Un hymne national est une œuvre musicale destinée à représenter la nation. C’est un symbole identitaire (comme le drapeau, les armoiries et les emblèmes floraux et autres). L’hymne identifie la nation, exprime son passé, son présent et son avenir. C’est parfois un chant patriotique qui s’est imposé par l’usage ou une œuvre commandée spécifiquement par le gouvernement. L’hymne n’exclut pas l’usage de chants patriotiques, comme on en a déjà interprété, autrefois, dans certains matchs de hockey à Philadelphie.
De son côté, l’hymne royal est un hommage du peuple au souverain. En Nouvelle-France, on chantait l’hymne Domine salvum fac Regem (Seigneur, sauve le roi) à la fin des offices et dans ces cérémonies civiles (À rayons ouverts, 41, juillet-sept. 1998). Depuis la Conquête, l’hymne royal est God save the King (ou Queen), selon le cas.
1. Des chants nationaux canadiens à l’hymne national du Canada
Les chants nationaux
Les Canadiens, comme on désignait les habitants de souche française de la province de Québec (1763-1791) et du Bas-Canada (1791-1838), ont eu quelques chants nationaux dont À la claire fontaine qui, selon ce qu’écrivait Ernest Gagnon en 1865, a tenu lieu « d’hymne national en attendant mieux ».
À la claire fontaine
Dans son Répertoire national (1848), James Huston soutenait que cette chanson était l’œuvre des voyageurs des pays d’en haut qui l’entonnaient pour rythmer la cadence de leurs avirons. Dans les Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec (1980), Conrad Laforte précise qu’il s’agit d’une chanson « de la tradition orale francophone » apportée de Normandie dont on connaît plus de quatre cents versions, partout où il y a des Français. Selon Marius Barbeau (Alouette, 1946), À la claire fontaine aurait été composée par un jongleur du XVe ou du XVIe siècle. En 1842, la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec l’adopte comme « chant national » (https://www.youtube.com/watch?v=30y8CjzikmQ).
À la claire fontaine, chanson anonyme.
À la claire fontaine
M’en allant promener
J’ai trouvé l’eau si belle
Que je m’y suis baigné
(Ref.)
Il y a longtemps que je t’aime,
Jamais je ne t’oublierai.
Sous les feuilles d’un chêne,
Je me suis fait sécher.
Sur la plus haute branche,
Un rossignol chantait.
(Ref.)
Chante, rossignol, chante,
Toi qui as le cœur gai.
Tu as le cœur à rire…
Moi je l’ai à pleurer.
(Ref.)
J’ai perdu ma maîtresse
Sans l’avoir mérité.
Pour un bouquet de roses
Que je lui refusai…
(Ref.)
Je voudrais que la rose
Fût encore au rosier,
Et moi et ma maîtresse,
Dans les mêmes amitiés.
(Ref.)
Vive la Canadienne
Dans leurs assemblées, les patriotes entonnaient aussi « Vive la Canadienne ». On en trouve une version dans L’Argus du 29 novembre 1826. Selon Ernest Gagnon (Chansons populaires du Canada, 1865), cette vieille mélodie française (qui deviendra la marche rapide du Royal 22e Régiment, https://www.youtube.com/watch?v=3F_utoVg4nM) est issue de « Par derrièr’ chez mon père », tandis que les paroles seraient celles d’un canotier, selon Barbeau (Alouette, 1946) (https://www.youtube.com/watch?v=l1rKP0mAt80).
Vive la Canadienne, version d’Ernest Gagnon, 1865
Vive la Canadienne, vole, mon cœur, vole,
Vive la Canadienne, et ses jolis yeux doux.
Et ses jolis yeux doux, doux, doux, et ses jolis yeux doux. (bis)
Nous la menons aux noces, vole, mon cœur, vole,
Nous la menons aux noces, dans tous ses beaux atours.
Dans tous, etc.
