Mon concitoyen Gérard Ouellet (1906-1981) avait la plume prolifique et bien aiguisée. Devenu journaliste dès sa sortie du Collège de Lévis en 1928, il avait été chroniqueur, à L’Événement puis à L’Action catholique, avant de passer à la fonction publique (en 1945) où il sera successivement « publiciste » au ministère de la Colonisation puis au service de l’information à la Régie des Rentes. Parallèlement à ses activités professionnelles, il s’adonne à l’histoire locale en publiant notamment Ma paroisse, Saint-Jean-Port-Joli.
Gérard Ouellet a aussi été organisateur syndical (à L’Action catholique) et surtout fervent patriote ; il a milité à la Société Saint-Jean-Baptiste, dans l’Ordre de Jacques-Cartier (« La Patente ») et dans le Club Richelieu (créé sous l’influence de l’Ordre).
Un document particulièrement suave retrouvé dans les archives familiales révèle le côté polémiste et engagé du personnage.
Le 27 janvier 1968, il transmet à mon père (qui avait aussi été très actif dans l’OJC) copie d’une lettre adressée au directeur de Projections (organe officiel, sauf erreur, du mouvement Lacordaire). Cette lettre contenait le passage suivant :
« Un hebdo de Montmagny nous informe que l’abbé Untel est devenu le premier curé membre d’un « club Lion » […]
Bravo ! Le pasteur de Saint-Mathieu cherchait un symbole pour épauler son verbe et mieux enflammer ses paroissiens. Chacun sa manière. J’aurais préféré, peut-être, qu’il s’inspirât de S.Paul, l’apôtre flamboyant des Gentils. Mais moi je ne suis pas dans le vent et je n’ai pas dépassé la simple philosophie de S.Thomas d’Aquin. Voilà pourquoi je me sens incapable d’aller réchauffer mon esprit œcuménique dans un organisme d’inspiration protestante et étatsunienne. »
On était en 1968, comme en témoigne l’expression « dans le vent » et la référence à l’esprit œcuménique du Concile Vatican II. Quant aux clubs Lions, il faut rappeler que le premier du genre avait été créé en 1917 par un homme d’affaires de Chicago et qu’il s’agissait de ce qu’on appelait encore alors les clubs « neutres », contrairement aux organisations d’inspiration catholique. Une note manuscrite au bas de cette copie vient d’ailleurs mettre en contexte la sortie de Ouellet et illustrer le caractère mordant de sa plume :
« Le « lion » de la rivière du Sud me plonge dans la consternation. Il y a pourtant un cercle Richelieu à Montmagny. Mais, à bien y songer, avec le nom qu’il porte – on est la continuation de ses morts, selon Barrès – le curé de Saint-Mathieu est peut-être mieux à sa place avec les « Lyons » qu’avec les moutons ».
L’homme en question s’appelait Langlais.