suit une liste de « preuves » qu’il serait trop long s’analyser ici mais dont il importe de relever les deux plus étonnantes.
L’auteur rappelle d’abord que les Canadiens français ont pu « jouir des bienfaits de la démocratie parlementaire par l’Acte constitutionnel de 1791, ce qui leur a permis de faire valoir leurs droits ». Sur cette question, il faut d’abord savoir que le conquérant a attendu 30 ans avant d’octroyer à sa nouvelle colonie majoritairement francophone des institutions parlementaires qui existaient dans toutes les autres colonies anglaises en Amérique du Nord au moment de la Conquête. C’est seulement sous la pression des immigrants loyalistes qu’il a daigné concéder un Parlement qui n’était alors rien d’autre qu’un gros groupe de pression et qui ne permettait aucunement l’exercice de la démocratie puisque les conseillers législatifs nommés par la Couronne et le gouverneur pouvaient bloquer les initiatives des élus. Les Canadiens français ont connu cinquante ans de luttes et de débats, incluant deux rébellions, avant de « faire valoir leurs droits » et voir naître la responsabilité ministérielle mais, malheureux « hasard », au moment où s’instaurait finalement la démocratie, ils devenaient minoritaires dans le Canada-Uni…
La dernière preuve apportée par le professeur Simard est encore plus saugrenue. Il inscrit parmi les avantages de la Conquête le fait « que le rapatriement de la Constitution en 1981-1982 a été autorisé par la Cour suprême et accepté par les neuf autres provinces ». Le rapatriement unilatéral cautionné par neuf provinces et un banc de juges majoritairement anglophones serait un bienfait de la Conquête? Reniant leurs promesses référendaires de 1980, Ottawa et le reste du Canada ont unilatéralement imposé au Québec une Constitution qui réduisait les pouvoirs du seul Parlement francophone de l’Amérique du Nord! Depuis, aucun gouvernement québécois, souverainiste ou libéral, n’a accepté de la ratifier, mais ce triste épisode rend monsieur Simard heureux…
Faut-il encore argumenter quand l’interlocuteur compte dans son propre but?