Comme le dirait notre maire, dans son langage imagé, Lysiane Gagnon est partie sur une « shire » dans sa chronique du 11 octobre (« Le Bloc ou la vie rêvée », La Presse, http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/lysiane-gagnon/200810/11/01-28683-le-bloc-ou-la-vie-revee.php).
Vu de La Presse, le Bloc mène la belle vie. « Ses fonds de campagne sont entièrement dépensés au Québec, alors que les autres partis doivent financer des campagnes coûteuses qui se déroulent de l’Atlantique au Pacifique. Le Bloc n’est même pas obligé de louer un avion. Ainsi délesté des dépenses les plus lourdes, le parti peut se concentrer sur la propagande. Du fait qu’ils n’œuvrent que dans une seule province, le Bloc et son chef jouissent, par rapport au seul électorat qui les intéresse, d’une visibilité exceptionnelle […]. Son unique cible est le groupe relativement homogène des Québécois francophones, alors que les autres chefs doivent composer avec des populations extrêmement diverses. […] C’est exactement comme s’il existait, au niveau de la politique provinciale, un parti montréalais qui ne s’occuperait que des intérêts de la métropole, et dont le chef n’aurait jamais à se soucier des travailleurs forestiers, des pêcheurs gaspésiens ou de la médecine en région ».
Madame Gagnon a peut-être oublié, et on peut imaginer qu’elle ne veuille pas se souvenir, que son exemple n’est pas théorique. Fondé en 1989, le Parti Égalité regroupait des Montréalais mécontents de la décision de Robert Bourassa d’invoquer la clause « nonobstant » pour assurer le maintien des dispositions de la Charte de la langue française concernant la langue d’affichage. Cette position du Parti Égalité et son fédéralisme radical ont fait en sorte que ses appuis se retrouvaient parmi la minorité anglophone et qu’il ne présentait des candidats que dans les circonscriptions ayant une proportion significative d’électeurs anglophones… et peu de pêcheurs gaspésiens ! Aux élections de 1989, 1994 et 1998, le parti a présenté une vingtaine de candidats, essentiellement dans la région de Montréal. Il a remporté 4 sièges à Montréal en 1989 et aucun autre par la suite. En fait, avant la fin de la législature, trois des quatre députés avaient déjà quitté le parti.
Madame Gagnon se souvient-elle d’avoir accusé le Parti Égalité d’être « montréalo-centriste », de « manquer d’altruisme et d’ouverture d’esprit » et surtout de « fausser le jeu de la démocratie », comme elle le fait à l’endroit du Bloc ?
Madame Gagnon n’est pas seule dans son camp. Cette campagne électorale passera à l’histoire pour avoir inventé un nouvel argument électoral, repris par des gens pourtant réputé intelligents comme Bernard Lord : on reproche maintenant à l’opposition de ne pas adopter de lois et d’être inefficace administrativement ! (Curieusement, le Bloc est la seule cible alors qu’il est encore loin des « records » néo-démocrates qui siègent « impunément » depuis des décennies (sous les étiquettes NPD et CCF) sans avoir fait adopter une seule loi eux non plus !)
Derrière cette rhétorique électorale primaire se cache un mépris pour la fonction de parlementaire et pour le Parlement lui-même. Dans cette perspective, des députés comme Stanley Knowles (un des plus grands parlementaires canadiens) ou Réal Caouette (quoi qu’on en pense), qui ont consacré leur carrière à défendre des principes sur les banquettes de l’opposition, sans espoir de prendre le pouvoir, n’auraient rien fait qui vaille tout en empêchant « le reste du Canada de se donner des gouvernements majoritaires ».
On se demandera ensuite qui essaie de « fausser le jeu de la démocratie ».
3 réflexions au sujet de « Mauvaise mémoire, mauvaise foi, ou les deux ? »
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Graham Fraser, dans un récent ouvrage « Sorry, I don’t speak french », te donne tout à fait raison relativement au rôle des créditistes, et tout particulièrement de Gilles Grégoire. Il suggère même que la Commission Laurendeau-Dunton était une réponse à leur action. Un exemple parmi plusieurs.
Mauvaise foi, mauvaise mémoire, les deux ensemble donnent l’ignorance crasse. Ainsi parée, la chroniqueuse servile fait son boulot. La démocratie est peut-être un soleil qui ne mûrit pas tout le monde.
Merci l’historien de remuer «le crate», ce qui permet aux fruits dans l’ombre de recevoir un peu de lumière.
Et vlan !
Enfin quelqu’un (vive les historiens) qui peut rétablir la logique, tout en rappelant les faits. Et avec sérénité, ce qui n’est pas toujours facile lorsqu’on s’entend accuser d’être inutile et coûteux parce que dans l’opposition.
Les Québécois ont répondu dans une large mesure à cette ineptie le 14 octobre. Mais il faut remercier Gaston Deschênes de développer l’argument. Puisse-t-il être lu et entendu.