L’affaire Rapaille nous a bien fait rire mais, comme le veut le dicton popularisé par les humoristes de Croc, « ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle ».
Prendre conseil auprès de spécialistes (surtout s’il ne coûte que « cinq cennes »…) aurait été utile. Voici d’ailleurs ce que pense Pierre Balloffet, professeur de marketing à HEC Montréal, du branding, le marquage, qui, nous apprend-il, trouve son origine étymologique dans le mot français « brandon », soit l’empreinte faite sur le bétail avec un fer rouge.
« Marquer un objet, c’est en effet en prendre possession. Ce qui est vrai pour un produit ou un service commercial l’est aussi pour un lieu ou une institution. Les études menées par l’auteur de ce texte dans le cas des villes mettent toutes en évidence le rapport ambigu de la population à l’égard de ce type d’exercice de branding.
« Instinctivement, l’agacement, sinon la résistance de la population, lors de la définition puis de la projection de l’image de sa ville, mettent en relief deux sentiments: une impression de perte d’appropriation ou de spoliation du lieu au profit d’une image qui apparaît comme le reflet d’une identité décidée et imposée; le ridicule perçu d’une image très réductrice, car incapable de rendre pleinement compte de la complexité de ce qui forme en définitive une cité.
« L’image d’une ville, sa réputation, est en effet le résultat dans la durée de multiples gestes et initiatives, parfois heureux, parfois non, souvent contradictoires. C’est de ces mouvements incessants que naît en définitive l’image de la ville. Il est possible de s’interroger sur la pertinence d’un exercice qui vise à définir cette image non plus comme un résultat ou un résidu, mais comme un cadre préalable. Il est difficile de ne pas voir dans cette réduction au dénominateur commun un exercice assez stérile. […]
« La marque est d’abord et avant tout un artifice commercial. […] appliquer sa logique à un autre contexte, celui de la ville, par exemple, est un exercice des plus périlleux, certainement pas neutre ni innocent, dont l’à-propos et la légitimité doivent donc être questionnés [La Presse Affaires, 12 avril 2010, http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/201004/12/01-4269427-une-ville-comme-une-image.php ]. »
On aura compris que les Québécois qui ont manifesté leur scepticisme devant cet exercice incongru n’étaient que normaux.