La, nous jasons sans gêne, vole, mon cœur, vole,
La, nous jasons sans gêne, nous nous amusons tous,
Nous nous, etc.
Nous faisons bonne chère, vole, mon cœur vole,
Nous faisons bonne chère, et nous avons bon goût.
Et nous avons, etc.
On danse avec nos blondes, vole, mon cœur, vole,
On danse avec nos blondes, nous changeons tour à tour.
Nous changeons, etc.
On passe la carafe, vole, mon cœur, vole,
On passe la carafe, nous buvons tous un coup.
Nous buvons, etc.
Mais le bonheur augmente, vole, mon cœur, vole,
Mais le bonheur augmente, quand nous sommes tous saouls.
Quand nous sommes, etc.
Alors toute la terre, vole, mon cœur, vole,
Alors toute la terre, nous appartient en tout !
Nous appartient, etc.
Nous nous levons de table, vole, mon cœur, vole,
Nous nous levons de table, le cœur en amadou.
Le cœur, etc.
Nous finissons par mettre, vole, mon cœur, vole,
Nous finissons par mettre, tout sens dessus dessous.
Tout sans dessus, etc.
Ainsi le temps se passe, vole, mon cœur, vole,
Ainsi le temps se passe, il est vraiment bien doux !
Il est vraiment, etc.
Ce n’est toutefois pas la version que les Québécois ont chantée au 20e siècle avec les cahiers de La Bonne chanson ! Entretemps, l’abbé F. -X. Burke avait publié son Chansonnier canadien-français (1921), un recueil de chansons populaires, nouvelles ou « restaurées ». D’après l’abbé Burke, Vive la Canadienne, par exemple, ne s’entendait plus nulle part dans les « milieux distingués », parce que « tous ses couplets, hors le premier, ne sont que des ineffabilités de débauche et d’ivrognerie ».
Burke se consacra à « purifier » les chansons populaires, dont Vive la Canadienne, qu’il « enrichit » de plusieurs couplets ; il y en a donc 22 dans la version la plus longue publiée dans ses Élévations poétiques en 1906, 17 dans le deuxième cahier de La Bonne chanson et 10 « seulement » dans Les cent plus belles chansons, ce qui donne quand même un bon aperçu de l’œuvre de l’abbé Burke (https://www.youtube.com/watch?v=LSXnXecMNAk0).
Vive la Canadienne, version des Cent plus belles chansons (La bonne chanson)
Vive la Canadienne, vole mon cœur vole, vole, vole
Vive la Canadienne et ses jolis yeux doux
Et ses jolis yeux doux doux doux, et ses jolis yeux doux (bis)
Elle est vraiment chrétienne, vole mon cœur vole, vole, vole
Elle est vraiment chrétienne, trésor de son époux
Trésor de son époux pou pou, trésor de son époux (bis)
Elle rayonne et brille vole mon cœur vole, vole, vole
Elle rayonne et brille, avec ou sans bijoux
Avec ou sans bijoux jou jou, avec ou sans bijou (bis)
C’est à qui la marie, vole mon cœur vole, vole, vole
C’est à qui la marie, les garçons en sont fous
Les garçons en sont fous fou fou, les garçons en sont fous (bis)
Que d’enfants elle donne, vole mon cœur vole, vole, vole
Que d’enfants elle donne, à son joyeux époux
À son joyeux époux pou pou, à son joyeux époux (bis)
Elle fait à l’aiguille, vole mon cœur vole, vole, vole
Elle fait à l’aiguille nos habits, nos surtouts
nos habits, nos surtouts touts touts, nos habits, nos surtouts (bis)
Elle fait à merveille, vole mon cœur vole, vole, vole
Elle fait à merveille la bonne soupe aux choux
La bonne soupe aux choux chou chou, la bonne soupe aux choux (bis)
Jusqu’à l’heure dernière, vole mon cœur vole, vole, vole
Jusqu’à l’heure dernière, sa vie est toute à nous
Sa vie est toute à nous nou nou, sa vie est toute à nous (bis)
Ce n’est qu’au cimetière, vole mon cœur vole, vole, vole
Ce n’est qu’au cimetière que son règne est dissous
Que son règne est dissous sou sou, que son règne est dissous (bis)
Allons fleurir sa tombe, vole mon cœur vole, vole, vole
Allons fleurir sa tombe, un grand cœur est dessous
Un grand cœur est dessous sou sou, un grand cœur est dessous (bis)
Sol canadien
Le 1er janvier 1829, la Gazette de Québec publie une chanson écrite par Isidore Bédard, 23 ans, fils de Pierre-Stanislas Bédard, autrefois chef du Parti canadien. L’œuvre est présentée comme « hymne national ». C’est la version améliorée d’un premier jet (publié le 6 août 1827) qui ne comptait que deux strophes.
