La démission de Claude Béchard a provoqué un événement exceptionnel que sa mort est venue aussitôt occulter, temporairement. C’est un peu bête à dire mais ce drame fait en sorte que le gouvernement du Québec est maintenant majoritairement féminin, un précédent en Amérique et un fait rarissime au niveau mondial.
Avec la répartition des responsabilités de Claude Béchard entre deux collègues, le Conseil des ministres comprend 11 hommes et 12 femmes dont l’histoire retiendra les noms : ce sont les ministres Normandeau, Gagnon-Tremblay, Beauchamp, Courchesne, Boulet, Saint-Pierre, James, Weil, Thériault, Ménard, Blais et Vien. La minorité masculine comprend les ministres Fournier, Bachand, Bolduc, Hamad, Lessard, Gignac, Dutil, Arcand, Corbeil, MacMillan, Simard.
A-t-on oublié quelqu’un? Le premier ministre? Vous êtes en retard. On ne le compte plus dans le Conseil des ministres depuis mai 2007. Le premier ministre avait alors invité neuf hommes et neuf femmes à former son cabinet, ce qui lui permettait de dire qu’il avait un cabinet paritaire… même si le site du Conseil exécutif tout comme celui de l’Assemblée nationale donnaient bien un Conseil des ministres de 19 membres, incluant naturellement le chef du gouvernement. Toute la presse parlementaire a accepté cette nouvelle façon de calculer. Un chroniqueur politique en vue, à qui je demandais comment 9 et 9 faisaient 19, me répondit avec humour : « Vous avez raison, bien sûr. Mais vous qui êtes sûrement un sage et un malin, devriez savoir qu’en politique, 9 et 9 font 19 et non pas 18 »…
La même situation s’est reproduite après le dernier remaniement. « Nous sommes maintenant à 24 et nous resterons à 24 », disait le premier ministre le 11 août dernier, en oubliant encore sa propre personne. L’information diffusée sur son site Internet en donnait 25 mais qu’importe.
Pas facile de faire abstraction du premier ministre au moment où Marc Bellemare le considère comme le pape ou le bon Dieu! Mais ces visions ne sont pas contradictoires. Depuis le temps que les politicologues nous disent que le premier ministre n’est plus le « premier des ministres » (le « primus inter pares ») mais un « monarque élu », qui domine complètement ses collègues, nous en observons finalement les effets concrets : le Conseil des ministres ne rassemblerait plus les conseillers exécutifs du souverain (ou de son représentant) mais ceux du premier ministre.
Pour les analystes qui ont un point de vue « classique » sur nos institutions — point de vue qui se reflète encore sur le site même du Conseil exécutif (http://www.premier-ministre.gouv.qc.ca/equipe/conseil-des-ministres.shtml) —, hommes et femmes sont depuis une semaine, pour la première fois, en nombre égal au Conseil des ministres (12-12). Si on suit la logique établie par le premier ministre depuis trois ans, et entérinée par la classe politique, les femmes y sont en fait majoritaires (12 sur 23). Que la chose soit passée inaperçue nous indique peut-être que, dans un cas comme dans l’autre, elles ne sont pas au pouvoir pour autant.