Le 10 septembre, Henry Caldwell, William Grant et quelques autres se rendent à Pointe-Lévy pour recruter des hommes afin de protéger la frontière menacée par une arrivée des insurgés des Treize Colonies dans l’axe Kennebec-Chaudière. Caldwell souhaitait recruter 250 hommes, il n’en aurait pas eu un seul.
Le lendemain, 11 septembre, Caldwell retourne à Pointe-Lévy avec Gabriel-Elzéar Taschereau, propriétaire de la seigneurie de Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce, directement menacée par le passage des « Bostonnais ». D’après les premiers échos de cette démarche, Caldwell et Taschereau auraient recruté un millier d’hommes qui doivent monter à Sartigan (auj. Saint-Georges). Le mémorialiste James Jeffrey doit cependant se corriger le lendemain : les quelque 1400 ou 1500 habitants réunis à Pointe-Lévy ne se sont pas engagés pour aller en Beauce, ils ont plutôt obligé Caldwell et Taschereau à retourner chez eux sans recrue : « They abused Majr Caldwell, Taschereaux, etc. and obliged them to return without a man & declare they shall not have one from any parish on the So Shore ».
Cette petite phrase fort révélatrice a été mise en évidence par Yvan-M. Roy dans un article dans « La seigneurie de Lauzon » (hiver 2016, p. 20-22, https://yvanm.eklablog.com/a-pointe-levy-le-11-septembre-1775-mutinerie-et-sedition-au-debut-de-l-a126523504).
De nombreux habitants de la Côte-du-Sud assistent à cette assemblée que le journal de Baby a qualifiée de « séditieuse » et « tumultueuse ». On y trouve notamment le capitaine de milice de Beaumont et « presque toute la paroisse » (ce qu’il faut interpréter comme « presque tous les miliciens ») ; « le plus grand nombre » des paroisses de Saint-Charles, de Saint-Michel et de Saint-Vallier, « presque la moitié » de la paroisse de Saint-François et dix à douze habitants de Saint-Pierre, une paroisse plus royaliste. À Berthier, le bailli Morency se met en route « avec la plupart des habitants », mais une partie seulement arrive avant la fin de l’assemblée. Les habitants de Saint-Thomas qui voulaient y aller doivent rebrousser chemin, « l’assemblée » étant terminée. Jeffrey mentionne qu’il en serait venu même de Kamouraska, mais il s’agissait sûrement de cas particuliers, peut-être Pierre Ayotte.
Il est difficile d’évaluer combien de personnes de la Côte-du-Sud ont participé à cette assemblée, probablement de 2 à 300.
À la suite de cette « assemblée séditieuse », on monte la garde au bord du fleuve, souvent en armes, dans les paroisses riveraines pour s’opposer aux forces du roi, et un système de feux est mis en place pour signaler l’arrivée éventuelle de forces britanniques sur le fleuve. Le journal de Baby en fait mention dans toutes les paroisses de la Côte-du-Sud. À Saint-Michel, les habitants s’emparent du presbytère pour en faire un poste de garde.
Cette assemblée et ses suites démontrent un fort courant de sympathie de la Côte-du-Sud envers les rebelles américains.