Sol canadien
Sol canadien, terre chérie !
Par des braves tu fus peuplé ;
Ils cherchaient loin de leur patrie,
Une terre de liberté.
Nos pères sortis de la France
Étaient l’élite des guerriers,
Et leurs enfants, de leur vaillance,
Ne flétriront pas les lauriers.
Qu’elles sont belles nos campagnes l
En Canada qu’on vit content !
Salut, ô ! sublimes montagnes,
Bords du superbe St. Laurent.
Habitant de cette contrée,
Que nature sait embellir,
Tu peux marcher tête levée,
Ton pays doit t’enorgueillir.
Respecte la main protectrice
D’Albion, ton digne soutien ;
Mais fais échouer la malice
D’ennemis nourris dans ton sein.
Ne fléchis jamais dans l’orage,
Tu n’as pour maître que tes lois.
Tu n’es pas fait pour l’esclavage,
Albion veille sur tes droits.
Si d’Albion la main chérie
Cesse un jour de te protéger,
Soutiens-toi seule, ô ma patrie !
Méprise un secours étranger.
Nos pères sortis de la France
Étaient l’élite des guerriers,
Et leurs enfants de leur vaillance
Ne flétriront pas les lauriers.
La poésie de Bédard, écrit Jeanne d’Arc Lortie, « résume bien les sentiments des Canadiens de l’époque qui, soupçonnés de manquer de loyauté, respectent le régime britannique et abhorrent l’idée de l’annexion aux États-Unis ».
Bédard est élu député en 1830. En 1831, il accompagne Denis-Benjamin Viger, tout juste nommé agent de la Chambre à Londres. À la fin de 1832, il est victime d’une hémorragie pulmonaire et il meurt à Paris le 14 avril 1833.
Le 1er janvier 1840, onze ans après la première publication et sept ans après la mort de son auteur, une nouvelle version de Sol Canadien paraît dans Le Patriote canadien, dirigé par Ludger Duvernay, alors réfugié à Burlington. Les deux premières strophes sont maintenues, mais les deux dernières sont très différentes.
Renverse le pouvoir perfide
Qui ne cherche qu’à t’écraser.
La LIBERTÉ est ton égide,
Sous elle tu peux triompher.
Ne fléchis jamais dans l’orage,
Tu n’as pour maître que tes lois.
Tu n’es point fait pour l’esclavage,
Le destin veille sur tes droits.
Le sang de tes fils fume encore,
Ne sauras-tu pas le venger ?
LIBERTÉ, fais naître l’aurore
Du jour qui te verra régner !
Nos pères sortis de la France,
Étaient l’élite des guerriers,
Et leurs enfants de leur vaillance
Ne flétriront pas les lauriers.
Le seul enregistrement connu de Sol canadien se trouve sur le disque « Musiques du Québec, I’époque de Julie Papineau », un des sept CD de la première « Anthologie de la musique historique du Québec » (produite par l’Ensemble Nouvelle-France dirigé par Louise Courville). Robert Huard chante les trois premières strophes de la version de 1840.
