Dans le collège que j’ai fréquenté il y a cinquante ans, une institution classique disciplinée dirigée par des clercs de leur époque, les étudiants n’avaient pas moins d’imagination qu’aujourd’hui et produisaient en catimini des « chefs-d’œuvre » de littérature populaire qui n’avaient rien à envier à ce qu’on pouvait probablement entendre dans d’autres milieux, à la taverne du village, autour d’un feu de grève après cinq bières, dans les chantiers ou les usines. Grivoiseries, gauloiseries, parodies de chants populaires ou religieux, bravades contre autorités en tous genres : nous n’avions rien inventé en matière de bêtises et nous n’avons pas beaucoup de leçons à donner aujourd’hui. On ne citera pas d’exemples ici, mais… Bon, seulement un. Je me souviens d’avoir entendu chanter dans une « séance » organisée chez la deuxième voisine : « Ô Canada ! (crotte de rats) / Terre de nos aïeux (crotte de bœufs) / Ton front est ceint (crotte de chiens)… » Et ainsi de suite, jusqu’à épuisement du « stock ». Ce n’était pas brillant, mais les plus vieux (vieilles) du groupe n’étaient pas plus qu’adolescents (tes).
Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, et en dépit de nos prétentions artistiques, nous n’aurions jamais imaginé que ces œuvres puissent être diffusées au-delà des murs (ou des clôtures) de leur lieu de production ; seule la tradition orale en a conservé quelque trace, et encore, en ne gardant souvent que le plus racontable.
Ce souvenir m’est venu à l’esprit en lisant les « paroles » de quelques chansons du groupe de musiciens qui a eu son heure de gloire récemment grâce à nos plus hautes autorités politiques nationales et municipales. Dans le Québec d’aujourd’hui (et probablement ailleurs, car nous n’avons pas le monopole de la bêtise), les polissonneries peuvent être mises en ligne, en ondes, en disques ou en spectacles, urbi et orbi. Leurs auteurs peuvent même être invités à la fête nationale.
Le premier ministre a mis le doigt accusateur sur un passage concernant madame Courchesne mais il aurait pu citer la première strophe de la même chanson (intitulée Ah vous dirais-je maman, avec la plus grande économie de ponctuation) qui s’intéresse au recteur de l’UQAM :
« Ah vous dirais-je… Corbo
Mon couteau m’as te l’planter dans l’dos »
Le répertoire du groupe comprend plusieurs autres gentillesses du genre mais il s’agirait, paraît-il, de « blagues », « d’humour » à prendre « au second degré ». Bien sûr… De la violence ? Pas pire, répliquent les artistes, que certains textes « de figures importantes de la chanson, comme Georges Brassens et Richard Desjardins » (… !)
En attendant de pouvoir citer d’improbables exemples, on se laisse sur des extraits d’une œuvre qui constitue une sorte d’exposé géopolitique. Ça s’intitule J’ai vingt va chier! (jeux de mots : j’ai vingt = G20).
« […] J’ai 20 millions
De bonnes raisons
De t’enfoncer dans l’fion
Ma révolution
Harper, tu m’fais pas peur
Obama, osti d’tarla
Zuma, gros tas
Merkel, ah non pas elle!
Saoud, mange mon coude
Kirchner, sorcière
Kevin Rudd, t’es pas à mode
Lula, Social-Traître
Hu Jintao, pire que Mao
Myung Bak, tu fumes du crak
Patil, Palpatine
Bambang, bang bang!
Berlusconi, crève mon osti
Hatoyama, t’es même pas là
Hatoyama, Hiroshima
Medvedev, on t’fait la grève
Calderón, puta cabrón!
Cameron, puta cabrón!
Sarkozy, t’as un p’tit zizi
Gül, on t’encule ».
Et dire que la CLASSÉ s’est formalisée de blagues prétendument « sexistes » des vrais humoristes….
Archives mensuelles : juin 2012
Un autre René Lévesque ?
« Le Québec n’a jamais eu un leader aussi proche de René Lévesque. » C’est ce qu’un lecteur écrivait au sujet du « leader » de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, mercredi dernier (http://www.journaldemontreal.com/2012/05/29/un-grand-leader), dans les quotidiens de Québécor, où on en lit des « bonnes » (et pas seulement dans les lettres ouvertes). C’était avant que le député de Mercier se compare à Gandhi…
« Proche » comment ? Idéologiquement, politiquement, moralement ? Respirons un peu. L’Histoire jugera – si tant est que la bonne fortune de ce premier de classe dure plus que le temps d’un printemps – mais il y a au moins deux ou trois petites distinctions à soulever avant de faire « monter sur les autels » un garçon dont les fidèles n’ont évidemment jamais vu René Lévesque vivant.
On imagine mal Lévesque accepter d’être un simple porte-parole, comme c’est le lot du « leader » de la CLASSE. Aucune marge de manœuvre : il participe aux négociations pour en ramener une proposition aux assemblées générales, sans juger par lui-même (Voir à ce sujet la chronique d’Yves Boisvert dans La Presse du 2 juin : « Le partage de l’intransigeance » - http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/yves-boisvert/201206/02/01-4531144-le-partage-de-lintransigeance.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B40_chroniques_373561_accueil_POS2). Une forme exemplaire de démocratie ? On attend aussi de nos dirigeants politiques qu’ils fassent preuve de responsabilité et visent l’atteinte de résultats. À ce chapitre, le « leader » de la CLASSE est plutôt loin de l’ancien premier ministre (et de la plupart de nos autres chefs de gouvernement) : même les leaders nos syndicats les plus militants savent quand il faut « faire descendre le chat du poteau ».
Lévesque aurait condamné toute forme de violence, sans tergiverser et sans aucune réserve, comme il l’a fait d’ailleurs lors de la Crise d’octobre. Par électoralisme ? On peut le soutenir, mais il a démontré en d’autres occasions son aversion contre toute forme de violence et d’intimidation. Il avait aussi le respect des institutions juridiques, même de la Cour suprême et de son penchant.