À la dernière émission de « Y’a du monde à messe », un invité a évoqué trois moments historiques importants, mais malheureusement méconnus, illustrant la collaboration franco-huronne sous le régime français, soit la rencontre entre Cartier et le chef Donnacona, le séjour de Champlain en Huronnie (où il a été amené à dos d’homme après avoir été blessé dans un combat contre les Iroquois) et le rôle de Kondiaronk dans la Grande Paix de 1701.
J’ignore ce qu’on enseigne précisément en histoire du Québec depuis quelques décennies, les programmes ayant beaucoup changé et les didacticiens modernes étant peu portés sur les « héros » (du moins les Blancs), il est possible que ce soit des moments escamotés (et que les élèves n’en retiennent pas grand-chose!), mais ce sont là des épisode qu’on trouvait bel et bien dans les ouvrages utilisés pour l’enseignement de l’histoire pendant tout le siècle dernier, si je me fie à ce que je vois dans ceux que je possède, soit Histoire du Canada (cours moyen) des Frères des écoles chrétiennes (4e éd., 1916), Histoire du Canada (cours supérieur) des Clercs de Saint Viateur (4e éd., 1945), – le « Farley-Lamarche » utilisé des années ‘30 aux années ‘60 – et Histoire 1534-1968 (éd. 1968), le fameux « Vaugeois-Lacoursière » très répandu dans les écoles et les collèges dans le dernier tiers du 20e siècle, même si ce n’était pas formellement un manuel.
Commençons par Kondiaronk, chef des Hurons (c’est le nom qu’on utilisait alors), qui est mort pendant les négociations de la paix de 1701. Les Frères des écoles chrétiennes mentionnent que le chef a « mis toute son énergie dans cette importante affaire ». Farley et Lamarche soulignent son « important plaidoyer ». Le Vaugeois-Lacoursière ne donne pas de détails sur son rôle, mais rappelle qu’on lui a fait « presque des funérailles nationales ».
Les trois ouvrages mentionnent que Champlain a hiverné au « pays des Hurons » après un affrontement contre les Iroquois avec ses alliés, mais seuls Farley et Lamarche précisent que le fondateur de Québec, blessé sérieusement, a fait « une bonne partie du parcours ligoté au dos des sauvages [sic] ». Le mode de transport est plutôt anecdotique : l’important est de mentionner que Champlain a vécu sa « convalescence » au pays de ses alliés hurons et s’est familiarisé avec leur culture.
Les trois ouvrages traitent évidemment de la rencontre entre Cartier et Donnacona en 1535, mais aucun n’identifie ce dernier comme Huron ou Wendat. Et ils ne sont pas les seuls.
Dans La Nation huronne, un ouvrage fondamental que Marguerite Vincent Tehariolina a publié en 1984 (avec une préface de Max Gros-Louis), il n’est pas question de Donnacona, ni de sa rencontre avec Cartier à Stadaconé en 1535. Dans son chapitre IV, l’auteure rappelle que 300 Hurons ont « quitté l’Huronnie [sic] » en 1650 et furent « accueillis, nourris et vêtus par les Ursulines, les Hospitalières et les Jésuites » (p. 58). Elle cite une adresse à la reine prononcée par le grand chef Picard en 1959 qui précisait que « plus de trois siècles se sont écoulés depuis que nos ancêtres ont quitté leur pays après mille vicissitudes et se sont réfugiés sous les canons de la ville de Québec d’alors » (p. 338).
Le chapitre XXIV de l’ouvrage traite des « Hurons illustres ». Le plus ancien est Dagandawida (p. 305), « Huron natif de la baie de Quinté, au pied du lac Ontario »; le suivant est Kondiaronk (p. 306). Marguerite Vincent, l’historienne de la communauté, ne considérait donc pas Donnacona comme Huron ou Wendat. À la même époque, la biographie du chef de Stadaconé dans le Dictionnaire biographique du Canada (publiée en 1966 et révisée en 1986) l’identifiait comme Iroquois.
C’est donc depuis peu que Donnacona a été naturalisé.