Ô Canada, mon pays, mes amours !
Ardent patriote dans les années 1830, premier ministre sous l’Union puis père de la Confédération, George-Étienne Cartier avait 20 ans lorsqu’il interpréta une œuvre de son cru, Ô Canada ! mon pays ! mes amours ! lors du banquet du 24 juin 1834.
Ô Canada ! mon pays ! mes amours ! Version de La Minerve, 30 juin 1836
Air : Je suis Français, mon pays avant tout.
Comme le dit un vieil adage :
Rien n’est si beau que son pays ;
Et de le chanter, c’est l’usage ;
Le mien je chante à mes amis (bis)
L’étranger voit avec un œil d’envie
Du Saint-Laurent le majestueux cours ;
À son aspect le Canadien s’écrie :
Ô Canada ! mon pays ! mes amours !
Ô Canada ! mon pays, mes amours ! (bis)
Maints ruisseaux, maintes rivières
Arrosent nos fertiles champs ;
Et de nos montagnes altières,
De loin on voit les longs penchants. (bis)
Vallons, côteaux, forêts, chutes, rapides,
De tant d’objets est-il plus beau concours ?
Qui n’aime pas tes lacs aux eaux limpides ?
Ô Canada ! mon pays ! mes amours ! (bis)
Les quatre saisons de l’année
Offrent tour à tour leurs attraits.
Le printemps, l’amante enjouée
Revoit ses fleurs, ses verts bosquets. (bis)
Le moissonneur, l’été, joyeux s’apprête
À recueillir le fruit de ses labours,
Et tout l’automne et tout l’hiver on fête.
Ô Canada ! mon pays ! mes amours ! (bis)
Chaque pays vante ses belles ;
Je crois bien que l’on ne ment pas ;
Mais nos Canadiennes comme elles
Ont des grâces et des appas. (bis)
Chez nous la belle est aimable, sincère ;
D’une Française elle a tous les atours,
L’air moins coquet, pourtant assez pour plaire,
Ô Canada ! mon pays ! mes amours ! (bis)
Le Canadien, comme ses pères,
Se plaît à rire, à s’égayer.
Doux, aisé, vif en ses manières,
Poli, galant, hospitalier, (bis)
À son pays, il ne fut jamais traître,
À l’esclavage il résista toujours ;
Et sa maxime est : Ia paix, le bien-être
Du Canada, son pays, ses amours. (bis)
Ô mon pays, de la nature
Vraiment tu fus l’enfant chéri ;
Mais I‘étranger souvent parjure,
En ton sein, le trouble a nourri. (bis)
Puissent tous tes enfants enfin se joindre,
Et valeureux voler à ton secours !
Car le beau jour déjà commence à poindre…
Ô Canada ! mon pays ! mes amours ! (bis)
La version originale publiée dans La Minerve du 29 juin 1835 compte six couplets, tout comme celle de La Canadienne du 10 août 1840, mais, cette fois, une ligne a été changée dans le dernier couplet : « Mais l’étranger souvent parjure » devient « Mais d’Albion la main parjure », ce qu’on peut aisément rapprocher du « pouvoir perfide » introduit dans la version 1840 de Sol canadien, après les rébellions lui aussi.
En 1854, Le Chansonnier des collèges ne retient que quatre couplets et revient à la version de 1835 en ce qui concerne le dernier. Dans le premier cahier de La Bonne chanson, il ne reste que trois (1, 5 et 6) des six couplets originaux, et le dernier a toujours son vague « étranger ». On chante désormais le tout sur une musique de Jean-Baptiste Labelle, mais il ne reste souvent que deux couplets (https://www.youtube.com/watch?v=BZc7lwSvmrY).
