La parité?

Le dernier sondage CROP-La Presse nous apprend que 87 % des personnes sondées appuient la décision de nommer un Conseil des ministres paritaire (formé également d’hommes et de femmes). Sommes-nous étonnés ? Comme ils disent dans le ROC, « they stand for motherhood and apple pie » ?
Les médias ont rapporté cette bonne nouvelle à grands coups de manchettes, mais les détails étaient moins clairs : dans Le Devoir, 18 ministres à la une et 21 dans la liste de la page 8 (on comprend que le whip et le président du caucus ne sont pas membres du Conseil des ministres) ; au Journal de Québec, 19 ministres en page 3, 18 en page 4 ; à La Presse, 18 et 19 dans la même page. Ces deux derniers journaux donnaient la photo de 19 ministres tout en écrivant qu’ils étaient 18. Le Soleil a suivi le train avec des 18 dans les textes jeudi et une liste de 19 samedi.
Deux jours plus tard, les sources officielles sont venues donner l’heure juste. Sur le site du Conseil exécutif (www.premier.gouv.qc.ca/equipe/conseil-des-ministres) comme sur celui de l’Assemblée nationale (www.assnat.qc.ca/fra/Membres/titulaires2.html), le Conseil des ministres compte bien 19 membres, dont 9 femmes et 10 hommes. On peut même télécharger une mosaïque qui ne laisse aucun doute: les femmes forment donc 47,36% du Conseil des ministres.
Et la parité ? Elle existe… dans la mesure où on fait abstraction du personnage le plus important! Paradoxal, non ?
Faut-il comprendre que la théorie du primus inter pares (premier parmi les pairs) est vraiment obsolète ? Depuis longtemps déjà, des politicologues ne croient plus à cette idée que le premier ministre est celui que le lieutenant-gouverneur (qui est toujours chef de l’État et représentant de la souveraine) désigne en premier lieu et charge de choisir les autres personnes qui composeront avec lui le Conseil des ministres. À cette conception traditionnelle, plusieurs observateurs ont opposé celle de « monarque élu » : le premier ministre ne serait plus un conseiller exécutif comme les autres (inter pares) car il possède maintenant d’énormes pouvoirs et, une fois élu, sa position est assurée par la discipline observée par ses députés. Dans cette perspective, un premier ministre gouverne assisté d’un conseil dont il désigne les membres. Plus ou moins comme le gouverneur avant 1848. Mine de rien, en ce mois d’avril 2007, nos institutions politiques auraient franchi une nouvelle étape avec la nomination de 18 personnes qui seraient en quelque sorte des conseillers de l’exécutif.
Peut-être aussi que cette explication est trop compliquée… Dans ce qui s’est passé le 18 avril, ne verrait-on pas plus simplement l’application d’une idée qu’un ancien député exprimait à peu près ainsi : « L’important, ce n’est pas ce qu’on dit ou ce qu’on fait mais ce que le monde comprend » ?