Le Bulletin d’histoire politique m’a fait l’honneur d’une recension de mon livre Un pays rebelle (Septentrion, 2023).
J’appréhendais les commentaires sceptiques sur l’appui de la Côte-du-Sud aux insurgés « bostonnais », ce qui constitue l’idée principale du livre. Aurais-je exagéré cet appui qui ne s’est quand même pas concrétisé par une prise d’armes massive, seulement une centaine de Sudcôtois s’enrôlant dans le régiment Hazen? Aurais-je oublié des sources ou des études pertinentes?
La recension n’en parle pas, ce qui porte à penser que mon ouvrage se tient. L’auteur s’intéresse en fait beaucoup à ce que je n’ai pas fait.
Ainsi, j’aurais dû analyser davantage les motivations et l’influence des seigneurs et contextualiser l’influence du clergé. Peut-être, dans la mesure où j’aurais eu des sources pertinentes sur les seigneurs et le clergé de la Côte-du-Sud, ce qui ne court pas les rues. Même chose sur le rôle des femmes, notamment les « reines de Hongrie » : les sources se résument malheureusement à quelques lignes du rapport Baby et parler des femmes engagées dans la Révolution française quinze ans plus tard n’aurait rien appris à mes lecteurs sur les femmes de Saint-Vallier, sauf peut-être l’étendue de mon érudition. Idem pour les études comparatives sur « la forme » des pétitions… Ça dépasse de loin l’objectif de mon ouvrage et ce que je souhaitais communiquer à mes lecteurs.
J’aurais écrit en conclusion que « le congrès s’est trop concentré sur l’organisation militaire et trop peu sur celle de l’organisation d’assemblées politiques [sic] ». J’ai plutôt emprunté à Mark R. Anderson (qui est dument cité) l’idée que l’organisation politique manquait sur la Côte-du-Sud où les leaders « ont mis toutes leurs énergies dans la dimension militaire de la rébellion ». Le Congrès n’y était pour rien.
Ce n’est pas dans l’ouvrage de Wilhelmy mais plutôt dans le Dictionnaire des souches allemandes et scandinaves au Québec de Kaufholtz-Couture et Crégheur (Septentrion, 2013) que ma section sur les mercenaires « pige largement », comme la recension le juge un peu cavalièrement. Et si, au contraire, je « cite légèrement » l’étude de Mayer sur le régiment Congress’s Own, c’est qu’il n’y avait pas grand-chose à tirer pour mon livre qui ne porte pas sur ce régiment, mais sur les Sudcôtois qui s’y sont enrôlés.
La recension constate que je cite abondamment le Journal de Baby, mais que « les renvois en bas de page semblent avoir été escamotés par endroit », ce qui veut probablement dire qu’elles ne sont pas assez nombreuses ou constantes. C’est voulu. Il ne faut pas se rendre malade avec les notes. La version imprimée de ce Journal consacre deux douzaines de pages à la Côte-du-Sud, chaque paroisse en ayant plus ou moins deux, par ordre géographique. Les très rares lecteurs (ce sont les plus délurés) qui voudront vérifier une citation sur une paroisse donnée s’y retrouveront facilement.
Je ne sais pas si l’auteur de la recension émet une opinion générale ou s’il vise spécifiquement mon livre quand il écrit en conclusion que l’histoire régionale serait davantage pertinente si « elle ne se contentait pas d’une plate description de sélections d’éléments tirés de sources disponibles intégralement en ligne ». Depuis quelques décennies, mon objectif est de documenter certains chapitres méconnus de l’histoire de la Côte-du-Sud au bénéfice des lecteurs de cette région, un lectorat restreint, dans cette région peu populeuse, mais fidèle et avide de connaissances. Sans salaire, sans subvention, sans assistant de recherche, sans approbation de quiconque, et surtout sans m’en plaindre, mais avec un horizon qui rétrécit. Mes livres ne s’adressent pas à la Faculté, à la confrérie, aux organismes subventionnaires qui réclament des professions de foi ou au Conseil des arts, qui se fiche d’ailleurs de plus en plus de l’histoire. Ils risquent donc de ne pas satisfaire les revues dites savantes. J’ai retenu le conseil que Jean Hamelin donna un jour, en séminaire, à un doctorant qui se (et nous) perdait dans ses formulations théoriques alambiquées; je le cite, de mémoire, près de cinquante ans plus tard : « Vous trouvez que les livres d’histoire ne circulent pas? Encore faut-il écrire pour être lu. »