Le 1er janvier 1870, l’éditeur Georges-Édouard Desbarats lance L’Opinion publique, un hebdomadaire qui constitue le pendant français de son Canadian Illustrated News déjà sur le marché depuis deux mois. Les deux publications sortent des mêmes presses, certaines illustrations, et même des articles, sont identiques, mais elles ont des équipes éditoriales autonomes et des collaborateurs différents.
L’Opinion publique connaît une existence éphémère : avant-gardiste sur le plan technique et comme média d’information, l’hebdomadaire éprouve néanmoins des difficultés financières qui le mènent à sa fermeture dès 1883, mais il a laissé aux Montréalais un riche héritage iconographique.
***
Contrairement aux intentions des fondateurs qui voulaient un hebdomadaire non partisan et impartial, Laurent-Olivier David donne d’abord à L’Opinion publique une orientation libérale et nationaliste qui le rapproche du Parti national. David est vite remplacé par Oscar Dunn, mais les dettes s’accumulent et Desbarats doit s’associer à Burland pour assurer la survie de son entreprise.
La Compagnie de lithographie Burland-Desbarats demande à un nouveau rédacteur, Auguste Achintre, de produire un hebdomadaire artistique et littéraire pour tous les Canadiens français, un rôle qui ne lui convient pas vraiment et, en 1875, Desbarats doit prendre lui-même la direction, moderniser son journal et recruter des collaborateurs-vedettes comme Henri-Raymond Casgrain, Joseph Tassé, Benjamin Sulte, Hector Fabre, Faucher de Saint-Maurice, Louis Fréchette et plusieurs autres.
Desbarats rêve de transformer L’Opinion publique en « archives de la nationalité » mais les revenus ne sont pas au rendez-vous. La compagnie lui retire la rédaction : l’objectif demeure de travailler « à l’avancement moral et intellectuel des Canadiens » mais il faut couper les dépenses, multiplier les feuilletons et les annonces.
***
Le contenu et le graphisme du Canadian Illustrated News et de L’Opinion publique relevaient davantage du magazine que du journal. Les deux hebdomadaires innovaient par l’abondance et la qualité de leurs illustrations. Avec William Auguste Leggo, Desbarats venait de faire breveter un nouveau procédé d’impression qui défiait la concurrence du New Dominion Monthly et de l’Album de la Minerve : le « leggotype » (1865) permettait la production d’illustrations de qualité supérieure, plus rapidement et à moindre coût.
L’Opinion publique est lancée en janvier 1870 au tirage initial de 5200 exemplaires. Ses illustrations, en bonne partie reprises du Canadian Illustrated News, constitueront son principal attrait. De nombreux artistes y publient des gravures dont Eugene Haberer, Albert-Samuel Brodeur, Edward Jump, Charles Kendrick, Bohuslav Kroupa, Ivan Pranishnikoff, W. Scheuer, G. Gascard, J. Weston, Achille Génot, sans oublier, naturellement, Henri Julien. Ces artistes produisent des portraits, des caricatures et surtout des croquis illustrant des événements (politiques, sportifs ou mondains) ou simplement des scènes de la vie quotidienne. Leurs œuvres constituent un témoignage irremplaçable sur une société disparue et font, de L’Opinion publique, une source incontournable pour toute recherche iconographique portant sur le Québec de la fin du XIXe siècle, et particulièrement sur Montréal.
***
L’Opinion publique a publié des centaines d’illustrations sur Montréal. Il a fallu faire un choix en privilégiant, sauf exceptions, celles où on voit du monde, des Montréalais qui, d’un jour de l’An à l’autre, s’adonnent à diverses activités : ils festoient, jouent, mangent, voyagent et déménagent; ils fréquentent les parcs, les marchés et les grandes rues commerciales; ils assistent aux fêtes, aux compétitions sportives, à la débâcle et aux inondations; ils vont aux noces, au bal, au concert, aux expositions, aux funérailles, à la guerre et même en prison! Certains travaillent, mais ils ne sont pas nombreux. Ils sont au marché, au canal Lachine, occupés à couper de la glace ou à déneiger les rues.
Le monde ouvrier est le grand absent de ce portrait qui n’a aucune prétention scientifique. C’est un survol composé principalement d’œuvres réalisées par des artistes, et non par des photographes (les gravures qui reproduisaient des photographies ont d’ailleurs été écartées, à quelques exceptions près). Le lecteur reconnaitra facilement les caricatures à travers un ensemble d’illustrations que nous nous plaisons à croire « réalistes ». On y voit surtout du « beau monde », urbain et endimanché. N’était-ce pas le début de la la « Belle Époque »?
(Présentation du livre-http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/gens-de-montreal-a-l-epoque-de-la-confederation-les)
Aux deux tiers de la lecture de Les gens de Montréal à l’époque de la Confédération, je suis complètement sous le charme de cet ouvrage. C’est un atlas, une chronique, une page d’histoire, une bande dessinée faite d’illustrations d’époque.
Quelle idée fantastique vous avez eue d’aller répertorier parmi la collection de L’Opinion publique des images et des textes décrivant les us et coutumes des Montréalais durant cette période ! Quel travail ça a dû être de les parcourir tous et toutes, et d’en faire le tri pour présenter aux lecteurs, sans doute un peu béotiens comme moi, un résultat mâché d’avance et facile à digérer. Nous faire avaler un pan d’histoire non seulement sans douleur, mais dans le plaisir !
Votre modestie vous a fait cacher que vous en êtes entièrement le maître-d’œuvre.