L’évangile selon saint Luc raconte cet épisode de la vie du Christ (chapitre 2, versets 41-52).
En revenant d’une visite à Jérusalem, Joseph et Marie constatèrent que leur fils de 12 ans était absent. Ils retournèrent à Jérusalem pour le chercher.
« Au bout de trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. Tous ceux qui l’entendaient étaient frappés de son intelligence et de ses réponses. Quand ses parents le virent, ils furent saisis d’étonnement, et sa mère lui dit : Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Voici, ton père et moi, nous te cherchions avec angoisse. Il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père ? Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Puis il descendit avec eux pour aller à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait toutes ces choses dans son cœur. Et Jésus croissait en sagesse, en stature, et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. »
Si je me souviens bien, c’est ma mère – dont la culture religieuse et l’humour se mariaient parfois pour donner de bonnes « lignes » – qui s’est amusée à évoquer ce passage biblique en voyant la photographie de mon père, élu président du club Richelieu de La Pocatière en janvier 1959, au milieu de son « bureau de direction ». Les autres administrateurs affichaient TOUS fièrement leur titre de docteur : trois médecins (Raymond, Germain, Boulanger), deux agronomes (Perreault et Forest), un dentiste (Grandmaison) et un optométriste (Bélanger).
Antonio Deschênes (assis au centre) et les sept collègues docteurs accompagnés du gouverneur régional de la Société Richelieu (deuxième à partir de la gauche). Photographie publiée dans L’Action catholique du 9 février 1959. Coll. privée.
Antonio était pour sa part « diplômé » de l’école du rang, avec une cinquième année qu’il avait faite trois fois, disait-il, parce que la maîtresse n’en savait pas plus… Le 24 février 1930, l’inspecteur Dubeau lui a donné un livre d’Alfred D. De Celles, Lafontaine et son temps, en récompense pour ses résultats scolaires en « Orth[ographe] » et « calcul » – ce qui n’étonnera pas ceux qui ont constaté ses aptitudes en calcul mental. Il avait douze ans et vivait probablement ses dernières semaines d’école. Au recensement de 1931, il était identifié comme aide fermier sur la terre paternelle avec son frère Roger.
Premier communiant en 1929 ou 1930. Coll. privée.
Extrait du recensement de 1931.
À la fin des années 1930, il étudie à l’école forestière de Duchesnay pour devenir mesureur de bois, métier qu’il exerce quelques années pour la compagnie Price Brothers au Saguenay.
L’Action catholique, 19 avril 1938.
Jetons utilisés par le mesureur de bois pour payer la nourriture de son cheval dans sa tournée des camps de la compagnie. Coll. privée.
De retour à Saint-Jean-Port-Joli, il est brièvement commis à la coopérative de consommation (La Paix) avant d’être embauché, en 1942, comme gérant de la coopérative agricole qui vient d’être fondée.
Le 19 février 1943, Le Soleil publiait la photographie d’un groupe de « jeunes agriculteurs » inscrits à des cours de coopération donnés à l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière en vertu d’une entente fédérale-provinciale de l’aide à la jeunesse.
Sur la photographie, au pied du grand escalier de l’École, le premier étudiant debout à gauche n’est pas agriculteur ni plus très jeune : c’est le gérant de la coopérative agricole de Saint-Jean-Port-Joli, 26 ans, qui a été libéré pour aller suivre ce cours de six semaines.
Dès sa fondation, la coopérative a acheté la beurrerie d’Alfred Dubé, au cœur du village, et, en 1950, elle inaugurait sa meunerie à « la Station ».
La beurrerie vers 1950. Coll. BANQ, photo Alph. Toussaint.
Bénédiction de la meunerie en 1950. Coll. privée.
Près de 25 ans plus tard, le 30 mars 1967, Le Soleil publiait une photographie du conseil d’administration de la Coopérative agricole de la Côte-Sud, issue de la fusion des coopératives agricoles de Saint-Jean-Port-Joli et de Saint-Pascal (qui deviendra Dynaco, puis Avantis).
Les membres du conseil étaient réunis au pied du même escalier, à l’Institut de technologie agricole de La Pocatière. Sur la première rangée, on reconnaît Simon Fortin, représentant Saint-Jean-Port-Joli (4e à gauche), Roger Pelletier, président (5e), Antonio Deschênes, directeur général (6e), poste qu’il occupe jusqu’au début des années 1970. Il poursuivra ensuite sa carrière au sein de la Coopérative fédérée de Québec, à titre de conseiller en gestion auprès des coopératives locales, jusqu’à son décès en 1982.