Chanson francophone et tsunami appréhendé

Dans une chronique sur la chanson francophone (« Le déni de l’évidence », Le Soleil, 10 novembre), Régis Tremblay attire notre attention sur un communiqué publié le 30 septembre dernier par l’Observatoire de la culture et des communications du Québec : en 2007, pour la première fois, le public québécois s’est fait plus nombreux aux spectacles de chanson anglophone qu’à ceux de chanson francophone. « Chaque jour voit s’approcher la vague anglophone-anglophile qui nous submergera », écrit le chroniqueur, au sujet de cette révélation qui a fait peu de bruit.
À l’heure qu’il est, il a probablement obtenu les réactions classiques : « C’est ce que le monde veut », « faites de la musique pas de la politique », « faut s’ouvrir au monde », etc., le même type de réactions que le collectif Commémoration 1608-2008 a entendu cet été dans un dossier connexe (la présence de l’histoire au 400e).
Si la chanson anglophone séduit les Québécois et si, comme l’écrit Régis Tremblay, des artistes exploitent cette tendance « d’un peuple transformé en public », il n’est pas facile d’intervenir, mais on pourrait au moins éviter, comme société, de nourrir le mouvement avec les fonds de l’État.
À cet égard, on a eu de bien mauvais exemples en cette année du 400e anniversaire du « berceau de l’Amérique française ». On a accepté de clore le spectacle d’ouverture du 31 décembre 2007 avec une chanson en anglais et d’ouvrir le Festival d’été, le jour même de l’anniversaire en question, avec le spectacle d’un groupe anglophone (Plusieurs sont même convaincus que c’était le spectacle d’ouverture de fêtes du 400e). Ce Festival, dont on nous avait promis une « cuvée spéciale » pour 2008, a probablement été le plus « anglophile » de tous. En cette année qui marque le 400e anniversaire de l’installation permanente des Français en Amérique, l’idée d’amener un chanteur anglais sur le site qui symbolise la fin de la Nouvelle-France n’est sûrement pas née dans l’esprit de quelqu’un qui se préoccupait du sort de la chanson francophone ; on aurait pu au moins insérer dans le programme des chanteurs indigènes s’exprimant dans la langue de la majorité.
« On a le showbizz qu’on mérite », écrit monsieur Tremblay. Les leaders aussi.