Le premier ministre du Canada s’est déplacé à Québec au début d’août dernier pour dévoiler les sommes octroyées par le gouvernement fédéral afin que de la côte Gilmour soit ouverte à longueur d’année. Le projet comprend l’aménagement d’un sentier qui reliera les plaines d’Abraham et la piste cyclable du boulevard Champlain. Ce sentier polyvalent (piétons-cyclistes) sera parsemé de panneaux d’interprétation permettant de découvrir l’histoire des lieux. Une partie de la montée sera aménagée en lacet et un segment de marches servira de raccourci aux citoyens pressés(http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/transports/201308/02/01-4676507-82-millions-pour-la-cote-gilmour-et-un-sentier-dinterpretation.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4704221_article_POS1)).
Dans les reportages sur cette conférence de presse, il a été beaucoup plus question du sentier, qui ne sera disponible qu’en 2015, que du volet routier, qui accaparera pourtant 70% du budget. Qu’est-ce qu’on entend par « réfection des infrastructures routières »? Près de six millions de dollars pour environ un kilomètre de chemin, c’est sûrement plus qu’un revêtement d’asphalte. On va creuser, élargir, redresser? Le plan présenté aux journalistes n’indique aucun changement au tracé. Le maire de Québec a assuré que le réaménagement de la côte sera fait dans le respect de l’environnement. « Tous les moyens seront mis en œuvre pour préserver le patrimoine arboricole », a-t-il promis. Donc pas de coupes?
Rappelons-nous de quoi avait l’air le pied de la côte l’automne dernier. Au cas où on revivrait un autre « Saint-Joseph-de-la-Rive ».
Lors de cette annonce, en présence du maire de Québec et de la présidente de la Commission des champs de bataille nationaux, on a rivalisé d’imagination pour donner à la réfection de la côte Gilmour une « signification » historique.
Selon le premier ministre, elle « va valoriser notre patrimoine historique alors que nous approchons du 150e anniversaire de la Confédération ». Aucun journaliste ne semble avoir demandé en quoi cette côte avait un lien avec la Confédération. Avec la Conquête, peut-être?
« C’est un grand plus », a commenté la présidente de la Commission des champs de bataille nationaux, Margaret Delisle. « Wolfe est monté là et le chevalier de Lévis, à la bataille de Sainte-Foy, est monté là aussi. Alors on va apprendre notre histoire en montant le lacet », a-t-elle ajouté.
Voilà qui serait bien équilibré : comme au Parlement (Wolfe-Montcalm) et au parc des Braves (Murray-Lévis), Wolfe et Lévis dans la côte Gilmour, même combat, typiquement canadien, bilingue et biculturel, etc., sauf que madame Delisle s’est enfargée dans son lacet. Lévis n’est jamais passé par là en 1760. Il est arrivé de l’ouest, par le chemin de la Suète. Faire un détour par le Foulon eût été suicidaire. On ne peut l’imaginer tomber dans le panneau en 1760, ni figurer dans ceux de 2015.
J’adore la Gilmour telle qu’elle est. Pourquoi la gâcher? Sortons les autos des Plaines en tout temps!
Le territoire physique et culturel du Québec est un gruyère — donc, déjà percé de l’intérieur — dont les souris fédéralistes grugent patiemment, méthodiquement et inexorablement les contours de manière à faire croire que l’histoire n’a d’autre visage que celui de la majorité.
Il s’agit d’occuper toute la surface de jeu en ne laissant rien au hasard afin que les jeunes Québécois francophones aient toujours l’impression qu’ils font partie du grand tout canadien accueillant et non assimilateur, et que le Québec reste une entité négligeable.
Discrètement, pièce par pièce, on nomme un vérificateur général unilingue anglophone, la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain peut avoir un dirigeant unilingue anglais, un candidat à un poste de juge de la Cour suprême est tellement inadmissible que la Cour suprême n’en veut pas, Radio-Canada coupe encore des postes,…
Pas une journée ne passe sans que ne soit grignotée une caractéristique de notre culture, notre patrimoine ou notre «société distincte».
Tout se passe comme si nous pouvions continuer d’attendre jusqu’à la fin des temps sans en payer le prix. Je pense que nous serons submergés, plus vite que je ne l’ai cru longtemps et que ne le croient plusieurs, par une population étrangère qui s’installe ici et qui nous imposera une langue étrangère sur Internet, dans les communications en général, à Montréal… Il est probable que lord Durham aura raison.
Excusez mon lyrisme défaillant, qui a débordé du sujet traité, mais qui est surtout de mauvais augure.