Dans le Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, Laurent Mailhot traite cette œuvre avec ironie :
Le pays est propre, gentil, limpide : le fleuve suit son « majestueux cours », Ies montagnes (« altières ») suivent leurs « penchants » ; vallons, forêts, chutes, tout est concours d’« objets ». Les sujets sont absents, réduits à « I’aimante enjouée » (printemps), au « moissonneur, l’été [qui| joyeux s’apprête » ; « Et tout l’automne et tout l’hiver, on fête. » On ne travaille pas, on attend le touriste, on soigne son image de marque, son folklore ; joie de vivre, galanterie, hospitalité spoken. Le mot d’ordre est : paix, tranquillité, bien-être. Ce pays idyllique est naturellement identifié à la femme, ou plutôt à la « belle » : « D’une Française elle a tous les atours,/L’air moins coquet, pourtant assez pour plaire. » La rengaine est à peine troublée, Ie roman, à peine stimulé par la « main parjure » d’Albion. Les enfants se joignent en ronde et « Ie beau jour déjà commence à poindre ». Qu’est-ce qu’un nuage dans un ciel si vaste, si bleu ? Le futur baronnet, qui mourra à Londres, annonce sereinement la couleur.
Entre-temps, sa chanson est incluse dans la Cantate : la Confédération, une œuvre de Jean-Baptiste Labelle qui est dédiée à Cartier et est exécutée le 7 janvier 1868 à l’hôtel de ville de Montréal (https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/confederation-2).
1867 : Un hymne national pour le nouveau pays ?
Rien ne permet de dire si les autorités canadiennes ont songé à doter le nouveau pays d’un hymne national. Le Canada était une colonie britannique et l’hymne royal suffisait probablement.
La Confédération n’en inspira pas moins les auteurs canadiens.
En 1868, la Caledonian Society de Montréal, une organisation créée par la St. Andrew’s Society en 1855, lance un concours de chant patriotique. Cette société jugeait qu’il y avait peu de poésie lyrique canadienne et, pour stimuler poètes et musiciens à ce sujet, elle décida d’offrir un prix de cinquante dollars au meilleur chant patriotique canadien mis en musique (Montreal Herald, du 1er novembre 1869).
C’est This Canada of Ours, une œuvre de James David Edgar, mise en musique par E.H. Ridout, qui gagne le premier prix, mais il n’y a pas d’avenir comme hymne national canadien pour un « national song » d’inspiration exclusivement britannique où on peut lire :
We love those far-off ocean Isles,
Where Britain's monarch reigns;
We'll ne'er forget the good old blood
That courses through our veins;
Proud Scotia's fame, old Erin's name,
And haughty Albion's powers,
Reflect their matchless lustre on
This Canada of ours.
Alexander Muir obtient la deuxième place avec The Maple Leaf for Ever, une œuvre conçue dans la même veine qui fait commencer l’histoire du Canada en 1759 :
In days of yore, from Britain's shore,
Wolfe, the dauntless hero, came
And planted firm Britannia's flag
On Canada’s fair domain.
Here may it wave, our boast our pride
And, joined in love together,
The thistle, shamrock, rose entwine
The Maple Leaf forever!
(Chorus)
The Maple Leaf, our emblem dear,
The Maple Leaf forever!
God save our Queen and Heaven bless
The Maple Leaf forever!
Comme l’écrit J. Paul Green, dans le DBC, « cette chanson devint si populaire auprès de la population anglophone que, souvent, on en parlait comme de l’hymne national du Canada », mais « [il] était exclu que ce titre échoie à la chanson de Muir en raison de son ton probritannique. Elle célébrait en effet le Canada comme un lieu où « le chardon, le trèfle et la rose enlacent/Pour toujours la feuille d’érable », sans mentionner la fleur de lis, et le major général James Wolfe y était appelé « le héros intrépide ». Ces paroles lui aliénaient inévitablement les Canadiens français » (https://www.youtube.com/watch?v=SX-csLPjT1A).
