Trouvé, par hasard, ce texte de Gustave Nadaud (Roubaix, 20 février 1820 – Paris, 28 avril 1893), « goguettier » poète et chansonnier français, publié en 1870.
On le dirait inspiré par la menace du numérique sur l’avenir du livre.
Le livre de choix ou d’étude
Qu’on repasse par habitude
Et les yeux fermés à demi,
Celui qui semble de lui-même
Se rouvrir aux pages qu’on aime,
Ce livre-là, c’est un ami.
Un ami qui vous fait visite
Et qui, venant sans qu’on l’invite,
Jamais ne se montre importun,
On le déguste feuille à feuille,
Ainsi qu’un fruit mûr on le cueille,
On le hume comme un parfum.
Il n’exige pas qu’on l’admire ;
Il vous instruit sans vous le dire,
Professeur indulgent et doux,
On sent l’écrivain dans le livre ;
Il semble tout exprès revivre
Pour venir causer avec vous.
Il charme bien plus qu’il n’étonne ;
Son orgueil n’offense personne,
Il vous maintient à sa hauteur.
On finit le vers qu’il commence ;
S’il ne l’avait écrit d’avance,
On croirait en être l’auteur.
D’autres veulent un grand théâtre ;
Il leur faut la foule idolâtre
Et les chaudes ovations.
Ils cherchent les routes nouvelles,
Et vous emportent sur leurs ailes
Vers les hautaines régions.
On veut les suivre dans l’espace ;
Le souffle manque, l’œil se lasse,
On retombe tout haletant.
On rentre au logis habitable,
Et l’on retrouve sur sa table
Le livre ami qui vous attend.
Gustave Nadaud, Chansons, Plon éditeur, 1870.
Une réflexion au sujet de « Le livre favori »
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Quel beau texte, qui n’a pas pris une ride.
Merci de l’avoir « épinglé » sur votre site !
Michel Leclerc