Dans La Presse du 24 septembre, Patrick Lagacé résumait sa conversation impromptue avec un policier de la SQ rencontré par hasard : « En quatre phrases, ce flic résume ce qui suinte de l’escouade Marteau, depuis deux ans, hors du cadre rose des communiqués de presse : fouiller dans les banlieues sans conséquence, oui, les boys, allez-y… Mais quand les boys ont des pistes qui remonteraient vers des gens qui pèsent plus lourd politiquement, ouain, ben, les boys, êtes-vous vraiiiiiment sûrs que vos pistes sont sérieuses? ». (http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/patrick-lagace/201109/23/01-4450915-bonjour-la-police-politique.php)
Et, comme un écho, dans la page suivante du même journal, Caroline Touzin écrivait : « Après avoir reçu le dossier de l’Unité permanente anticorruption sur l’ancien ministre libéral Tony Tomassi, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a demandé aux policiers d’approfondir leur enquête ». (http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201109/24/01-4450949-enquete-approfondie-sur-lancien-ministre-tomassi.php)
Cette enquête, rappelons-le, porte sur l’utilisation d’UNE carte de crédit par UN député, mais elle dure depuis 16 mois…
Le patron de la SQ s’insurge évidemment lorsqu’on remet en question l’indépendance de la police. On veut bien le croire, mais ce n’est qu’une facette de la question. Quand l’enquête est terminée, le dossier passe sur le bureau d’un procureur de la Couronne et du Directeur des poursuites criminelles et pénales. C’est là qu’on décide s’il y aura poursuite ou non. Tous ces « gens de robe » sont sûrement honnêtes, mais ils relèvent du ministre de la Justice qui se trouve aussi, actuellement, leader parlementaire du parti au pouvoir.
Notre régime veut que le titulaire de la Justice et procureur général soit un membre du gouvernement. Ce cumul illustre parfaitement la séparation boiteuse des pouvoirs dans le régime parlementaire mais faut-il que la Justice relève du ministre qui exerce probablement la fonction la plus « explicitement » partisane au Parlement?
Depuis la création de la fonction de leader, en 1965, jusqu’à l’avènement du gouvernement actuel, on ne trouve que deux brèves périodes de cumul : Rémi Paul, du 23 juillet 1969 au 12 mai 1970, et Gérard D. Levesque, du 30 juillet 1975 au 26 novembre 1976. Depuis 2003, Jacques Dupuis a exercé les deux fonctions, tout aussi brièvement, du 27 avril 2004 au 18 février 2005, et le ministre de la Justice actuel est aussi leader parlementaire du gouvernement depuis le 20 septembre 2010.
Est-ce un hasard s’il n’y a pas eu de cumul pendant plus d’une génération? Les premiers ministres l’ont-ils volontairement évité de 1976 à 2004 (tout comme ils ont évité d’assumer personnellement le portefeuille de la Justice depuis 1959)?
Confier la Justice à un ministre plus « discret » serait plus prudent et contribuerait à maintenir le respect envers cette fonction. On éviterait les situations ambigües vécues récemment quand le leader-ministre a attaqué le site Vigile pour des propos supposément haineux (http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2011/03/24/003-vigile.net-antisemite-parti-quebecois.shtml) puis enjoint François Legault de respecter la Loi électorale, sans vraiment l’accuser de l’enfreindre (http://www.ledevoir.com/politique/quebec/331025/fournier-demande-a-legault-de-respecter-la-loi). Comme le disait le leader parlementaire de l’Opposition officielle dans le cas de Vigile : « Si des propos haineux ont été tenus à l’encontre du Code criminel, [le ministre] a une responsabilité de s’assurer de l’application de la loi ».
Pour l’instant, le shérif semble dégainer plus vite contre les gringos que devant les amigos, ce qui projette une bien mauvaise image de l’administration de la justice.