Ô Canada
Ces derniers ne sont pas en reste. Ils se donnent un « chant national » en vue de la Convention nationale des Canadiens français qui se tient à Québec en juin 1880. On aurait souhaité un concours, mais, par manque de temps, le mandat de composer la musique est confié à Calixa Lavallée et le juge Adolphe-Basile Routhier s’occupe ensuite des paroles. L’œuvre est jouée pour la première fois le 24 juin 1880, au Pavillon des patineurs, à Québec.
Il s’agit bien d’un « chant national des Canadiens français » qui n’a pas la prétention de devenir hymne national du Canada. Le premier couplet donne le ton avec la « terre des aïeux », mais le second est sans équivoque (https://www.youtube.com/watch?v=L8Sw6ScUmnk).
Ô Canada ! Terre de nos aïeux,
Ton front est ceint de fleurons glorieux !
Car ton bras sait porter l’épée,
Il sait porter la croix !
Ton histoire est une épopée
Des plus brillants exploits.
Et ta valeur, de foi trempée,
Protègera nos foyers et nos droits. (bis)
Sous l’œil de Dieu, près du fleuve géant,
Le Canadien grandit en espérant.
Il est né d’une race fière,
Béni fut son berceau.
Le ciel a marqué sa carrière
Dans ce monde nouveau.
Toujours guidé par sa lumière,
Il gardera l’honneur de son drapeau. (bis)
Ô Canada ! se répand dans tout le Canada français et même aux États-Unis, mais n’est pas « chantable » au Canada anglais. Plusieurs auteurs essaient d’en faire une traduction. En 1908, il y a même un concours pour trouver une version anglaise, mais le texte primé ne sera jamais utilisé (https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/services/hymnes-canada/historique-o-canada.html). Lors du jubilé de diamant de la Confédération en 1927, on publie officiellement la version du juge Robert Stanley Weir (écrite en 1908) qui s’impose au Canada anglais.
Ô Canada ! Our home and native land!
True patriot love in all thy sons command.
With glowing hearts we see thee rise
The True North, strong and free;
And stand on guard, Ô Canada,
We stand on guard for thee.
Ô Canada, glorious and free!
Ô Canada, we stand on guard for thee. (bis)
C’est, avec quelques modifications, le premier couplet de cette version qui est choisi pour les anglophones lorsque la Loi sur l’hymne national est adoptée en juin 1980, quelques jours après le référendum et juste à temps pour le 1er juillet, un siècle après la Convention nationale des Canadiens français. Pour éviter des répétitions, la cinquième ligne est changée pour « From far and wide, O Canada » et la septième pour « God keep our land glorious and free! ». Le texte français de Routhier est maintenu.
Une version bilingue est proposée :
O Canada ! Our home and native land!
True patriot love in all thy sons command,
Car ton bras sait porter l’épée,
Il sait porter la croix !
Ton histoire est une épopée
Des plus brillants exploits.
God keep our land glorious and free!
O Canada, we stand on guard for thee. (bis)
Ce n’est cependant pas ce qu’on chante aux matches du Canadien où Routhier mène avec ses six premières lignes contre deux vers tardifs pour Weir… (ici chanté en seulement 1,09 m. par Roger Doucet, https://www.youtube.com/watch?v=asb_-QUezoE).
C’est quand même un moindre mal. En 1967, un « Comité pour le Ô Canada bilingue », qui logeait sur la rue William à Sillery, avait proposé un hymne vraiment bilingue écrit par Jo Ouellet sur la musique de Lavallée arrangée par Rex Le Lacheur.
Ô Canada ! Our home – Notre pays…
La feuille d’érable : one flag from sea to sea
Sol de liberté, sol d’égalité
Where freedom’s banner flies
Chantons tous la gloire, d’une riche histoire
Our home ’neath northern skies…
Ô Canada ! Ô ma patrie !
Hold high the Maple Leaf o’er land and sea.
Ô Canada ! My country – Mon pays.
(Voir suite: https://blogue.septentrion.qc.ca/gaston-deschenes/2023/03/29/hymnes-et-chants-nationaux-2/ )