Le projet de loi dont il a été question cette semaine aura au moins un effet positif : celui de faire progresser nos connaissances sur les projets de loi d’intérêt privé, mieux connus sous le nom de « projets de loi privés » ou encore « bills privés ». Même les députés en ont appris, alors, que dire des pauvres lecteurs de journaux ? Après plusieurs jours de débats et de reportages, il leur en manque encore des bouts.
Les projets de loi d’intérêt privé ont nécessairement un aspect exceptionnel, autrement, on n’en aurait pas besoin : les lois d’application générale suffiraient. Les « bills privés » visent à régler des cas particuliers et, presque toujours, permettent une dérogation ou une exception aux lois d’application générale.
Un projet de loi concernant des intérêts particuliers ou locaux est présenté par un député mais, comme le précise le Règlement de l’Assemblée, « ce dernier ne se porte pas garant de son contenu et n’en approuve pas nécessairement les dispositions ». Intéressant.
Habituellement, ces projets de lois ne font pas de bruit car ils n’ont d’impact que sur les personnes visées par leurs dispositions évidemment ciblées. Pour s’assurer qu’il n’y a pas de tiers potentiellement lésés, la personne qui demande l’adoption du projet de loi fait publier, dans la Gazette officielle du Québec, un avis décrivant l’objet du projet de loi et « invitant toute personne qui a des motifs d’intervenir » à se manifester auprès de l’Assemblée nationale. Cet avis doit aussi paraître une fois par semaine pendant quatre semaines dans un journal circulant dans le district judiciaire de la personne intéressée.
Dans le cas du « Nordiques Bill », il n’y a évidemment pas eu d’avis et le fait sera soulevé lors de la présentation du projet. Il faudra donc un consentement pour déroger au Règlement de l’Assemblée, d’où le premier vote unanime requis.
Cette absence d’avis a cependant d’autres conséquences. Les personnes intéressées à intervenir auront-elles le temps de se manifester ? Comme le projet de loi (que personne n’a encore vu…) aurait pour but d’empêcher toute contestation judiciaire de l’entente Québec-Québécor, tous les contestataires potentiels sont théoriquement concernés ! On nage dans la virtualité. Qui pourra intervenir ? Comment la présidence va-t-elle gérer les demandes d’intervention ? On verra.
Comme le projet sera présenté après le 15 mai, il ne pourra être adopté pendant la période de travaux en cours, soit avant les vacances estivales, à moins d’obtenir un autre « consentement unanime » pour déroger à cette règle sagement inspirée par le président Richard Guay, lors de la réforme parlementaire de 1984, pour empêcher la présentation à la sauvette, l’étude sous pression et l’adoption à la vapeur de projets de loi minute qui ne perdent rien à reposer au frigo jusqu’à l’automne.
2 réflexions au sujet de « Le « Nordiques Bill » (titre provisoire) »
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Merci!
Enfin quelqu’un nous explique clairement la situation.
Merci de labourer ce champ négligé des projets de loi d’intérêt privé, complètement inconnu de 75 % des journalistes qui en parlent, de 90 % des députés qui en discutent, et de 100 % des lecteurs qui lisent à ce sujet.
La procédure parlementaire, qui sert, entre autres, de règle applicable à la présentation et à l’adoption des projets de loi, tant publics que privés, a été complètement occultée durant le simili-débat qui a cours dans les radios et les chaumières depuis des semaines au sujet de l’amphithéâtre appréhendé de la Ville de Québec. Car il s’agit là, n’est-ce pas, du besoin fondamental de la société québécoise à l’heure actuelle. La question, ou plutôt la réponse, c’est : il faut un aréna. Il n’y a plus de question, plus de règles, plus de délibération. Il faut 400 millions $. La discussion n’a plus sa place, la légalité du contrat non plus. Non plus, maintenant, que le droit d’un citoyen de contester la validité d’un acte administratif posé par une ville. Parce que « ça presse ». Parce qu’après le 7 septembre « il va falloir renégocier ».
Même la députée qui accepte de marrainer le projet de loi n’a pas jugé utile de mentionner qu’elle agissait comme courroie de transmission (comme pour la présentation d’une pétition), non comme procureur de la cause.
On dira qu’il existe de nombreux exemples de telles législations visant à rendre illégale la contestation judiciaire de décisions prises par une administration publique. C’est vrai : cela existe en Iran, en Russie, en Égypte, au Yemen, en Arabie Saoudite, au Venezuela, en Corée du Nord, au Khasakstan, même en Chine.
Votre intervention, monsieur Deschênes, achève de me dissocier de ce misérable dossier.